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SOMMET DE OYO SUR LA LIBYE


Oyo, la ville natale du président congolais, Denis Sassou Nguesso, accueille ce 12 mars 2020, une réunion de haut niveau du groupe de contact ONU-UA sur la Libye. Deuxième réunion du genre après celle de Brazzaville en janvier dernier, ce sommet qui réunissait les présidents sud-africain et tchadien, et des émissaires algérien et égyptien ainsi que des représentants des Nations unies et de l’Union africaine (UA) autour de leur hôte du jour, s’inscrit dans le cadre de la recherche de solutions au règlement de la crise libyenne. Un véritable serpent de mer qui ne cesse de se mordre la queue au point que l’émissaire de l’ONU en Libye, le Libanais Ghassan Salamé, a dû jeter l’éponge, le 2 mars dernier, après près de trois ans d’efforts infructueux. Car, de pourparlers politiques en pourparlers politiques, l’équation libyenne est restée jusque-là insoluble et tend même à se complexifier avec l’ingérence de puissances étrangères, dont la plus récente en date est celle de la Turquie qui a pris partie pour le gouvernement d’union nationale de Tripoli contre l’homme fort de l’Est, le maréchal Haftar, qui bénéficie de son côté du soutien d’autres puissances occidentales comme la France et la Russie.

Il se joue au pays de Kadhafi, une vaste hypocrisie de la communauté internationale

C’est dans ce contexte que l’UA souhaite organiser un forum de réconciliation inter-libyen dont le sommet d’Oyo vise à poser les jalons, à travers l’élaboration d’une feuille de route qui doit ratisser large, en incluant le maximum d’acteurs au-delà des deux camps en conflit. L’objectif étant d’amener sous l’arbre à palabre, outre le chef du gouvernement d’Union nationale et l’homme fort de l’Est, les héritiers du défunt président Mouammar Kadhafi et des acteurs majeurs de la société civile. C’est dire si le Comité de haut niveau de l’UA sur la Libye dont le chef de l’Etat congolais assure la présidence, a du pain sur la planche. Sassou réussira-t-il alors là où les autres ont échoué ? Rien n’est moins sûr. D’autant plus que de Moscou à Genève en passant par Paris et Berlin, toute la difficulté aura été de faire asseoir les deux belligérants autour d’une même table pour négocier la paix. Pendant ce temps, l’ONU est incapable de faire respecter l’embargo sur le pays où des puissances étrangères continuent de déverser armes et combattants, malgré les appels incessants au cessez-le-feu. C’est dire s’il se joue au pays de Kadhafi, une vaste hypocrisie de la communauté internationale qui peut être rédhibitoire au retour de la paix dans le contexte actuel. C’est, du reste, croit-on savoir, ce qui justifie en partie la démission du médiateur de l’ONU, Ghassan Salamé, qui n’a pas manqué, au passage, de pointer du doigt la responsabilité des « acteurs extérieurs » dans l’aggravation de la crise qui est aujourd’hui au bord de l’enlisement. Cela dit, l’initiative de l’UA, à travers une approche inclusive dans le règlement de la crise libyenne, est louable. Et l’on peut aisément comprendre sa volonté de s’impliquer davantage et de jouer un rôle plus important dans la résolution de la crise libyenne qui est, pour elle, d’abord un problème africain.

La paix restera introuvable si les Libyens eux-mêmes ne sont pas prêts à désarmer les cœurs

En tout cas, tout porte à croire que loin d’être mécontente de la démission de Ghassan Salamé, l’UA pourrait accueillir favorablement la nomination de l’Algérien Ramtane Lamamra fortement pressenti pour être le nouvel émissaire de l’ONU en Libye, parce qu’il est d’abord Africain, en plus d’être arabophone et un spécialiste des questions du Sahel. En tout état de cause, tout le mal qu’on peut souhaiter à l’organisation panafricaine, c’est que son initiative puisse porter fruit. D’autant que, comme on le dit souvent, toute guerre finit toujours autour d’une table de négociations. Et plus vite on y va, mieux cela vaut. Mais encore faudrait-il que les parties en conflit aient la confiance des médiateurs et soient véritablement mues par la volonté de dialogue pour aller à la paix. Dans le cas d’espèce, la question est de savoir si les principaux acteurs de la crise libyenne sont tous aujourd’hui dans un tel état d’esprit et s’ils croient plus à cette solution qu’à la solution militaire. D’autant que derrière les belligérants, se trouvent des grandes puissances dont on se demande si elles ne les poussent pas à la confrontation à travers des soutiens en armes et en combattants, et que derrière les grandes puissances, se trouvent des intérêts. C’est dire si la solution à cette crise, en plus d’être africaine, risque d’être d’abord libyenne. Il appartient donc aux Libyens de prendre conscience de la situation de leur pays et se résoudre à se donner la main pour sortir leur pays de l’ornière. Autrement, les initiatives auront beau se multiplier, la paix restera introuvable si les Libyens eux-mêmes ne sont pas prêts à désarmer les cœurs pour aller à la réconciliation.

« Le Pays »


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