SUCCESSION DE DEUX EVENEMENTS MAJEURS AU BURKINA FASO
Les rideaux sont tombés sur la 27e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), le 23 octobre dernier, au Palais des sports de Ouaga 2000. Ce rendez-vous ouagalais du 7e art, d’ordinaire festif et décontracté, a, cette année, drainé moins de monde aussi bien dans les salles de projection que sur les sites de la rue marchande, à cause principalement des risques de contamination du coronavirus, de la paranoïa ambiante liée au terrorisme qui sévit dans le pays et de la morosité financière des Burkinabè, en ce milieu de mois et en cette période de rentrée scolaire. Il faut le dire et le regretter, l’attraction du FESPACO qui tient en grande partie à sa dimension populaire qu’on connaissait il y a une vingtaine d’années avec plus de salles de cinéma, des affiches partout dans la ville de Ouagadougou sans oublier les projections publiques gratuites en plein air, a complètement disparu pour céder la place aux activités récréatives.
On peut globalement se féliciter de la tenue de cette édition
Il est aisé de remarquer en effet que pour la plupart des Ouagalais et ce depuis plusieurs années, aller au FESPACO consiste aussi à aller boire une bière ou manger une brochette à la rue marchande, ou amener les enfants en promenade sur les différents sites aménagés pour l’exposition des produits artisanaux ou divers, provenant des pays de la sous-région. Pour cette 27e édition, la peur plus ou moins justifiée d’attentats terroristes et le manque d’argent ont négativement joué sur la ferveur et l’engouement de la population pour la biennale panafricaine du cinéma et de la télévision, comme on en a fait le constat à la Maison du peuple et au Camp fonctionnaire qui abritaient la rue marchande. Heureusement que cette année, les organisateurs ont, malgré la relative désaffection du public et le contexte particulièrement difficile, mis les petits plats dans les grands afin que les couacs organisationnels constatés les années antérieures, soient moins prégnants. Il y va en effet de la survie de ce festival qui demeure malgré tout le plus connu et le plus prestigieux du continent, et de l’image du Burkina Faso en tant que pays hôte, qui est l’un des rares Etats à continuer d’organiser ce genre de festival dans le monde. On peut donc globalement se féliciter de la tenue de cette édition qui aurait dû avoir lieu l’année dernière si la Covid-19 n’avait pas fait son apparition, avec une mention spéciale aux membres des différents jurys dont les verdicts n’ont pas fait l’objet de contestation de la part des professionnels du cinéma. C’est ainsi que le film intitulé « La femme du Fossoyeur » du Somalien Ahmed Kadhar, a été quasiment plébiscité par les critiques du cinéma, facilitant la tâche aux membres du jury des longs métrages, présidé par le Mauritanien Abderrahmane Sissako lorsqu’il s’est agi de décerner la plus haute distinction, l’Etalon d’or de Yennenga. Si la récompense suprême est revenue au quadragénaire d’origine somalienne pour la qualité indiscutable de son œuvre, l’Etalon d’Argent et celui de Bronze ont été décernés respectivement à la Haïtienne Gessica Genrus et à la Tunisienne Leyla Bouzid, qui ont tiré leur épingle du jeu dans cette catégorie, et privé, du coup, de podium notre compatriote Boubacar Diallo avec son film « les trois Lascars », que certains Burkinabè voyaient pourtant sur la plus haute marche du podium à la fin de la compétition. Il n’en a rien été, mais le film de Boubacar Diallo a néanmoins fait sensation en remportant le prix spécial de la CEDEAO. Félicitations donc à tous les lauréats et à tous les festivaliers qui quittent le Burkina Faso au moment où un deuxième événement majeur pour le pays, est en train se produire, avec la reprise du procès de l’assassinat de Thomas Sankara, ce lundi 25 octobre matin.
Sauf nouveau rebondissement, on entrera dans le vif du sujet
Ouvert le 11 octobre dernier, ce procès reprend aujourd’hui à la salle des banquets de Ouaga 2000, après deux semaines de suspension afin de permettre aux avocats commis d’office de s’imprégner du volumineux dossier de l’accusation. Toutes les parties se retrouvent donc devant le Tribunal militaire, sans l’ancien président Blaise Compaoré et sans l’ancien chef de la sécurité de ce dernier, Hyacinthe Kafando, auxquels la Cour avait pourtant donné dix jours pour se présenter à l’audience. Ils ne vont manifestement pas se soumettre à cette injonction, pour ne pas cautionner le triste spectacle d’une parodie de justice aux mobiles politiques sous-jacents, qui restera dans la mémoire collective comme le cercueil d’un certain nombre de droits, selon l’argumentaire de leurs avocats qui seront eux-mêmes aux abonnés absents. Qu’à cela ne tienne, la Cour d’assises replonge à partir donc de ce matin dans la terreur de cet après-midi du 15 octobre 1987, et sauf nouveau rebondissement, on entrera dans le vif du sujet et de plain-pied dans ce procès historique et inédit, de par sa charge émotionnelle et par la personnalité des accusés. Plusieurs semaines seront nécessaires à la Cour pour décortiquer les milliers de pages de procédure, afin d’évaluer les responsabilités de chacun des quatorze accusés, et faire la part de ce que l’enquête a révélé avec certitude, notamment sur les commanditaires et les membres du convoi de la mort qui serait parti du domicile de Blaise Compaoré, et sur toutes les zones d’ombre qui entourent d’un épais masque, les massacres perpétrés au Conseil de l’entente il y a 34 ans.
« Le Pays »