SUSPENSION DU TRAITEMENT DES VISAS D’ETUDIANTS ETRANGERS PAR LES ETATS-UNIS. : Du ‘’trumpisme’’ à l’état pur !
Il fut un temps, pas très lointain, où la Grande Amérique, flambeau de la liberté et creuset des intelligences du monde, ouvrait grandement ses portes aux esprits les plus brillants de la planète. Mais depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, c’est un tamis qui est en passe d’être dressé devant les portes des universités, non pas pour sélectionner les étudiants, notamment étrangers, sur la base du mérite ou de l’excellence académique, mais plutôt sur leur allégeance supposée à la ligne politique d’un président qui prétend vouloir empêcher l’entrée d’individus hostiles et potentiellement dangereux aux Etats-Unis. En ordonnant aux ambassades et aux consulats américains de suspendre sans préavis, la prise de rendez-vous pour les visas d’étudiants étrangers, le temps d’examiner à la loupe les opinions exprimées par ces derniers sur les réseaux sociaux, l’Administration Trump trahit un repli nationaliste d’un autre âge, qui pourrait saborder l’attractivité des universités américaines qui doivent une part non négligeable de leur rayonnement à la diversité de leurs étudiants.
Cette mesure n’est ni plus ni moins qu’un moyen de traque contre ceux qui critiquent vertement la politique de Trump
Le président américain sait sans doute que la criminalité ne se niche pas toujours dans les facultés, et les étudiants étrangers, et africains notamment, ne rejoignent pas les universités américaines avec des armes, mais avec des rêves. En tout état de cause, cette décision sent le soufre de la discrimination, de l’isolationnisme et de l’autoritarisme, et l’on se demande comment on en est arrivé là, dans ce pays qui se targue d’être le phare de la liberté d’expression et d’opinion. C’est bien de jouer les gardiens de la sécurité nationale et de la pureté idéologique, mais agiter la peur de l’étranger ou désigner les jeunes d’Afrique et d’autres continents comme boucs-émissaires, équivaudrait, dans le cas d’espèce, à apporter un remède fictif à un mal imaginaire. Si Donald Trump cherche véritablement à conjurer le fléau de la criminalité endémique dans son pays, ce n’est pas en fermant les vannes de l’intelligence sur fond de stigmatisation ciblée, qu’il y arrivera, mais c’est plutôt en s’attaquant aux vraies causes de l’insécurité que sont la prolifération des armes à feu, les inégalités et les fractures sociales inacceptables dans un pays qui a donné Martin Luther King au monde, et qui est considéré, à tort ou à raison, comme le sanctuaire des droits humains. A vrai dire, cette mesure de filtrage algorithmique des étudiants étrangers sur la base de leur activité numérique, n’est ni plus ni moins qu’un moyen pernicieux de ciblage et de traque contre ceux qui critiquent vertement la politique de Trump et de son allié israélien qui bombarde à l’aveuglette, la bande de Gaza depuis bientôt deux ans, et contre ceux qui sont soupçonnés d’avoir des accointances avec l’ennemi chinois. Le plus navrant dans l’affaire, c’est qu’on pourrait empêcher un étudiant africain d’assouvir son rêve de s’inscrire dans l’une de ces prestigieuses universités américaines à cause d’un simple ‘’like’’ ou d’un tweet militant publié sur son compte Instagram ou Tiktok, alors que dans le même temps, on fermera les yeux sur les appels à la violence contre les Noirs émanant des suprémacistes blancs, diffusés sur les mêmes plateformes.
On espère que l’Administration américaine ne va pas se tirer une balle dans le pied
Comment peut-on qualifier ce « deux poids, deux mesures », si ce n’est du ‘’trumpisme’’ à l’état pur, comme dirait un étudiant burkinabè militant de la Gauche ? Heureusement que de vénérables institutions comme l’université de Harvard s’en sont émues, et ont pointé du doigt le décret aventuriste suscité par le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, qui, bien que temporaire, pourrait coûter à l’Amérique des milliers d’esprits vifs qui enrichissent depuis des générations, le tissu académique et économique du pays. Et comme derrière cette punition collective en passe d’être infligée à des cohortes d’étudiants au nom de leur nationalité ou de leurs opinions, il y a la Chine, cette dernière a tout de suite tourné la manœuvre à son avantage en appelant les cerveaux qui seront recalés, à venir en colonnes couvrées chez elle, où les portes des universités de Shangaï et de Pékin leur seront ouvertes. On espère que l’Administration américaine ne va pas s’auto-flageller ou se tirer une balle dans le pied en se privant des talents du monde, et qu’elle mettra rapidement fin à cette politique de l’émotion et à ce populisme de la peur pour ne pas dire à ce fantasme de sécurité, en levant purement et simplement cette mesure inique et contre-productive.
« Le Pays »