SIMON COMPAORE ET LA POLICE NATIONALE:« Je ne suis pas un malfrat et je n’ai commis aucun acte répréhensible»
Simon Compaoré, ex-maire de la commune de Ouagadougou et 2e vice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), dit avoir fait l’objet de filature par la Police nationale, chose que cette dernière a démentie. Afin de mieux comprendre ce qui s’est réellement passé, nous avons approché l’intéressé le 29 septembre dernier à son domicile, pour en savoir davantage. En plus de ce couac avec la police qu’il dit déplorer, Simon Compaoré s’est également prononcé sur la situation nationale, notamment sur l’appel au dialogue du président du Faso. Lisez plutôt !
« Le Pays » : Que s’est-il réellement passé entre vous et les policiers, le week-end écoulé ?
Simon Compaoré : C’est simple comme bonjour. J’ai eu un malheur dans ma famille. Mon beau-frère est décédé et je me suis rendu à l’enterrement. Le vendredi, je suis allé à notre siège. En m’y rendant, nous nous sommes rendus compte, à un moment donné, que nous étions suivis. On est allé au siège sis à Oudi, et quand j’ai fini ce pour quoi j’y étais allé, je suis ressorti et ces mêmes personnes qui me suivaient depuis le matin, de chez moi au siège à Ouidi, ont repris leur activité. Ils se sont remis à me suivre. Je suis allé en ville, puis je me suis rendu chez moi. Le lendemain, nous avions une réunion de la direction politique du MPP. Quand j’ai quitté chez moi pour m’y rendre, on s’est encore mis à me suivre. A côté de chez moi, juste au bord de la voie, ils attendent là-bas. Ils savent où je loge. Je me suis laissé dire que s’ils attendent là-bas, c’est qu’ils savent un peu mon itinéraire. Le samedi, on m’a encore suivi. Je suis allé participer à la réunion au siège et en quittant le siège après la réunion, on s’est encore rendu compte qu’on nous suivait. Il y avait 2 personnes, une derrière nous et une devant. Je me suis arrêté en chemin pour dire bonjour au Larlé Naaba et ceux qui me suivaient se sont arrêtés au bord de la route. Ils ont attendu que je ressorte de chez le Larlé Naaba pour reprendre la filature jusque chez moi.
« Je ne cherche pas à discréditer la police nationale »
Le même jour, le président de notre parti, Roch Marc Christian Kaboré, est passé chez moi et m’a confié que des personnes le suivaient depuis un certain temps et que selon ses sources, ces personnes se sont déportées vers moi. Et qu’il m’informait pour que je fasse attention, on ne savait pas qui nous suivait. Je lui ai dit que j’avais effectivement remarqué que depuis la veille j’étais suivi. On était donc sur nos gardes, en se disant que Dieu voulant, nous saurons qui nous suivait.
Vers 15h30, le même jour, en repartant au siège du parti, les mêmes personnes m’ont de nouveau pris en filature. Du siège, j’ai continué dans ma belle-famille car comme je l’ai dit, nous sommes en deuil. J’ai été suivi jusqu’à la maison mortuaire et de là-bas, jusqu’à la maison. Ceux qui sont avec moi, les jeunes du quartier, ont su que j’étais suivi et ils ont attendu de voir si ceux qui me suivaient allaient avoir le culot d’arriver jusque chez moi. Cela n’a pas manqué, ils nous ont suivis. J’ai entendu dire que c’était vers le laboratoire national, mais on sait bien là où ils stationnaient. Ce n’est pas loin des services de la mairie de Gounghin, pour ne pas se faire voir bien que cela fut inutile. On les voyait. Celui qui était derrière moi, grâce au rétroviseur du véhicule et celui qui était devant moi, on le voyait bien. Les jeunes ont appréhendé les 2 et les ont emmenés dans la cour d’une école juste à côté, pour leur demander les raisons pour lesquelles ils suivaient Simon Compaoré. Certains disent que c’était prémédité. Pourtant, lorsque ces jeunes sont rentrés dans la cour de l’école, beaucoup de personnes y jouaient au football. Il n’y a rien de prémédité. Donc, lorsqu’on semble dire que nous avons réuni des gens, ce n’est pas vrai. Les jeunes qui ont su qu’on me suivait ont attendu ceux qui étaient en cause pour leur demander ce qu’ils voulaient de moi. Ils les ont interrogés et ces derniers se sont présentés comme étant des policiers. J’étais dans ma cour et quelqu’un m’a rapporté que les personnes qui me suivaient ont été arrêtées et que c’était des policiers. Je suis donc sorti rapidement pour demander qu’on me les amène, ce qui a été fait.
