HomeA la uneTENTATIVE PRESUMEE DE COUP D’ETAT AU BURKINA: Huit militaires dont un officier interpellés

TENTATIVE PRESUMEE DE COUP D’ETAT AU BURKINA: Huit militaires dont un officier interpellés


 

Le lundi 10 janvier dans l’après-midi, Internet mobile est coupé. Nombre de Burkinabè se sont interrogés sur les raisons d’une telle coupure. Du moins, ils pensaient à une « nouvelle importante ». Dans la soirée, une source murmurait que quelque chose se passait et qu’il fallait attendre dans les prochains jours, pour en savoir plus. Le lendemain 11 janvier, tout était calme ou presque à Ouagadougou quand une rumeur tomba : des militaires interpellés pour tentative de coup d’Etat. De cette rumeur, on a abouti à un communiqué du Procureur militaire confirmant les choses. 

 

Le président Roch Marc Christian Kaboré et son régime ont-ils échappé à un coup d’Etat ? En attendant d’avoir une claire réponse, un communiqué du Procureur militaire, en date du 11 janvier 2022, donne des éléments qui laissent penser à un putsch qui était en préparation au Burkina Faso.  « Le 8 janvier 2022, le Parquet Militaire de Ouagadougou était saisi par dénonciation d’un membre de la bande, d’une allégation de projet de déstabilisation des Institutions de la République que projetait un groupe de militaires. Nanti de cette information, nous avions instruit la Police Judiciaire militaire d’ouvrir une enquête circonstanciée pour élucider cette affaire », a écrit le Procureur. Et ce dernier de préciser : « Ainsi, à la date du 11 janvier 2022, huit (8) militaires ont déjà été interpelés et interrogés pour les besoins de la cause. A l’issue de cette étape, une suite sera donnée à cette procédure conformément aux règles de procédure dans le strict respect de la présomption d’innocence et du droit de la défense ».

 

                                Le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana en première ligne

Qui sont ces soldats mis aux arrêts dans cette affaire ? Leur identité n’a pas été rendue publique. Sauf un dont le nom a été cité par plusieurs sources dont des médias basés à Ouagadougou. Il s’agit du lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana. L’homme était le chef de corps du 12e régiment d’infanterie commando jusqu’à ce qu’il soit relevé de ses fonctions en décembre, à la suite de l’attaque d’Inata qui avait coûté la vie à 57 personnes dont 53 gendarmes et 4 civils. Il  avait auparavant officié en tant que commandant du secteur Ouest du Groupement des Forces de sécurisation du Nord. Selon nos informations, il a également été le commandant du 25e Régiment parachutiste commando, basé à Bobo-Dioulasso.

 

« Emmanuel Zoungrana est né le 31 décembre 1981 au Burkina Faso. Il entre à l’école nationale militaire de Kadiogo (PMK) en 1993, puis complète ses études en obtenant, en 2000, un baccalauréat français, mention philosophie. En octobre de la même année, il intègre l’Ecole des Elèves Officiers du Togo d’où il obtient son diplôme de Sous-lieutenant en 2003. Après avoir suivi plusieurs formations de Rangers au Maroc, en France et dans les centres de Kpewa, il obtient en 2005 la qualification Commando du Haut Niveau, le Train du certificat de formateur », peut-on lire sur Lecteurs.com. Il est également instructeur des techniques commando et parachutiste. Le lieutenant-colonel Arsalane Mohamed Emmanuel Zoungrana est aussi écrivain et auteur d’une dizaine de publications (voir encadré).

 

                                                                          Michel NANA

 

ENCADRE 1

Ouvrages édités

« L’As de pic en débandade »

« Marwellé, l’enfant aigri »

« Enfants chéris »

« Sentinelles »

 « The ace of spades in  disarray »

 « Le triomphe des parvenus »

« Le péril de vie des hommes ».

Autres ouvrages qui étaient en cours de publication 

« La traque ignoble d’un honnête citoyen »

« Le monde condamné »

« La lutte contre le terrorisme au Burkina Faso : Défis et perspectives »

 

Encadré 2

Lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana

« La solution finale à la lutte contre le terrorisme intègre plusieurs donnes au niveau politique, au niveau sociétal, organisationnel »

En plus du maniement des armes, le lieutenant-colonel Arsalane Mohamed Emmanuel Zoungrana a la maîtrise de l’écriture. Il a, à son actif, une dizaine de livres. Ecrire, pour lui, est une passion. Lire l’interview qu’il avait accordée à Burkina 24 lors de la Foire internationale du livre de Ouagadougou (FILO) en 2019.

