HomeA la uneTABASKI 2016 : Le prix du mouton varie entre 30 000 et 300 000 F CFA

TABASKI 2016 : Le prix du mouton varie entre 30 000 et 300 000 F CFA


Comme à l’accoutumée, à l’approche de la fête de l’Aïd el Kébir, communément appelée fête de Tabaski ou  « fête du mouton », les marchés à bétail s’affolent. Cette année aussi, pas d’exception à la règle. Les célèbres grands marchés à bétail de  la capitale, Ouagadougou, grouillent de monde. Les va-et-vient des vendeurs, revendeurs et clients s’observent au niveau de ces marchés. Les fidèles musulmans, des moins nantis aux grands bourgeois,  cherchent à se procurer un ruminant. Cela, dans une ambiance bon enfant. Constat dans le marché à bétail de Tanghin, sis à l’arrondissement 4 et celui de la gare routière Ouaga inter, à  cinq  jours de la fête de l’Aïd el Kébir.

Mercredi 7 septembre 2016. Il est 9h 07mn à la gare routière Ouaga inter. L’espace de  cette gare  située à proximité du quartier de la Patte d’Oie à Ouagadougou, destiné à la vente des ruminants, grouille de monde.   Pendant que certains sont en train de laver les moutons, d’autres s’attèlent à les attacher. Combien de ruminants peut-il y avoir ? Difficile de donner un chiffre exact. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on y trouve toutes sorts de  moutons. Entre revendeurs, c’est la concurrence et seuls ceux qui ont l’art du marketing peuvent bien se frotter les mains. « Venez voir Monsieur, c’est à des prix abordables ! Je peux beaucoup diminuer pour vous», peut-on entendre de part et d’autre. Et pendant que l’on est en train d’apprécier les béliers bien en point, une voix nous interpelle en langue mooré:   «  Ya fo là journaliste-là ! Yél président Roch, ti liguidi pa béyé ! Clients raamba pa wa tiyéé !! ». Il faut entendre par là en français : « C’est toi le journaliste ! Il faut dire  au président Roch qu’il n’y a pas d’argent. Les clients ne viennent pas ». La trentaine bien sonnée,  notre interlocuteur Souleymane Ouédraogo, est revendeur de moutons en ces lieux depuis plus de 3 ans. A l’en croire, contrairement aux années antérieures, il n’y a pas d’affluence cette année. Raisons principales : beaucoup de clients disent passer une période de vaches maigres, dit-il avant d’ajouter que d’autres, par contre, trouvent les prix des moutons exorbitants. Ce qui veut dire, à son avis, que l’argent ne circule pas dans le pays. « Il n’y a pas d’argent dans le pays. Roch n’a qu’à aller, même si c’est en Europe, au Ghana, en Côte d’Ivoire, demander de l’argent. A cause de Dieu, il n’a qu’à le faire. On souffre trop. Regardez, depuis plus de 7 jours, je n’arrive pas à vendre », fulmine  Souleymane Ouédraogo, dans un français approximatif.  Pourtant, les revendeurs de moutons de la gare routière Ouaga inter partent dans les marchés reculés de la capitale, dans l’espoir d’acheter moins cher. « Nous allons chercher les moutons  à Djibo, Dori, Fada, Youga… », précise Sidiki Zangré alias « Jeune promo ».

« Depuis les provinces, les moutons sont chers »

Mais hélas, nous explique son voisin, Daouda Sekoundo alias « Daouda bétail », le visage couvert de sueur, de plus en plus, cette stratégie ne paie pas car les paysans aussi fixent des prix élevés.  « Depuis les provinces, les moutons sont chers parce qu’il y a des étrangers qui viennent du Ghana, du Niger pour en acheter. Mais, moi, j’ai 100 moutons que j’ai fait venir des provinces. Je ne cherche pas beaucoup. Il y a des béliers que j’ai achetés à 150 000 F CFA. Je les revends entre 135 000 et 175 000 F CFA, juste pour récupérer mon argent de transport. Mais, les clients ne viennent pas parce qu’il n’y a pas d’argent. Les petits ruminants, je les ai eus à 60 000 F CFA. Je les revends à 65 000 F CFA parfois.  Mais, cela fait 20 jours que je suis ici et je n’en ai vendu que 20, soit un mouton par jour. Je ne fais que prendre les recettes pour acheter de l’herbe et le son du mil pour nourrir les autres moutons  que je n’ai pas encore vendus». Une autre raison qui justifie cette montée vertigineuse des prix des moutons, réside dans le fait que dans certains marchés ruraux, les acheteurs sont plus nombreux que le bétail disponible.    « Il n’y pas d’emplois pour les jeunes. Pourtant, il faut se nourrir et se vêtir. Que faire ? », s’interroge Aboubacar Sawadogo, revendeur de moutons.        Mais, à combien se vend le « bon » mouton de « sacrifice » au marché à bétail de Ouaga inter ? A cette question, le   premier responsable des lieux, Alassane Compaoré, nous répond qu’il n’y a pas de prix exact. « Cela dépend du contenu de votre poche Monsieur le journaliste », indique le président de l’Association des revendeurs de moutons du marché à bétail de Ouaga inter, sourire aux lèvres.  Sinon, explique-t-il, les prix varient entre 30 000 et 300 000 F CFA.