« Qu’on ne me fasse pas porter l’habit qui ne me sied pas »
Les personnes arrêtées m’ont confirmé qu’elles étaient des policiers. J’ai pris leurs pièces et je leur ai demandé de rester à l’abri dans ma cour. J’ai alors demandé qu’ils me donnent le nom de leur responsable pour que je lui demande les raisons pour lesquelles je fais l’objet de filature, tout en les rassurant que je les garde chez moi pour leur propre sécurité. J’ai donc joint leur responsable qui a estimé que j’ai appelé avec un numéro masqué et m’a demandé de décliner mon identité et je me suis exécuté. Je lui ai demandé de venir pour qu’on échange afin que je sache pourquoi je suis suivi et pour qu’il récupère ses éléments. Je ne tenais pas à ce qu’il leur arrive quelque chose. Si ceux qui me suivaient n’étaient pas des policiers, je les aurais moi-même conduits au commissariat. Voilà comment les choses se sont passées et entre-temps, des journalistes sont arrivés. Je leur ai juste dit le minimum de ce qui pouvait l’être. Je ne cherche pas à discréditer la Police nationale. C’est une institution que je respecte et avec laquelle j’ai eu à travailler. Donc qu’on ne me fasse pas porter l’habit qui ne me sied pas. Mais je suis en droit de m’inquiéter quand je fais l’objet de filature serrée.
Effectivement, un responsable de la police est venu avec la CRS. Ils ont récupéré les deux personnes qui me suivaient ainsi que leurs motocycles et leurs pièces d’identité, puis sont repartis. Mais je leur ai signifié que je ne souhaite plus être suivi ainsi. Je ne suis pas un malfrat et je n’ai commis aucun acte répréhensible ; qu’on me suive ainsi pose problème. Surtout quand c’est visible. Si on me file sans que je m’en rende compte, il n’y a aucun problème mais quand cela est visible, ça pose problème.
Avez-vous l’impression que ces policiers vous espionnaient? Si oui, à quelle fin ?
Même si c’était le cas, ça n’a pas de sens. Je ne mène pas des activités louches ni des activités qui méritent qu’on s’attache à ce que je fais. Je suis un simple citoyen. C’est vrai que je fais de la politique et que je suis un responsable politique, mais ça se limite là. Nous menons nos activités de façon très légale. Il n’y a donc pas d’intérêt en ce qui me concerne, à contrôler mes mouvements. Ce ne sont pas des activités louches et je me pose des questions. Si c’est pour ma propre sécurité, j’aurais souhaité qu’on me dise que compte tenu de la situation, on a demandé qu’on prenne des dispositions pour protéger un certain nombre de personnes. Ainsi, je ne me poserai pas trop de questions si ce genre de chose arrivait.
Dans sa mise au point, la Police nationale a dit que ces deux policiers étaient en mission, dans le cadre de la lutte contre l’insécurité. Vous y croyez ?
J’ai dit ce que je pense. Le problème qui se pose à moi est que je suis quelqu’un de connu. Et la police me connaît pour la simple raison que j’ai été le maire de la ville de Ouagadougou. Mon domicile est connu, on sait que je suis un retraité et que je suis un des responsables politiques du MPP.
Si c’était pour ma sécurité, j’aurai aimé qu’on me dise de ne pas m’inquiéter, même si je me rends compte qu’il y a telle ou telle chose que je remarque, parce que ce sont des dispositions générales prises pour ma protection. Si c’était réellement pour ma protection, on doit pouvoir me le dire pour que je ne sois pas inquiet. Comme cela n’a pas été fait, honnêtement, je ne suis pas content. Si cela avait été fait, ce qui s’est passé ne serait pas arrivé. J’aurai su qu’ils étaient là pour ce dont on m’avait parlé.
