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SOMMET AFRIQUE-RUSSIE : Peut-on reprocher à l’Afrique de se mobiliser derrière ses intérêts ?


C’est aujourd’hui, 27 juillet 2023, que s’ouvre à Saint-Pétersbourg, le sommet Russie-Afrique. Une cinquantaine de têtes couronnées du continent participent à ce grand raout avec le maitre du Kremlin, Vladimir Poutine, qui, vraisemblablement, n’a pas lésiné sur les moyens pour que l’événement soit un grand succès au grand dam des Occidentaux. En effet, ces derniers ont usé de tous les moyens diplomatiques possibles pour faire pression sur les chefs d’Etats africains dans l’optique de les dissuader de répondre à l’invitation de Moscou. De guerre lasse, ils accusent Poutine de manipuler les Africains, en mettant en avant des intérêts alimentaires. C’est, en effet, ce qui ressort des critiques acerbes formulées par l’Ukraine qui est aujourd’hui la voix des Occidentaux contre Vladimir Poutine quand celui-ci a fait cette annonce à la veille du sommet : « Nonobstant les sanctions, la Russie poursuivra ses efforts énergiques pour assurer la distribution de céréales, de produits alimentaires, d’engrais et d’autres biens vers l’Afrique ».

 

 Le continent noir devrait se réjouir d’être au centre de toutes les convoitises 

 

Mais au-delà des accusations portées contre Poutine qui ne fait, d’ailleurs, qu’usage de la même arme alimentaire dont les USA ont longuement détenu le monopole, ce qui pourrait gêner dans les critiques occidentales, c’est l’infantilisation des Africains. Ces derniers apparaissent en filigrane dans les discours occidentaux, comme de grands gamins qui n’obéissent qu’à leurs instincts alimentaires quand ce n’est pas pour s’ équiper des armes russes pour se tirer dessus. Même si les Africains ne sont pas exempts de tout reproche, eux qui ont toujours la sébile tendue vers l’Occident quand certains roitelets ne courent pas dans les cours européennes pour se faire adouber par les grands chefs blancs, peut-on véritablement leur reprocher de se mobiliser derrière leurs intérêts ?  La réponse à cette interrogation est assurément non. Et pour cause. Le général Charles De Gaulle ne disait-il pas que « les Etats n’ont pas d’amis ; ils n’ont que des intérêts » ? C’est cette maxime bien connue qui guide les relations internationales. Et c’est d’ailleurs au nom de leurs intérêts que les Occidentaux qui tentent d’isoler diplomatiquement Vladimir Poutine, ont exercé toute la pression qu’ils pouvaient, pour empêcher les dirigeants africains de rallier Saint-Pétersbourg. L’Afrique n’a donc pas à rougir des accusations occidentales. Elle devrait bien au contraire assumer ses choix qui sont dictés par les besoins du moment. Mieux, le continent noir devrait se réjouir d’être au centre de toutes les convoitises et se donner les moyens de profiter au mieux de cette situation. En effet, la concurrence que se livrent les grandes puissances en Afrique, en raison de leurs intérêts économiques et géostratégiques, devrait offrir au continent une large gamme de choix dans les partenariats qui lui sont proposés tout en s’affranchissant des conditionnalités occidentales qui accompagnent souvent l’aide internationale.

 

 Le choix d’aller à Saint-Pétersbourg, est l’affirmation de la liberté retrouvée 

 

Au-delà des choix à faire entre partenaires sur la base des intérêts, c’est l’occasion, pour l’Afrique, de poser la problématique même de sa place dans les relations internationales. Souvent réduite à s’aligner sur les positions des grandes puissances mondiales, elle est sans poids réel dans les décisions sur les grandes préoccupations mondiales, y compris celles qui touchent en premier les Africains eux-mêmes. C’est donc l’occasion rêvée, en ce moment où les grands du monde lui font les yeux doux et pâlissent même de jalousie quand l’Afrique penche pour l’un ou l’autre camp, d’exiger une plus grande importance dans le concert des nations. Encore faut-il que le continent puisse parler d’une même voix pour obtenir gain de cause.  Et c’est justement et malheureusement ce que l’ont peut déplorer. En effet, avant de se rendre aux grands rendez-vous mondiaux, l’Afrique pèche dans sa préparation. Allant en rangs dispersés, les dirigeants africains prêchent chacun pour sa chapelle personnelle. Et à Saint-Pétersbourg, il y a toutes les chances que ce soit ce scénario préétabli où chaque chef d’Etat fera des pieds et des mains pour poser avec le puissant hôte du sommet pour ne ramener pour leurs peuples, que le titre de « grand ami de Vladimir Poutine ». La conséquence de cette impréparation est que les sommets se succèdent sans véritable impact pour le développement du continent. En effet, les sommets avec les dirigeants africains sont légion : sommets USA-Afrique, France-Afrique, Union européenne-Afrique, Japon-Afrique, Chine-Afrique, etc., mais l’Afrique continue de patauger dans le sous-développement. Et cela fait que ces sommets, plus folkloriques que tout autre chose, ne servent qu’à flatter les ego des grands dirigeants mondiaux qui y lisent leur puissance diplomatique et leur influence dans le monde. Cela dit, on peut croire à une timide prise de conscience des Africains. Car, s’ils n’ont pas cédé aux pressions occidentales pour cracher dans la soupe du président russe, cela voudrait dire qu’ils ont pris l’option de rompre les liens coloniaux et néocoloniaux qui les maintenaient dans la dépendance servile. Il reste à espérer que l’on ne quitte pas un maître pour aller se refugier sous les ailes protectrices d’un autre maître mais que le choix d’aller à Saint-Pétersbourg, est l’affirmation de la liberté retrouvée : celle de parler d’égal à égal avec les partenaires et de négocier des accords sur la base des intérêts mutuellement bénéfiques, c’est-à-dire un partenariat gagnant-gagnant. C’est, en tout cas, tout le mal que l’on puisse souhaiter à l’Afrique quand s’éteindront les lampions sur les rives de la Baltique.

 

« Le Pays »                  


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