SOMMET EXTRAORDIANIRE DE LA CEDEAO SUR LA GUINEE ET L’AFFAIRE DES 46 MILITAIRES IVOIRIENS : L’organisation sous-régionale joue gros
En marge de la 77e assemblée générale de l’ONU qui se tient à New York aux Etats-Unis d’Amérique, s’est tenu, le 22 septembre 2022, un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats de l’Ouest (CEDEAO), à l’initiative de son président en exercice, le bissau-guinéen Umaro Cissoko Embalo. A l’ordre du jour, « le réexamen de la situation en Guinée et au Mali », deux pays engagés dans des transitions que l’organisation sous-régionale surveille comme du lait sur le feu, en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais. Dans les deux cas, le délai de rigueur est de 24 mois, et avait déjà été signifié aux deux élèves « indélicats », avec en ligne de mire l’échéance d’avril 2024 pour l’organisation des élections au Mali. Quant à la Guinée, le chronogramme reste encore flou mais l’organisation sous-régionale s’est voulue intransigeante sur les 24 mois convenus. C’est dire si en cas de manquement, la Guinée se met objectivement sur la voie des sanctions de la CEDEAO. Mais tout cela n’est pas vraiment nouveau et on ne voit pas véritablement en quoi cela n’aurait pas pu faire l’objet d’un sommet ordinaire de l’institution basée à Abuja.
Dans le bras de fer qui l’oppose aux tombeurs d’Ibrahim Boubacar Kéita, la CEDEAO a déjà fait l’objet de vives critiques
C’est pourquoi l’on peut se demander ce qui urgeait autant pour que le président Embalo convoquât dare-dare une telle rencontre au sommet au pays de l’Oncle Sam, en pleine AG de l’ONU. A l’analyse, l’on est porté à croire que plus que le chronogramme des deux transitions, c’est le brûlant dossier des quarante-six militaires ivoiriens toujours détenus à Bamako, qui justifie le plus ce sommet extraordinaire de New York. On est d’autant plus porté à le croire que ce dossier qui semblait bien parti pour connaître un dénouement heureux sous les auspices de la médiation togolaise, a connu un rebondissement inattendu, suite à la volonté des autorités de la transition de faire de ces soldats ivoiriens, une monnaie d’échange contre des exilés politiques du régime déchu de Bamako, ayant trouvé refuge sur les bords de la lagune Ebrié. Un mélange des genres de deux affaires qui n’ont visiblement pas de lien, et qui a suscité le courroux d’Abidjan qui se croit dès lors fondée à exiger la libération de ses soldats, refusant de céder à un quelconque chantage. Mais en se saisissant de la sorte de l’affaire, la CEDEAO joue gros. Car, il se susurre que derrière l’initiative du chef de l’Etat bissau-guinéen qui préside l’institution, se cache la volonté du président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), de porter l’affaire devant les instances internationales. Or, dans le bras de fer qui l’oppose aux tombeurs d’Ibrahim Boubacar Kéita, la CEDEAO a déjà fait l’objet de vives critiques suites à ses sanctions jugées arbitraires et disproportionnées contre le Mali.
La CEDEAO gagnerait à jouer les conciliateurs plutôt qu’à chercher à rejeter la faute sur une des parties
Si elle doit remettre le couvert au moment où les relations se sont quelque peu apaisées, pour une affaire qui relève a priori de relations bilatérales, au-delà du parti pris dont elle pourrait faire l’objet d’accusation, on ne voit pas comment elle pourrait sortir le bâton contre Bamako sans susciter un autre tollé ni outrepasser ses prérogatives si une telle décision ne repose pas sur des fondements juridiques. C’est dire si dans le cas d’espèce, la CEDEAO marche sur des œufs et joue une fois de plus sa crédibilité. Car, une chose est de prendre des décisions, une autre est de pouvoir les appliquer. Encore faudrait-il que le Mali se reconnaisse dans de telles décisions et accepte qu’elles s’imposent à lui. Or, sur la question, rien n’est moins sûr. En outre, l’influence réelle ou supposée du président ADO, au sein de l’institution sous-régionale, n’arrange pas davantage les choses, car elle pourrait remettre en cause l’impartialité de la CEDEAO et entamer davantage la confiance des autorités maliennes si cela ne contribue pas à les braquer davantage. Car, c’est un secret de Polichinelle que le locataire du palais de Cocody n’a pas spécialement bonne presse sur les bords du fleuve Djoliba où il passe pour le tenant de l’aile dure de la CEDEAO contre le Mali. C’est dire si dans cette affaire, la CEDEAO gagnerait à jouer les conciliateurs plutôt qu’à chercher à rejeter la faute sur une des parties. Et dans le cas d’espèce, pourquoi ne pas songer à renforcer la médiation togolaise qui avait quand même connu des avancées en obtenant la libération des trois soldates du contingent ivoirien ? En tout état de cause, si Bamako semble se complaire dans sa politique de victimisation qui paraît lui réussir, il est temps, pour la CEDEAO, de comprendre qu’à force d’acharnement, elle ne fera qu’augmenter le degré de sympathie des autorités de la transition, au-delà même des frontières du Mali.
« Le Pays »