HomeA la uneSORTIE DES 28 SUR LA RD CONGO : L’UE ne prêche-t-elle pas dans le désert ?  

SORTIE DES 28 SUR LA RD CONGO : L’UE ne prêche-t-elle pas dans le désert ?  


 

Plus les jours passent, plus la perspective d’un glissement du calendrier électoral en RD Congo se précise. Et ce à la faveur de la récente décision de la Cour constitutionnelle qui dispose que le président Joseph Kabila, constitutionnellement disqualifié pour le prochain scrutin présidentiel, pourra néanmoins rester au pouvoir en attendant l’élection d’un nouveau président. Autant dire, en attendant Godot dont l’histoire sait qu’il n’est jamais arrivé. C’est pourquoi l’Union européenne (UE) est sortie, le 22 mai dernier, de sa réserve pour exhorter le gouvernement congolais à « redémarrer au plus vite le processus électoral » non sans exprimer sa « préoccupation » par rapport aux « harcèlements et intimidations » dont sont victimes certains opposants. Les 28 pays membres de l’UE ont aussi exprimé leurs inquiétudes face à la détérioration croissante du climat sociopolitique et insistent sur l’urgence de l’ouverture d’un dialogue politique entre les acteurs afin de s’accorder sur un calendrier et les besoins financiers. Enfin, Bruxelles invite la Commission électorale nationale indépendante (CENI) « à communiquer dans les plus brefs délais un calendrier révisé et des options qui permettent aux divers acteurs politiques de se prononcer sur la situation », tout en indiquant sa disponibilité à mettre la main à la poche si ses recommandations sont prises en compte.

La seule alternative qui semble rester à Kabila est d’obtenir un glissement du calendrier électoral

La question que l’on peut se poser est de savoir si cet appel de l’UE sera entendu par Kabila et les siens. L’on peut en douter. Car, depuis plusieurs mois, il est de plus en plus manifeste que le président congolais manœuvre pour se remettre dans la course pour la prochaine présidentielle que lui interdit pourtant la Constitution congolaise. La seule alternative qui semble lui rester, est d’obtenir un glissement du calendrier électoral par la non-tenue des élections à bonne date, ce qui pourrait lui permettre, par une de ces  pirouettes dont seuls les satrapes ont le secret, de se remettre en selle et briguer un nouveau mandat. Si fait que dans un scénario savamment orchestré, lui et son gouvernement s’acheminent lentement mais sûrement vers cet objectif inavoué, arguant tantôt de difficultés financières tantôt de problèmes logistiques, comme si ces échéances électorales les avaient surpris ou comme si ces scrutins étaient les tout premiers que le pays devait organiser. Tout cela, sans jamais montrer une volonté réelle de surmonter ces obstacles en vue de la tenue des élections à bonne date. C’est pourquoi, l’on ne peut s’empêcher de dire que l’UE  prêche finalement dans le désert. Car, l’on voit mal Kabila renoncer à son projet, tant que le rapport de forces sera visiblement en sa faveur. Tout comme on le voit difficilement mordre à l’appât de l’aide financière de l’UE; toute chose qui, au passage, lui ôterait un argument de poids. D’autant plus qu’il pense enfin tenir le bon bout, avec le compte à rebours qui a vraisemblablement commencé. En effet, à quelque six mois du scrutin présidentiel, les Congolais n’ont plus une grande marge de manœuvre. Et désormais, le temps joue pour Kabila. Aussi se plaira-t-il à traîner encore plus les pas, car chaque jour qui passe, voit les chances de tenue du scrutin s’amenuiser. Surtout que jusque-là, aucun processus n’a encore été enclenché. Et cela est bon pour lui, puisque l’on s’achemine inéluctablement vers le fameux glissement électoral auquel le satrape semble s’accrocher comme un naufragé à une branche, aussi petite soit-elle. Le drame, c’est que, de toute évidence, tout le monde lit  dans le jeu du président congolais et le voit venir, mais personne ne semble en mesure de l’arrêter dans son funeste dessein pouvoiriste.  Pas même l’UE ni les Etats-Unis qui ont eu au moins le mérite de donner de la voix là où l’Union africaine (UA) observe, comme à son habitude, un silence coupable. Pire, tous les faits sur le terrain, tendent désormais à indiquer que Kabila est en train de travailler minutieusement à dégager son chemin de tout obstacle à la réalisation de son vœu de se succéder à lui-même. Il est donc dans la logique du pis-aller et de la confiscation du pouvoir dont il ne se cache pratiquement plus. C’est dans ce cadre que l’on pourrait ranger  les embastillements et autres actes d’intimidation d’opposants, de journalistes et de militants de la société civile comme c’était encore le cas le 23 mai dernier, à Matadi dans la province du Bas Congo, où  l’opposition faisait état de l’arrestation de sept de ses militants.

Visiblement, l’UE a laissé le fantôme entrer dans la maison avant de chercher à l’en déloger

En tout état de cause, si la communauté internationale avait encore la faiblesse de croire à la bonne foi du pouvoir de Kinshasa à aller à des élections, elle devrait se convaincre, une fois pour toutes, du contraire. Car, Kabila est en train de mener tout le monde en bateau, dans le seul but de s’accrocher au pouvoir. Et pendant que la communauté internationale s’efforce de mener le bateau battant pavillon RDC à bon port, tout porte à croire que le capitaine de bord cherche plutôt à faire couler le navire, après s’être emparé des chaloupes et autres gilets de sauvetage. Si fait que les paroles de «l’évangile selon les 28 » ont de fortes chances de se perdre dans les eaux tumultueuses du fleuve Congo, sans véritablement parvenir aux oreilles du dictateur de Kinshasa. A moins que cette sortie quelque peu tardive de l’UE ne soit empreinte d’une de ces hypocrisies dont seule la communauté internationale a souvent le secret pour se donner bonne conscience, surtout qu’elle intervient après la décision de la Cour constitutionnelle. Visiblement, l’UE a laissé le fantôme entrer dans la maison avant de chercher à l’en déloger.  En tout cas,  la RD Congo est loin d’être, en Afrique, un pays quelconque, au regard de ses nombreuses richesses qui font la convoitise de bien des grands de ce monde. Et ceci pourrait bien expliquer cela. Il appartient donc, plus que jamais, au peuple congolais de prendre son destin en main.

 

 « Le Pays »


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