SORTIE DU PRESIDENT TUNISIEN CONTRE LES MIGRANTS SUBSAHARIENS : Aller au-delà des condamnations !
Il ne fait bon avoir la peau noire en Tunisie. En effet, depuis que le président Kaïs Saïd a annoncé des « mesures urgentes » et drastiques contre ce qu’il qualifie de « hordes de migrants clandestins » venues de l’Afrique subsaharienne, l’on assiste à une véritable chasse à l’homme au pays de Habib Bourguiba. En effet, près de 300 arrestations ont été enregistrées en quelques jours sans compter les expulsions de migrants locataires ne disposant pas de carte de séjour, par certains bailleurs. Certes, il existe une loi dans ce sens, mais elle n’avait jamais été appliquée avant le tour de vis annoncé par le président Kaïs Saïd contre les migrants subsahariens à qui il reproche de vouloir changer l’identité de son pays. Mal lui en a pris puisque ses déclarations ont provoqué un véritable tollé aussi bien en Tunisie qu’au-delà des frontières du pays. En effet, tandis que les uns condamnent un discours haineux, d’autres dénoncent un racisme d’Etat. C’est le cas de l’Union africaine (UA) qui n’est pas allée avec le dos de la cuillère en se démarquant des déclarations « choquantes » de Robocop, ainsi qu’on l’appelle, tout en appelant tous ses Etats membres à « s’abstenir de tout discours haineux à caractère raciste ». Au même moment, des milliers de Tunisiens sont descendus dans la rue pour non seulement fustiger les propos de leur président, mais aussi exprimer leur solidarité aux migrants subsahariens que l’on tente de présenter comme étant à l’origine de tous les malheurs de la Tunisie. « Les Tunisiens ne sont pas racistes ; c’est un peuple accueillant. La Tunisie est la capitale de la paix et on sera toujours Africains avec nos frères et sœurs Africains. On partage le même continent, et à Tunis en Tunisie, il n’y aura jamais une place pour les fachos », a laissé entendre, avec un brin de colère, un manifestant.
Les propos ou déclarations qui ont accompagné l’annonce de ces mesures prises pour lutter contre le phénomène, laissent entrevoir une xénophobie doublée d’un racisme primaire
Si en clouant au pilori les migrants subsahariens, le président Kaïd Saïd espérait ainsi s’attirer la sympathie de son opinion, il en aura pris pour son grade. Car, cela n’a fait que produire l’effet inverse ; les Tunisiens se refusant à cautionner une politique de rejet de l’autre, fondée sur son appartenance raciale. Certes, personne ne peut reprocher au président Saïd de prendre des mesures fortes pour lutter contre l’immigration clandestine dans son pays. Il est dans son bon droit, surtout quand on sait que, située à seulement 150 km de Lampedusa, la Tunisie enregistre régulièrement des départs de migrants subsahariens. Mais les propos ou déclarations qui ont accompagné l’annonce de ces mesures prises pour lutter contre le phénomène, laissent entrevoir une xénophobie doublée d’un racisme primaire. De la part d’un chef d’Etat, cela paraît pour le moins inacceptable voire irresponsable d’autant que la Tunisie a longtemps été présentée comme une terre d’accueil et d’hospitalité où se comptent de nombreuses nationalités venues des quatre coins du continent africain. C’est pourquoi, au-delà des simples condamnations, l’UA ferait mieux de taper du poing sur la table en sanctionnant sévèrement Kaïs Saïd afin que cela serve de leçon à d’autres dirigeants fascistes, et Dieu seul sait s’ils sont nombreux, tapis dans l’ombre.
Boundi OUOBA