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SOMMET AFRIQUE-CHINE : Une coopération qui profite plus aux dictateurs


 

Le pays de Mao est allé à la rencontre de l’Afrique, les 4 et 5 décembre derniers, en Afrique du Sud, pour parler non seulement de développement mais aussi, contexte oblige, y évoquer les questions de paix et de sécurité avec ses partenaires du continent noir. C’est le sixième sommet du genre. On en retiendra l’annonce d’une aide chinoise de 60 milliards de dollars, principalement sous forme de prêt sur 3 ans, destinée à financer le développement de l’Afrique. A cela, il faut ajouter la promesse de 60 millions d’euros d’aide pour soutenir les efforts de paix de l’Union africaine (U.A). Avant de dire un mot sur le partenariat Chine-Afrique, l’on peut déjà se réjouir que ce grand rendez-vous se soit tenu pour la première fois en terre africaine. Car, toutes les 5 dernières éditions s’étaient tenues en Chine. Et cela, il faut le dire, était de nature à écorcher la fierté et le nationalisme des Africains.

Ce qui fait courir la Chine vers l’Afrique  entre dans le cadre de la lutte d’influence

De ce point de vue, la Chine a donc vu juste de se déporter cette fois-ci en Afrique pour évoquer avec les Africains leurs préoccupations et leur proposer sa contribution à l’effet de les résoudre. Cela peut être perçu comme un témoignage de respect que la Chine a vis-à-vis du continent noir. Et le choix de l’Afrique du Sud de ce point de vue, pourrait ne pas être innocent. Ce pays, en effet, grâce à l’œuvre de Nelson Mandela, charrie beaucoup de symbolismes en termes de nationalisme et de luttes d’émancipation aux yeux des Africains. D’ailleurs, si aujourd’hui l’Afrique du Sud est libre, elle le doit en partie aux soutiens multiformes que la Chine  communiste avait apportées, aux pays de la ligne de front et aux militants de l’ANC (African National Congress) dans leur combat héroïque contre l’Apartheid. Cela, l’Afrique ne peut pas l’oublier. Mais l’on doit, à la vérité, de dire que ce qui fait courir la Chine vers l’Afrique aujourd’hui entre dans le cadre de la lutte d’influence entre elle et les alliés traditionnels de l’Afrique en terme de coopération et d’exploitation des immenses ressources surtout minières et pétrolières dont regorge le continent noir. La considération humanitaire que les uns et les autres avancent pour justifier leur intérêt pour l’Afrique n’engagent que ceux qui ont encore la faiblesse d’y croire. Les puissances occidentales, par moments, sous la pression de leurs opinions nationales, sont tenues d’intégrer dans leur partenariat avec l’Afrique, les questions liées aux droits humains et à la gouvernance. Cela, on le sait, agace les dictateurs qui s’abritent derrière leur souveraineté pour leur récuser le droit de fouiner dans leurs affaires intérieures. Et ils le disent haut et fort parce qu’ils sont convaincus que dans l’hypothèse où l’Occident leur fermerait le robinet, ils ont un partenaire et pas le  moindre vers lequel ils pourraient se retourner pour se tirer d’affaire. Et ce partenaire n’est autre que la Chine populaire. En effet, cette dernière, depuis notamment la politique d’ouverture entamée en 1977 par Deng Xiaoping au nom du concept de l’économie de marché socialiste, a mis un point d’honneur à faire la cour aux pays africains, surtout à ceux d’entre eux qui peuvent alimenter ses usines en ressources naturelles. Au titre de ces ressources, on peut citer en premier lieu, le pétrole. Rien que l’odeur de ce dernier peut rendre ivre la Chine communiste.  C’est pourquoi, tous les dictateurs dont les pays en sont producteurs sont les plus grands amis de Pékin. Et ce n’est pas demain la veille que la Chine va s’offrir le luxe de cracher sur les matières premières que les pays africains sont prêts à lui offrir contre des espèces sonnantes et trébuchantes, et dans la plupart des cas contre la réalisation d’infrastructures. Et ce, sans se poser la moindre question en matière de gouvernance politique. On peut parier qu’au rythme  où vont les choses,  la Chine a toutes les chances de mettre, peut-on dire, un jour toute l’Afrique dans son escarcelle, si l’on n’y prend garde.

La Chine est pour les dictateurs africains une alternative crédible

En effet, bien des pays africains, peut-on avoir l’impression, même ceux qui peuvent se targuer d’être démocrates et de réunir potentiellement les ingrédients pour se développer, ont du mal à se défaire de l’illusion selon laquelle leur bonheur se trouve entre les mains des autres. C’est cette posture aliénante qui les empêche véritablement de grandir par eux-mêmes. Ce faisant, chaque puissance en profite, pour initier un sommet destiné au continent noir, convaincue que presque tous les dirigeants africains y accourront, chacun avec sa sébile. Et lorsque c’est la Chine qui les invite, démocrates et dictateurs, toutes affaires cessantes, répondent présents. Et les derniers, à l’image du vieux Bob du Zimbabwé, le font avec d’autant plus d’enthousiasme qu’ils savent que la Chine est pour eux une alternative crédible et un partenaire naturel en ce sens qu’elle ne se préoccupe pas de savoir si ses aides vont dans le sens des préoccupations réelles des populations. Certes, elle construit en Afrique des stades et des routes. Mais elle construit aussi des palais somptueux pour les dictateurs. En outre, elle donne sans compter à ces derniers, consolidant de ce fait leur régime. L’essentiel est qu’elle puisse accéder aux richesses de leur pays. C’est pourquoi l’on peut affirmer sans grand risque de se tromper que le partenariat Chine-Afrique profite plus aux dictateurs africains qu’aux populations. L’autre grand mal de ce partenariat est le fait que la Chine se refuse à tout transfert de technologie et de compétences. Dans ces conditions, l’on peut être sûr d’une chose : les sommets Chine-Afrique ont de beaux jours devant eux, puisqu’au lieu d’apprendre aux Africains à pêcher, la Chine leur sert invariablement du poisson braisé et cela, les gouvernants africains en sont friands.

« Le Pays »


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