HomeA la uneTANDEM TRAORE/KYELEM : Le Burkina Faso étant entre deux précipices, les deux « cyclistes » n’ont pas d’autre choix que de pédaler

TANDEM TRAORE/KYELEM : Le Burkina Faso étant entre deux précipices, les deux « cyclistes » n’ont pas d’autre choix que de pédaler


Le capitaine Ibrahim Traoré a prêté serment, le 21 octobre dernier, comme président de la transition politique censée ramener les civils au pouvoir en juillet 2024. C’était au cours d’une cérémonie plutôt sobre qui s’est déroulée dans la salle exiguë du Conseil constitutionnel, devant les Sages et en l’absence des leaders des partis politiques et des ambassadeurs accrédités au Burkina Faso. Ce métronome du putsch du 30 septembre dont le décor de l’ascension a été planté par la série de désastres humains et matériels que subit le pays depuis que l’armée est arrivée aux commandes en janvier dernier, a solennellement pris l’engagement de se mettre à la tête d’une légion romaine pour aller à la reconquête des territoires abandonnés à l’ennemi, afin de permettre aux milliers de déplacés internes de regagner leurs patelins d’origine. Un défi de taille dans un pays fracturé et en proie à des problèmes aux multiples facettes, même si l’homme qui entend les relever, est décrit comme tenace, dégoulinant de sincérité, apte au combat et prêt au sacrifice suprême.

 

Il lui faudra trouver des collaborateurs entièrement dévoués à la tâche

 

 

Pour Ibrahim Traoré, l’heure n’est plus aux discours creux, encore moins à vendre du rêve aux Burkinabè, mais à l’efficacité sur le terrain et surtout à l’obligation de résultats dans cette lutte contre le terrorisme, mais aussi contre tous ces salonnards qui tenteraient de profiter des failles bien connues de l’Administration publique notamment, pour continuer à jouir de privilèges indus au détriment de la majorité de nos compatriotes. Un message fort qui semble venir du plus profond de son cœur, qui va, sans doute, accroitre la bienveillance de bon nombre de Burkinabè à son égard, mais qui risque également d’irriter ceux qui sont friands de facilités et de fuites en avant. Pour que les objectifs qui sont les siens ne soient pas dévoyés par d’éventuels frustrés et pour arrêter l’effondrement en cours du Burkina, il lui faudra trouver des collaborateurs entièrement dévoués à la tâche, à commencer par un chef de gouvernement qui devra être un excellent animateur d’équipe, et qui ne jouera pas le rôle du parfait figurant. Cet homme, pour ne pas dire cet oiseau rare, le président Traoré semble l’avoir trouvé et l’a révélé au public, le soir même de son investiture, espérant que ce Premier ministre gagnera les cœurs des Burkinabè et convaincu qu’il marquera une rupture de ton et de méthode en cassant les codes, quitte à s’attirer les foudres de ceux qui, déjà sur le pied de guerre, ne voudraient pas, pour rien au monde, qu’on mette du sable dans leur couscous. Le désormais nouveau Premier ministre du Burkina Faso, ça ne vous a pas échappé, est Apollinaire Joachim Kyélem de Tambela, avocat, enseignant et polémiste, connu pour sa ligne rigoriste en matière de gestion administrative et financière. Pragmatique, tranchant, orateur de talent, multilatéraliste, Maitre Kyélem de Tambela comme on l’appelle communément, a, outre cette pléthore de critères qui ont prévalu à son choix, du courage et de la clarté même sur des sujets qui fâchent, se fondant sur sa connaissance fine de l’histoire politique du Burkina et sur son « sankarisme » revendiqué et assumé.

 

Le couple Traoré/Kyélem ne doit pas s’abstenir de faire le grand ménage

 

Dans ce contexte anxiogène où le peuple a besoin de repères, ces atouts ont convaincu beaucoup de Burkinabè, de la qualité du choix fait par le président de la Transition, avec lequel le chef du gouvernement semble avoir suffisamment d’atomes crochus. Malgré ces préjugés favorables, ce binôme à la tête de l’Exécutif devra se secouer les neurones pour pouvoir marcher allègrement sur cette ligne fine jusqu’à la fin de son mandat. Car, avec une Administration publique où toutes les grenades sont dégoupillées et face à une armée assimilable à un champ truffé de mines, il va falloir avoir du tact et un sang-froid de trapéziste pour conduire à terme les réformes annoncées, et pour ne pas offrir plusieurs angles d’attaques à leurs potentiels adversaires qui n’hésiteront pas à ruer dans les brancards, le cas échéant. A en croire le Premier ministre qui a fait une sortie médiatique remarquée hier dimanche, le président qui place la lutte contre le terrorisme en tête de ses préoccupations, sera plus présent dans les bivouacs auprès de ses hommes que dans les salons feutrés de Kosyam. Et lui, en tant que premier responsable de l’Administration qui a des objectifs centrés sur les autres thématiques régaliennes et sur la moralisation de la vie publique, va s’occuper de la gestion courante des affaires de l’Etat. Tout cela est bien beau et inédit dans l’histoire récente de notre pays, mais les choses risquent de se corser pour le tandem, en raison de l’esprit généralement réfractaire du Burkinabè au changement, surtout quand ce dernier tend à remettre en cause certains avantages acquis. Pour autant, le couple Traoré/Kyélem ne doit pas s’abstenir de faire le grand ménage, surtout qu’il entend instaurer une gouvernance par l’exemple, pour débarrasser notre Administration publique de tous ces « Bernard Madoff » qui malmènent depuis des lustres, le peuple dans sa chair et dans ses maigres ressources. Ce sera sans conteste une tâche ardue, mais il faudrait que nos deux « cyclistes » se rappellent à chaque instant qu’ils tiennent le ‘’guidon’’ d’un pays qui se trouve entre deux précipices, et qu’ils n’ont d’autre choix que de pédaler, s’ils veulent éviter la chute libre, pour paraphraser le leader historique de la Révolution, Thomas Sankara. Aux ploutocrates, aux cupides et aux revanchards qui viendraient, sans raison objective, braire sur les réseaux sociaux, on les informera, s’ils ne le savaient pas encore, que « le mur des Lamentations » se trouve dans la vieille ville de Jérusalem et non à Ouagadougou.

 

 

« Le Pays »

 


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