SOMMET DE PAU SUR FOND DE CARNAGE AU NIGER:Le grand tournant ?
Initialement prévu pour le 16 décembre 2019, c’est finalement aujourd’hui, 13 janvier 2020, qu’aura lieu le sommet de Pau, que le président français, Emmanuel Macron, appelle de tous ses vœux. Seront donc présents, sauf changement de dernière minute, tous les chefs d’Etat membres du G5 Sahel à savoir Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) du Mali, Mohamed Ould Ghazouani de la Mauritanie, Mahamadou Issoufou du Niger et Idriss Deby Itno du Tchad. Rappelons que le sommet de Pau fait suite à la mort, en fin novembre dernier, de 13 soldats de la force Barkhane, dans la collision de deux hélicoptères au Mali ; lequel drame est intervenu dans un contexte où se développe un sentiment anti-français dans certains pays du Sahel. En témoignent des manifs organisées à l’appel d’acteurs de la société civile ou d’opposants politiques pour exiger le départ des troupes françaises du Sahel, accusées d’être de mèche avec certains groupes armés qui y sèment la mort et la désolation.
Les dirigeants du G5 Sahel doivent avoir le courage de se dire aussi certaines vérités entre eux
Cela dit, la rencontre de Pau sera donc l’occasion pour les dirigeants des pays membres du G5 Sahel, de « se parler franchement ». Et malgré l’hostilité affichée d’une frange importante de leurs opinions nationales respectives, on imagine difficilement les chefs d’Etat du G5 Sahel prendre le risque de demander le retrait de Barkhane.
A preuve, pas plus tard que le 9 janvier dernier, 89 soldats ont été massacrés à Chinagoder, au Niger. Peu avant, 71 autres militaires avaient péri dans l’attaque de leur camp à Inates, toujours au Niger. C’était le 10 décembre 2019. Et ce n’est pas tout. Au Burkina Faso comme au Mali voisin, les groupes armés terroristes continuent de sévir, tant et si bien que nombreux sont les soldats et civils, dans ces deux pays, qui ont été douloureusement arrachés à l’affection de leurs familles. Tous ces drames viennent rappeler la nécessité, s’il en est, pour les pays du Sahel, de renforcer leur coopération militaire avec la France, n’en déplaise aux souverainistes et autres anti-impérialistes qui ruent dans les brancards. En tout cas, la rencontre de Pau offre l’occasion aux dirigeants du G5 Sahel, de se dire certaines vérités, en l’occurrence sur le statut de Kidal qui, jusque-là, n’est toujours pas clarifié. Sans doute le sujet sera-t-il évoqué quand on sait que certains chefs d’Etat comme Mahamadou Issoufou, pour ne pas le nommer, ne cachent pas leur agacement face au statut hybride de Kidal, quand il n’accuse pas la France de jouer à un double jeu. Ce qui explique que le Mali reste le ventre mou dans la lutte contre le terrorisme ; ce qui annihile, du reste, les efforts des pays voisins comme le Burkina Faso et le Niger.
C’est dire donc qu’en plus de clarifier leur position vis-à-vis de la France, les dirigeants du G5 Sahel doivent avoir le courage de se dire aussi certaines vérités entre eux. Cela aura l’avantage de permettre aux uns et aux autres de se remettre en cause et de rectifier le tir. Cette autocritique s’impose au regard du terrain que gagnent de plus en plus les groupes armés qui harcèlent, chaque jour qui passe, nos Forces de défense et de sécurité (FDS).
La France, à l’issue de cette rencontre de « clarification », pourrait s’engager davantage
Il faudra donc, s’il y a lieu, ne rien cacher au président IBK dont l’armée, on ne sait pour quelle raison, s’est retirée de certaines de ses positions stratégiques, ouvrant ainsi un boulevard aux terroristes qui s’en servent comme de bases-arrières pour perpétrer des attaques meurtrières dans les pays voisins. On peut citer, à titre d’exemples, les attaques de Koutougou et Arbinda au Burkina Faso puis d’Inates et Chinagoder au Niger, dont on dit que les auteurs sont venus du pays de IBK que d’aucuns considèrent à tort ou à raison comme une « passoire ». En tout cas, tout en reconnaissant qu’ils ne peuvent pas, pour l’instant, se passer de l’aide de la France dans la lutte qu’ils mènent contre le terrorisme, les dirigeants des pays membres du G5 Sahel doivent comprendre que plus que jamais, ils sont face à leurs responsabilités. Car, non seulement ils savent désormais qu’ils devront compter avec leur opinion nationale de plus en plus critique et qui exige de voir plus clair dans les accords qui lient leurs pays respectifs à la France.
Mais aussi, ils mesurent encore plus à quoi ils s’exposent tant qu’ils ne s’assumeront pas pleinement face à la crise sécuritaire actuelle. C’est en cela qu’on espère, que le sommet de Pau marquera un grand tournant dans la lutte contre l’insécurité au Sahel devenu depuis peu, la destination privilégée des djihadistes traqués en Syrie, en Irak et en Afghanistan. Car, la France, à l’issue de cette rencontre de « clarification », pourrait s’engager davantage dans la traque des différents groupes armés qui troublent le sommeil des populations. Il y va aussi de sa survie quand on sait que le Sahel n’est pas aussi loin de la France que la Syrie et l’Irak. Cela dit, s’il y a un pan important qu’il ne faut pas négliger, c’est bien la communication. Car, il faut le dire, ils sont nombreux qui tirent à boulets rouges sur la France sans pour autant maîtriser les contours de la coopération militaire qui lie leurs pays respectifs à l’hexagone. Cela est d’autant nécessaire que certains, à tort ou à raison, pensent que la France, à elle seule, a la solution magique à l’insécurité dans la bande sahélo-saharienne.
« Le Pays »