Comment vous sentez-vous dans votre manteau d’opposant ?
Je suis bien, tout va bien, sinon je ne vous aurais pas reçu. A part les petits bobos quelques fois au niveau santé, ça va. Je n’ai pas de problème particulier
Vous attendiez-vous à une telle situation ?
Non, pas du tout. Tout simplement parce que je ne mène pas d’activités louches. Je ne fais pas des choses qui peuvent éveiller des soupçons ou susciter des doutes sur mon activité. C’est pour cela que j’étais inquiet. Ça pouvait ne pas être des policiers ! C’est ce qu’il faut se dire.
Comment appréciez-vous l’appel au dialogue lancé par le chef de l’Etat ?
Je partage ce que la délégation du Chef de file de l’opposition (CFOP) a dit. Je n’ai rien à ajouter à ce qui a été dit par les responsables du CFOP. On est tous fils de ce pays et personne ne souhaite que le pays connaisse des problèmes. C’est pourquoi on attire l’attention des uns et des autres sur ce qui peut être de nature à troubler l’ordre public. Quand je parle de cela, je frémis. Beaucoup n’ont pas le même ressenti que moi. J’ai souffert de l’insécurité et n’eût été l’aide de Dieu, j’aurais perdu la vie. Quand on parle de paix, de tranquillité, j’y suis très sensible. Raison pour laquelle toutes mes prières sont pour que tous ceux qui ont cette possibilité, compte tenu de leurs charges, de faire en sorte que notre pays ne traverse pas des turbulences, qu’ils puissent le faire. Les citoyens du Burkina leur en seront gré. Je remercie tous ceux qui prient chaque jour que Dieu fait, pour que la raison l’emporte et que les gens fassent ce qu’ils ont à faire pour que la paix l’emporte dans notre pays.
Que peut-on attendre de ces concertations ?
Je suis un citoyen comme vous. Beaucoup de personnes attendent que la situation s’apaise. Des portes de sortie honorables pour tout le monde. Et qu’il n’y ait pas de bras de fer. Quand il y a des bras de fer, les conséquences sont désastreuses. Même si j’ai des doutes pendant qu’il y a cette dynamique, il y a une autre dynamique qui nous amène à nous poser des problèmes. Quand on veut la paix, il faut que tout le monde se mette dans le sillage. Or, il y en a qui tirent de ce côté et d’autres tirent de l’autre côté. On se pose des questions, est-ce que quelque chose de bon sortira de ces concertations ? C’est le souhait de tout le monde. Mais est-ce que les conditions sont réunies pour que quelque chose de bon puisse sortir de là. Avec Dieu, tout est possible. Il ne faut pas désespérer. Les agissements de certaines personnes font qu’il y a un peu de doute.
D’aucuns estiment que cet appel au dialogue du président du Faso est une manière de rouler l’Opposition dans la farine ; qu’en pensez-vous ?
Il ne faut pas devancer l’iguane dans l’eau. Ils reprennent le dialogue aujourd’hui (NDLR : lundi 29 septembre). Pourquoi êtes-vous pressés ? (rires) attendons tous. Laissons d’abord les supputations. La réalité viendra d’elle-même.
Avez-vous des propositions de sortie de crise ?
Ce n’est pas à moi de faire des propositions de sortie de crise. Le problème ne réside pas à mon niveau. J’ai simplement un souhait. C’est que la Constitution puisse être respectée et que tout le monde se mette d’accord afin qu’on puisse respecter la Constitution. Si on fait cela, la paix reviendra d’elle-même sans problème, sans difficultés. C’est cela mon souhait.
Comment se portent les sections du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) installées à l’extérieur du Burkina ?
