SOMMET MONDIAL D’ISTANBUL : L’humanitaire d’accord, mais il faut surtout s’attaquer à la racine du mal
Le 23 mai dernier s’ouvrait à Istanbul, en Turquie, un sommet pas comme les autres. Il s’agit du tout premier sommet humanitaire mondial, regroupant pas moins de 6000 participants venant de 175 pays. Organisé sous l’égide des Nations unies, ce sommet inédit qui s’étale sur deux jours, a pour objectif principal la mobilisation des Etats et la réorganisation du fonctionnement de l’humanitaire pour plus d’efficacité. Même si ce sommet n’a pas l’adhésion de tous, notamment de certains acteurs majeurs du domaine comme MSF-France qui nourrit un certain pessimisme quant à sa capacité à parvenir à des conclusions qui aillent au-delà des simples déclarations de bonnes intentions, il n’en demeure pas moins que l’on peut dire qu’il tombe à pic. Surtout dans ce contexte de montée en flèche, à l’échelle mondiale, du terrorisme et autres foyers de tensions, avec leur lot de morts et de déplacés. Et l’Afrique est concernée à plus d’un titre.
A la multiplication des foyers de tension, répond la raréfaction des ressources
Car, ces dernières années, le continent a connu de nombreux soubresauts comme les crises malienne, centrafricaine, ivoirienne, burundaise et les attaques répétées des islamistes de Boko Haram dans le bassin du Lac Tchad, qui ont, entre autres, contribué à mettre sur le chemin de l’exil des centaines de milliers de populations souvent démunies et en manque de tout, à la recherche de refuges dans des contrées moins agitées. En Europe, les conflits en Syrie, en Irak, en Crimée, entre autres, ont entraîné l’une des plus graves crises migratoires à laquelle le vieux continent ait jamais été confronté, avec toutes les difficultés d’accueil que connaissent les pays qui subissent les flux sans cesse grandissants de réfugiés fuyant la guerre et ses ravages. Dans un tel contexte, comment nier la pertinence et l’opportunité d’un sommet comme celui qui s’est ouvert hier à Istanbul ? D’autant plus qu’à la recrudescence des chiffres des migrants due à la multiplication des foyers de tension dans le monde, répond la raréfaction des ressources pour une prise en charge efficiente de tout ce beau monde. Malgré tout, Ban Ki-Moon ne désespère pas de trouver à terme les voies et moyens pour pouvoir passer de la fourniture d’aide à l’élimination des besoins chez la majorité des personnes en besoin humanitaire sur la planète et dont les chiffres sont estimés à 125 millions dont des réfugiés. D’où la nécessité d’une utilisation optimale des ressources collectées pour plus d’efficacité dans l’action. D’autant plus que si l’ONU se fait l’obligation de voler au secours des réfugiés, elle ne dispose pas toujours de moyens conséquents pour y parvenir. Il faut donc, à chaque fois, faire recours à des donateurs. Malheureusement, tout porte à croire que les pays contributeurs commencent eux-aussi à s’essouffler. Aussi est-il heureux de voir l’institution de Ban Ki-Moon prendre à bras-le-corps un tel problème qui apparaît comme une question brûlante de l’heure, en réunissant autour d’une même table les humanitaires et les partenaires au développement pour un échange de vues sur la question dans l’optique d’une meilleure efficacité. Surtout qu’en plus de leur prise en charge, l’accueil de ces réfugiés pose de plus en plus problème. En effet, de plus en plus de pays, certainement confrontés à des problèmes domestiques en raison de la morosité quasi générale de l’activité économique et de la montée de la courbe du chômage, sont de moins en moins enclins à faire preuve de solidarité envers les réfugiés ou autres déplacés de guerre, comme c’est le cas actuellement en Europe avec les réfugiés syriens. Si fait que l’on est porté à croire que le choix de la Turquie pour abriter ce sommet n’est pas fortuit, et qu’il répond, dans une certaine mesure, au fait que ce pays, en plus d’être confronté au problème du terrorisme, a été l’un des plus ouverts en matière d’accueil de déplacés de guerre au moment où beaucoup de pays européens érigeaient des barrières pour ne pas être envahis par les migrants.
La nécessité de trouver des solutions idoines à la question de l’aide humanitaire s’avère aujourd’hui un impératif
En Afrique, en plus des difficultés que vivent les pays d’accueil pour subvenir aux besoins des réfugiés, le retour de certains de ces réfugiés dans leur pays d’origine s’avère problématique, comme c’est le cas de certains réfugiés Maliens au Burkina ou de réfugiés Ivoiriens au Ghana qui renâclent à rentrer au bercail. L’initiative de l’ONU est donc louable à plus d’un titre. Car, la nécessité de trouver des solutions idoines à la question de l’aide humanitaire aux réfugiés s’avère aujourd’hui un impératif. Et tout le monde est d’accord là-dessus. Mais il faut espérer qu’à l’occasion de ce sommet, l’on puisse aller au-delà des engagements et autres déclarations de bonnes intentions pour penser surtout à s’attaquer à la racine du mal. Et l’une des meilleures parades pourrait être la prévention des conflits en amont, qui sont dans bien des cas à l’origine de ces déplacements de populations, souvent contre leur gré. En Afrique particulièrement, l’une des causes majeures des conflits est la mal gouvernance, avec son corollaire de longévité indue au pouvoir, d’accaparement et de pillage des richesses par une minorité au détriment de la grande masse qui vit dans la misère crasse, sur fond de tripatouillages des constitutions qui débouchent bien souvent sur des conflits électoraux, des guerres civiles, etc. En tout état de cause, en plus de la lutte contre le terrorisme qui appelle à une mutualisation des forces, si l’ONU pouvait mettre en place un mécanisme coercitif contre tous les prédateurs et les fossoyeurs de la démocratie qui rusent avec les textes dans le but de biaiser le jeu démocratique pour s’éterniser au pouvoir, l’Afrique en particulier s’en porterait certainement mieux. Car, bien des situations dramatiques du genre, pourraient être évitées sur le continent. Vivement qu’on en arrive là.
« Le Pays »
Nana
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Juste signaler la présence du Burkina Faso à ce sommet avec une délégation conduite par le Ministre des affaires étrangères Alpha Barry.
24 mai 2016