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TENTATIVE D’ASSASSINAT DU PM SOUDANAIS


Les nouvelles du Soudan ne rassurent guère. En effet, le Premier ministre, Abdallah Hamdok, a échappé, le 9 mars dernier, à un attentat à la bombe dans la capitale Khartoum. L’annonce a été faite par son chef de cabinet et des médias d’Etat, Ali Bakhit. L’information a été confirmée par un responsable du Conseil des ministres en ces termes : « Le Premier ministre a été visé par une tentative d’assassinat mais il se porte bien et a été transporté dans un hôpital ». Tout en dénonçant et en condamnant la tentative d’assassinat du Premier ministre, l’on peut se réjouir du fait que ce dernier s’en est sorti indemne. Car, l’on peut facilement imaginer le chaos dans lequel cet attentat aurait plongé le pays si ses acteurs avaient réussi leur coup. En tout cas, cette tentative d’assassinat est la preuve, s’il en est encore besoin, que la gestion du Soudan post-dictature est loin d’être un long fleuve tranquille. Mais à qui profite le crime ? Autrement dit, qui a intérêt à éliminer le Premier ministre, Abdallah Hamdok ? L’on peut, d’emblée, indexer les partisans de l’ancien régime. En effet, Abdallah Hamdok est en première ligne dans le processus de déconstruction de l’œuvre politique et idéologique de Omar El Béchir. Ainsi, il a récemment fait interdire toutes les organisations proches de l’ancien pouvoir. Les syndicats ont été particulièrement visés. Le Premier ministre a également fait supprimer la charia au lendemain de la chute du dictateur. Cette opération a certainement fait des mécontents qui peuvent être disposés à s’offrir le scalp du Premier ministre. Toujours en lien avec la thèse du coup perpétré par les partisans de l’ancien régime, l’on peut ajouter que : le mercredi 26 juillet 2019, les militaires au pouvoir ont annoncé avoir arrêté un général, plusieurs membres du service national de renseignement et de securité ainsi que d’anciens dirigeants politiques pour avoir fomenté un coup d’Etat déjoué le 11 juillet dernier.

La transition n’est pas à l’abri d’une tentative de restauration de l’ancien régime

Des éléments non encore identifiés de ce putsch peuvent revenir à la charge en tentant cette fois-ci d’attenter à la vie du Chef du gouvernement. L’autre piste que l’on peut retenir quant aux auteurs de l’attentat, est celle de Soudanais qui, sans être forcément des partisans de Béchir, sont contre l’idée de livrer ce dernier et trois autres Soudanais à la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et génocide commis au Darfour. La dernière hypothèse que l’on peut envisager est celle d’un coup monté par les partenaires militaires du Premier ministre Abdallah Hamdok. Ce dernier, on le sait, a de grandes ambitions démocratiques pour le Soudan. De ce point de vue, il travaille aujourd’hui, dans le cadre de la transition, à doter le pays d’institutions démocratiques fortes de sorte à tourner définitivement la page des régimes fondés sur les hommes forts. Les militaires membres du Conseil souverain pourraient ne pas voir d’un bon œil la volonté du Premier ministre d’arrimer le pays à la démocratie, la vraie. Car, ne l’oublions pas, les généraux qui gèrent le pouvoir avec les civils au Soudan, ne sont pas des démocrates. Ce sont des anciens compagnons de Omar El Béchir qui ont adhéré à la révolution par opportunisme. De ce point de vue, ils sont capables de tout pour que la transition n’atteigne jamais ses objectifs. D’ailleurs, l’on peut se poser la question de savoir si ces militaires ont intérêt à ce que la transition prenne fin un jour. Car, cela signifierait pour eux, le retour dans les casernes et la fin des haricots. En tout cas, ils pourraient ne pas s’accommoder de la présence des civils au sein du Conseil souverain et surtout de la gestion alternée du pouvoir entre eux et les civils, telle que préconisée par la déclaration constitutionnelle de la transition. Bref, ce que l’on peut retenir d’essentiel de cette tentative d’assassinat du Premier ministre, est qu’il y a des raisons de s’inquiéter pour la transition. De toute évidence, celle- ci n’est pas à l’abri d’une tentative de restauration de l’ancien régime. Et puis, il faut convenir qu’il est très difficile de passer d’une dictature vieille de trois décennies à un véritable Etat de droit démocratique. C’est ce défi que tente de relever la transition politique soudanaise aujourd’hui, du moins, sa composante civile.

Pousdem PICKOU


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