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TCHAD : L’impossible dialogue ?


C’est, en principe, ce lundi 5 septembre 2022, que doit reprendre à N’Djamena, le dialogue national inclusif tchadien. Pourra-t-il véritablement reprendre ?  Bien malin qui pourrait répondre, sans risque de se tromper, à cette question. Et pour cause. Depuis son démarrage le 20 août dernier, on ne compte plus le nombre de fois où il a été suspendu pour des raisons diverses. Tantôt, ce sont des problèmes de logistique, tantôt, ce sont les humeurs des uns et des autres qui bloquent son élan. En tout cas, ce dont on est sûr, c’est qu’en cas de reprise, l’on comptera parmi les grands absents désormais, l’Eglise catholique. En effet, cette institution, par la voix de l’évêque Waingué Bani Martin, vient d’annoncer qu’elle suspend sa participation au dialogue. La principale raison avancée est qu’elle refuse de prendre parti dans ce qu’elle considère comme une « campagne électorale », où deux camps se font face : le camp du pouvoir et celui de ceux qui militent pour la rupture et l’alternance.

 

La suspension de la participation de l’Eglise, risque de porter le coup de grâce au dialogue inclusif

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce retrait de l’Eglise catholique, n’est pas pour arranger les choses. Pour dire la réalité sans euphémisme, on peut se permettre d’affirmer que la suspension de la participation de l’Eglise, risque de porter le coup de grâce au dialogue inclusif. Déjà, bien des Tchadiens, et pas des moindres, ne se sentent pas concernés par cette initiative. Sont de ceux-là, les Transformateurs de Succès Masra. Ce dernier, depuis l’avènement de Deby fils, est vent debout contre la Transition. Il lui reproche notamment son caractère non inclusif et sa démarche visant à perpétuer la dynastie des Deby. C’est donc logiquement que les Transformateurs boycottent le dialogue national. Et ils ne sont pas prêts à l’intégrer tant que Deby fils ne va pas s’engager publiquement à ne pas être dans les starting blocks de la présidentielle à venir. Le meeting qu’il voulait organiser le samedi dernier, pour, entre autres, dire tout le mal qu’il pense de la transition en général et du dialogue inclusif en particulier, n’a pu se tenir. Car, les Forces de défense et de sécurité en ont décidé autrement. A cela, il faut ajouter le fait que plusieurs dizaines de ses militants ont été emprisonnés et le siège du parti a été bouclé, de sorte que personne ne pouvait y accéder. Cette tension, naturellement, n’augure rien de bon pour la reprise du dialogue et surtout pour l’atteinte des résultats escomptés, c’est-à-dire la refondation politique du pays. La dextérité diplomatique de l’ancien ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibril Bassolet, facilitateur pour le compte du Qatar, suffira-t-elle à convaincre Succès Masra de prendre le train du dialogue ? On peut en douter. Le Burkinabè peut, tout au plus, amener le régime à accéder aux exigences primaires des transformateurs, c’est-à-dire la levée du blocus du siège du parti et la libération sans condition des militants embastillés. Le point sur lequel Djibril Bassolet risque de jeter l’éponge, est l’exigence faite par Succès Masra, à Deby fils, de s’engager solennellement à ne pas briguer la magistrature suprême, après la Transition.

 

La position de l’église catholique semble apporter de l’eau au moulin de tous les pourfendeurs de la Transition et du dialogue national

 

Cette exigence, disons le tout net, n’a aucune chance d’être satisfaite. Car, Deby fils semble avoir taillé le dialogue national de sorte à ce qu’il ne lui impose pas ce préalable. En tout cas, si les grandes conclusions auxquelles il doit aboutir à la fin de ses travaux s’imposent à tous, Deby fils peut, dès à présent, boire son petit lait. Car, l’écrasante majorité des Tchadiens qui y participent, prêchent pour la chapelle des Deby. Cet aspect a été dénoncé par les Transformateurs. Wakit Tama et des  groupes politico-militaires, sont également dans cette posture. Et la position que vient de prendre l’église catholique semble apporter de l’eau au moulin de tous ces pourfendeurs de la Transition et du dialogue national. De ce point de vue, l’on peut se poser légitimement la question de savoir si le dialogue national inclusif, tel qu’il est configuré, peut produire des résultats à la hauteur des attentes légitimes du peuple tchadien. Tout laisse croire, en tout cas, que le dialogue national tel qu’il se déroule aujourd’hui, avec tous les couacs déjà constatés, est impossible au Tchad pour rabibocher les Tchadiens avec eux-mêmes. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Il date depuis que la déchirure entre le Sud et le Nord du pays s’est opérée, sous les mandats de François Tombalbaye et de Félix Maloum. A cette déchirure originelle, est venu s’ajouter le combat fratricide entre Gorans, Toubous et Zagawas, pour la conquête et la sauvegarde du pouvoir. Tant que les Tchadiens ne vont pas accepter de tourner la page de ces luttes fratricides et arrière-gardistes, pour s’engager sur la seule voie qui vaille, c’est-à-dire celle de la démocratie et du développement, tous les dialogues nationaux tendant à la réconciliation  nationale, seront voués à l’échec. Ce fut le cas sous le Gouvernement d’union nationale de Transition (GUNT) de Goukouni Weddeye. Et celui qui se passe aujourd’hui sous nos yeux, risque de subir le même sort, à moins que Deby fils ne trouve son chemin de Damas, en acceptant de renoncer hic et nunc au pouvoir.

 

« Le Pays »

 

 


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