(Rires) Quand je vois certains écrits, ça me fait sourire. Je ne vais pas parler de ce que je ne connais pas mais plutôt de ce que je connais. Nous avons été au Sénégal, précisément à Dakar. Il y a une section au Sénégal avec des sous-sections. Les choses se passent normalement. Nous avons régulièrement des informations. Nous avons une section aux Etats-Unis d’Amérique. L’activisme dont ils font preuve se passe de commentaires. Ce sont les moyens qui font défaut, sinon on allait pouvoir leur rendre visite. Au Canada, pareil ! En Suisse, pareil ! En Belgique, pareil ! En France, nous venons de mettre la section de France en place. A cette assemblée, sont venus assister les camarades des Pays-Bas, de Belgique, d’Allemagne. Ces délégations ont assisté à la mise en place de la section MPP de France. En Allemagne, il y a des structures MPP, en Italie, en suisse et j’en oublie. Dans certains coins, nous sommes arrivés à être des structures de la CENI. Cela est vérifiable sur le terrain.
« La volonté et la pertinence des propos compensent les moyens »
En Afrique, nous étions à Bamako au Mali. Il y a une section qui a été mise en place. Une section a été installée au Niger. Tout dernièrement, nous avons mis en place une section au Ghana. Bon an mal an, on avance avec les difficultés. Nous n’avons pas les moyens comme certains. Souvent, la volonté et la pertinence des propos compensent ces moyens. C’est d’ailleurs certains compatriotes qui ont assuré certaines charges au Ghana. On peut dire qu’on ne pouvait pas s’attendre à plus que cela. On peut dire qu’on est satisfait, mais nous allons continuer à travailler pour ne pas faire dans l’autosatisfaction. Il reste beaucoup à faire surtout en ce qui concerne l’implantation. J’oubliais la Côte d’Ivoire qui est un gros morceau. Nous avons une section là-bas. Les camarades travaillent. Ça bouge ! Il y a des sous-sections qui sont en train d’être mises en place.
Quels sont les rapports entre le MPP et les autres partis politiques de la sociale démocratie à travers le monde ?
Nous venons à peine de naître et essayons au cours de nos sorties de prendre des contacts avec certains partis. Nous essayons de demander des rendez-vous pour discuter et voir avec certains partis comment nous pouvons nouer des relations d’amitié et dans le cadre de l’option de la sociale démocratie qui nous réunit. Mais je dois dire qu’au-delà de ces partis d’obédience sociale démocrate, il y a d’autres partis politiques avec lesquels nous pensons pouvoir discuter. On discute avec des partis qui ne sont pas de la sociale démocratie et qu’ailleurs, on ne puisse pas le faire. Sachez tout simplement que nous avons eu des relations dans les pays que nous avons visités, que je ne cite pas. Ces contacts vont se poursuivre à chaque fois que nous allons sortir. Nous sommes très actifs aussi bien sur le plan intérieur qu’extérieur. Notre problème, ce sont les moyens, mais beaucoup de gens font avec. Nous aussi on va faire avec. Les moyens, c’est quelque chose de nécessaire, mais les moyens sans cette volonté de réussir peuvent ne pas produire des résultats. Les deux vont ensemble si on veut des résultats.
D’aucuns disent que le torchon brûle en vous. Que se passe-t-il entre le trio Roch, Salif et Simon ?
(Sourire) ! Il faut laisser les gens rêver parce qu’il est permis de rêver. Quand on rêve, on va se réveiller, et ils verront la réalité en face. Quand la réalité est là, on ne peut pas la cacher. Ce sont des gens qui ont des souhaits, mais ils vont mettre du temps pour que leurs souhaits soient exaucés. En attendant, nous nous portons bien et travaillons comme par le passé. Je ne dirai pas que ça va. C’est vous-même qui allez constater que ça va. Je vous ai dit que Roch était là le samedi, pour me dire de faire attention. Si on ne s’entendait pas, pourquoi il allait venir. Samedi, nous avions une rencontre et j’étais à ses côtés. S’il y a la bagarre, vous le constaterez de vous-mêmes. Je pense qu’il faut passer à autre chose. Nous avons une idée claire de ce qu’on veut. Des idées que nous défendons. Vous allez bientôt nous voir, parce que nos activités vont gagner en intensité.
Propos recueillis par IS et TS
Ali Kama
/
Que Dieu guide vos pas pour un Burkina rayonnant. Vous vous êtes jetés à l’eau pour sauver la démocratie burkinabè, eh bien, que Dieu dans sa très grande bonté soit votre guide pour le bien de tous ces enfants de Dieu que sont tous les patriotes burkinabè
1 octobre 2014