Au marché à bétail de Tanghin, on se frotte les mains

Au marché à bétail de Ouaga inter, ce sont des marchandages entre acheteurs et vendeurs à longueur de journées. Certains préfèrent se saigner à blanc pour avoir maintenant le mouton de Tabaski, au lieu d’attendre la dernière minute en espérant que les prix vont baisser. « Mais, c’est encore mieux d’acheter maintenant ; sinon les prix vont flamber à la veille du jour-j », souligne El hadj Issa Zongo. Comme il sait  que c’est une tradition pour les revendeurs d’augmenter les prix des moutons de jour en jour au fur et à mesure que la Tabaski approche, il s’est déjà procuré 4 moutons. « Chaque année, j’achète 17 moutons que je donne à des proches. Je vais repasser voir si je peux en acheter encore. Je trouve quand même les moutons chers. Ceux vendus par exemple à 50 000 F CFA sont maigres. On ne peut pas les immoler pour une fête de Tabaski.», soutient El hadj Issa Zongo, après avoir donné 2000 F CFA aux deux jeunes qui l’ont aidé à transporter ses 4 béliers dans sa voiture.  De Ouaga inter, nous avons mis le cap sur le marché à bétail de Tanghin, sis  au secteur 17 de la ville de Ouagadougou. Là, les têtes de moutons se comptent par centaines et pourtant, certains clients ont du mal à repartir avec une d’entre elles. « Le plus souvent, les clients viennent avec peu d’argent et ils souhaitent avoir le mouton le plus gros. Ce n’est pas  possible », a laissé entendre Inoussa Kaboré, revendeur de moutons. Malgré cette situation, explique Issaka Tiemtoré, délégué du marché à bétail de Tanghin, beaucoup de revendeurs se frottent les mains.  « Ici, nous vendons les moutons entre  35 000  et 350 000 F CFA. Cette année, ça va. L’année dernière, la fête a coïncidé avec le putsch manqué du 16 septembre. C’est ce qui a fait que nous n’avons pas pu bien vendre nos animaux », renchérit-il, tout en ajoutant qu’il ne peut pas donner un chiffre exact du nombre de têtes qu’il vend par jour.  Néanmoins, précise-t-il, chaque jour, trois ou quatre camions viennent ravitailler le marché et le bétail s’achète grâce aux   clients qui viennent du Ghana.

Mamouda TANKOANO

 

 

NOUHOUN BAKAYOKO , IMAM DU CERFI ET DE L’AEEMB, A PROPOS DU SACRIFICE DE L’ANIMAL POUR LA TABASKI

 

« Celui qui n’a pas les moyens ne doit pas aller s’endetter »

 

Sous nos tropiques, pour bien de fidèles musulmans, immoler un mouton est le seul acte qu’on doit poser le jour de la fête de l’Aïd el Kébir, cette fête étant perçue dans l’imaginaire de beaucoup de personnes comme la fête du mouton. Certains s’endettent même parfois pour accomplir cet acte posé pour la première fois par Ibrahim.  Dans une interview qu’il nous a accordée,  Nouhoun Bakayoko, imam du Cercle d’études, de réflexion et de formation islamiques (CERFI) et de l’Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB), précise bien que d’autres animaux peuvent être sacrifiés à ce rituel. Mieux, a-t-il insisté, il ne s’agit pas de s’endetter pour accomplir ce rituel. Lisez !

 

« Le Pays » : Quelle est l’origine de l’Aïd El Kébir encore appelée fête de Tabaski ?

