HomeA la uneSOMMET DE LA CEEAC SUR LE TCHAD  :  Le bal des hypocrites  

SOMMET DE LA CEEAC SUR LE TCHAD  :  Le bal des hypocrites  


Cinq jours après la répression meurtrière du 20 octobre dernier qui a, selon les chiffres officiels, laissé une cinquantaine de Tchadiens sur le carreau, les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) se sont retrouvés en sommet extraordinaire à Kinshasa, à l’initiative du président congolais, Félix Tshisekedi, président en exercice de ladite organisation. C’était le 25 octobre dernier, à l’effet de se pencher sur la situation sociopolitique au pays des Déby. Si l’initiative, en elle-même, est déjà salutaire, au regard de l’émoi créé par ce massacre qui a fait l’objet de condamnations multiples à travers le monde, on se demande ce que peut encore la CEEAC dans la crise tchadienne qui semble avoir largement dépassé le stade du dialogue entre les protagonistes. Est-elle en mesure de prendre des mesures coercitives à l’encontre de l’une ou de l’autre des parties au conflit ? De mémoire de populations d’Afrique centrale, c’est une réputation qu’on ne lui connaît pas. Toujours est-il que les contempteurs du président de la transition ont clairement affiché dans la rue, leur rejet des conclusions du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) qui a prolongé de deux ans, le mandat de Mahamat Idriss Deby.

 

On se demande si la CEEAC ne joue pas au médecin après la mort

 

Il s’était pourtant engagé à rendre le pouvoir au terme des 18 premiers mois de transition échus le 20 octobre dernier. L’autre pomme de discorde qui constitue la source de colère des croquants, est la large brèche d’une candidature à la prochaine présidentielle, ouverte au fils de l’autre au terme de la transition en cours. Le décor ainsi déjà planté, on se demande si à travers ce sommet, la CEEAC ne joue pas au médecin après la mort. Car, il y a à se demander si sa tentative de prendre le problème à bras-le-corps, n’intervient pas quelque peu sur le tard. A moins que cette rencontre entre têtes couronnées de cette région de l’Afrique réputée pour abriter de nombreux cancres de la démocratie, ne soit un sommet pour se donner bonne conscience. Car, après avoir laissé Deby fils manœuvrer à sa guise pour s’ouvrir un bail à volonté à la tête de l’Etat tchadien, et enjamber les cadavres de ses contempteurs, on ne voit pas comment la CEEAC pourrait jouer efficacement les médiateurs dans cette crise dont le fond du problème reste la question de la confiscation du pouvoir au profit d’un clan. En tout cas, on peut douter que dans le secret de leurs discussions, les chefs d’Etat de la CEEAC aient osé aborder cette question essentielle à l’effet d’inviter le descendant du Maréchal à mettre de l’eau dans… son thé et à revoir sa copie.  Comment le pourraient-ils d’ailleurs quand siègent en bonne place au sein de cette organisation régionale, des dinosaures de la faune politique africaine, à l’image du Camerounais Paul Biya, du Congolais Denis Sassou Nguesso, du Gabonais Ali Bongo Ondimba, de l’équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema, et la liste est loin d’être exhaustive ? Ce sont autant de prédateurs de la démocratie aux placards bourrés de cadavres.

 

Si la CEEAC veut se montrer utile au Tchad, elle gagnerait à adopter une posture de fermeté dans ce conflit

 

Quelle leçon de morale, un président comme le Centrafricain Faustin Archange Touadéra, peut-il donner aujourd’hui à Deby fils, pendant qu’il est lui-même en train de réunir les ingrédients de l’instabilité et de la tambouille dans son propre pays en affichant une volonté irrépressible de briguer un troisième mandat ? C’est dire si au-delà de toute chose, ce sommet de la CEEAC de Kinshasa, est un véritable bal des hypocrites. Et à côté de ces loups, les têtes couronnées de la CEDEAO que l’on a souvent accusées de former un syndicat de chefs d’Etat, paraissent des agneaux. Car, la racine du mal tchadien est bien connue. C’est Deby fils qui est dans une logique de confiscation du pouvoir ; ce que conteste une large frange de ses compatriotes. Mais en lieu et place de lui cracher les vérités en face, l’on ne serait pas étonné qu’au sortir de ce sommet qui se tient à huis clos, le jeune général-président puisse trouver auprès de ses pairs, le soutien que Ndjamena semble chercher pour échapper à d’éventuelles sanctions de l’Union africaine (UA) ; l’institution panafricaine ayant vainement appelé les autorités intérimaires au respect des dix-huit mois de transition à compter de la mort de Déby père. En tout état de cause, si la CEEAC veut se montrer utile au Tchad, elle gagnerait à adopter une posture de fermeté dans ce conflit. Et pour la survie de cette nation, l’institution centre-africaine ne devrait pas hésiter à crever l’abcès du problème qui n’est rien d’autre que celui de l’alternance démocratique. Mais est-elle aujourd’hui bien placée pour le faire ? A-t-elle les moyens d’y parvenir? A-t-elle la volonté de le faire ? On peut en douter.

 

« Le Pays »  


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