 

Imam Nouhoun Bakayoko : C’est une fête qui a été instituée en la mémoire de celui qu’il convient d’appeler le père du monothéiste, le prophète Ibrahim (Paix et salut sur lui) que certains appellent Abraham. Il avait reçu l’ordre d’Allah de sacrifier par obéissance à Lui, son unique fils, Ismaël (Paix et salut sur lui). Et cela, avec le consentement de ce dernier. Pendant qu’il voulait l’immoler pour obéir à Allah, Celui-ci lui a envoyé un bélier à sacrifier en lieu et place de son enfant. C’était un sacrifice, car accepter d’immoler son fils unique pour obéir à Allah est un acte à louer. C’est pour cela que les croyants immolent, à l’occasion de la Tabaski, un bélier ou un animal quelconque selon les règles convenues, pour magnifier ce geste de haute spiritualité.

 

Que symbolise le sacrifice de mouton ?

 

Ce sacrifice de mouton symbolise la soumission à son Seigneur. Car, c’est par soumission et obéissance à Dieu qu’Ibrahim a voulu sacrifier son fils. Quand il a dit à son enfant qu’il a vu en rêve que Dieu l’a enjoint de l’immoler (NDRL : confère sourate 37 du Coran) ;  l’enfant lui a répondu : «Obéis à ton Seigneur et tu me verras soumis à cela ». Ce sont deux êtres qui se sont soumis à Dieu pour poser un acte noble, qui était de sacrifier un être humain pour Dieu qui, en remplacement, a donné un bélier. Donc, pour nous musulmans d’aujourd’hui, c’est par obéissance à Dieu que nous immolons les animaux.

 

Quels types d’animaux faut-il immoler ?

 

En matière de classification, l’animal le plus recommandé, est le bélier. Il est recommandé que ce soit un bélier qui regarde dans le noir, qui mange dans le noir et qui marche dans le noir. C’est-à-dire un bélier qui a le pelage noir autour des yeux, des pattes et de la bouche. Au-delà de ces critères, il est recommandé tout bélier qui n’est pas malade, un bélier qui n’est pas amputé d’un organe, c’est-à-dire que ce soit un membre, une oreille, etc. Un bélier sain est préférable. Deuxièmement, l’immolation d’un chameau ou d’un bœuf est autorisée pour celui qui en a les moyens. Pour immoler un chameau en groupe, il est recommandé que vous soyez au nombre de 30, et pour le bœuf au nombre de 10. Mais quand on a les moyens, on peut le faire seul. Le Prophète Mahomet a déjà immolé un bélier à la place de ceux qui n’auront pas du tout les moyens de le faire. Il ne s’agit pas d’aller s’endetter pour pouvoir immoler un mouton. Il faut immoler en fonction de sa bourse.

 

Est-ce que c’est une obligation pour tous les fidèles musulmans d’immoler un mouton à cette fête?

 

C’est une obligation uniquement pour tous les croyants, femmes comme hommes, qui ont les moyens. Celui qui n’a pas les moyens, ne doit pas s’endetter pour pouvoir acheter un mouton pour le sacrifice.

 

A quelle période de la journée de la fête de Tabaski doit-on immoler le mouton ?

 

L’animal ne doit être immolé qu’après la prière. Selon les recommandations de Dieu, on doit aller tôt à la prière à jeun, c’est-à-dire en n’ayant pas mangé. C’est lorsqu’on finit la prière et que l’imam immole son mouton qu’on a le droit d’aller immoler le nôtre. Si un fidèle immole un mouton avant la prière, ce n’est pas un sacrifice, c’est de la viande. On peut aussi immoler le jour de la fête, le lendemain ou le surlendemain.

 

Comment doit-on répartir la viande du mouton immolé?

 

La recommandation, c’est de répartir la viande en trois parties. Une première partie pour sa propre famille, la deuxième partie pour les voisins et amis et l’autre partie pour les nécessiteux. Mais, on peut, surtout quand on a les moyens de s’octroyer plusieurs moutons,  donner tout en aumône. Tout comme aussi, quand on a une famille nombreuse, il n’y a pas lieu de vouloir forcément faire l’aumône, alors que les membres de sa famille n’en ont pas suffisamment. Ce n’est pas de la gourmandise, mais si la famille est nombreuse, on peut décider de manger tout l’animal dans la famille. On peut décider, par générosité, d’offrir un animal tout entier à un nécessiteux, un ami ou un parent.

 

Est-ce qu’il est interdit pour un musulman d’immoler un mouton qu’il a reçu comme cadeau de la part d’un non- musulman ?

 

Le cadeau est permis en islam entre des gens de confessions religieuses différentes. Cependant, ce sur quoi il faut insister, c’est que quand on  a la certitude que la source du revenu du donateur est illicite, on ne doit pas sacrifier son mouton pour Dieu. Et ce qui est interdit en islam est bien connu. Car Dieu est pur et il n’aime pas ce qui est impur.

 

Interview réalisée par M.T.

 

 


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