 

Burkina 24 : Quel temps avez-vous pour prendre le bic et la feuille alors que l’arme accrochée au flanc droit ne vous quitte pas?

Arsalane Mohamed Emmanuel Zoungrana (A.M.E.Z): Ecrire, pour moi, n’est pas une question d’avoir du temps mais une passion. Quand on est passionné pour quelque chose, on trouve toujours le temps pour le faire. J’ai une dizaine de publications. C’est certes relativement trop par rapport à la charge que j’ai mais je m’organise de telle sorte que chaque année ou chaque deux ans, je puisse publier un ouvrage. C’est le fait d’observer tout ce qui se passe autour de nous qui nous donne suffisamment d’inspiration et à partir de là, quand on a un petit temps,  on se consacre à l’écriture.

 

Ecrire vous aide-t-il aussi à supporter cette charge de sécurisation que vous avez par ces temps qui courent ?

Evidemment, écrire participe à s’évader. L’inspiration, c’est le fait de l’esprit. L’homme qui s’évade, visite les choses étranges, agréables, très riches et revient très assagi et quand on finit d’écrire,  il y a un grand soulagement. C’est comme si on a eu un nouveau bébé. Ecrire un bouquin appelle toute une sensation avant tout le processus éditorial, qui est en lui-même un autre parcours du combattant.

 

Plusieurs intellectuels affirment très souvent qu’on ne pourra pas combattre l’insécurité qu’avec les armes. Pensez-vous que l’écriture, le lecteur, d’ailleurs c’est le thème de la FILO, peut y participer aussi ?  

 

Le travail qui se fait sur le terrain avec les armes, c’est une participation à la sécurisation du territoire, ce n’est pas la solution finale. C’est une solution intermédiaire qui participe à la solution finale. La solution finale à la lutte contre le terrorisme intègre plusieurs donnes au niveau politique, au niveau sociétal, organisationnel. Il y a beaucoup de choses qui méritent d’être développées pour qu’on vienne à bout de ça. Cependant, il y a vraiment un travail d’acculturation, d’extrémisme qui a été fait par les terroristes, en face. Est-ce qu’il ne faut pas, en amont, couper cette source d’endoctrinement pour éviter que le phénomène d’extrémisme violent ne se propage ? Bien sûr, les écrits et lire y participent. En lisant, on développe des interprétations ou des explications par rapport à ce qui est dit dans tel ou tel saint livre ou dans tel autre, et cela participe aussi à s’ouvrir sur ce qui se passe autour de nous, sur les autres sociétés, et enfin à accepter l’autre. Encore qu’on ne peut pas définir ce qui se passe sur le terrain. Il y en a qui pensent que c’est le djihadisme. On a plus affaire à des terroristes qu’à des djihadistes. Le djihadisme ne se manifeste pas de cette façon nécessairement. Les questions religieuses sont des questions sensibles. Je remercie ceux qui ont eu l’inspiration de porter cette réflexion au cœur de la FILO. Comme on le dit, une nation qui lit, est une nation qui gagne. On ne peut pas se former et se cultiver sans lire.

 

On voit, ici et là, des manifestations de soutien aux FDS. Cela peut-il vous galvaniser plus, vous qui êtes au front?

 

Mais bien sûr, madame ! Le rôle premier du militaire, c’est de protéger la population, protéger le territoire national. Quand on se rend compte que malgré les difficultés qu’on a sur le terrain, parce qu’il faut le dire, on n’arrive pas à jouer ce rôle de protection à 100%. Il arrive qu’on dise que dans tel village, il y a eu des exactions, que des terroristes sont rentrés et ont exécuté un homme, un vieux, moi, en tant qu’homme de terrain, acteur de la lutte contre le terrorisme, ça me fait très mal. Malgré qu’on n’arrive pas à empêcher ces cas d’exécution et qu’on voit que sa population manifeste son sentiment de soutien, de joie par rapport au résultat positif engrangé sur certains théâtres d’opération, ça nous réconforte beaucoup, ça montre aussi comment l’armée est dans la  nation et la nation est avec l’armée.

 

Tout n’est pas aussi rose. Il y a aussi des ressentiments par rapport à votre travail de sécurisation?

 

Un peuple est fait de tout. Permettez-moi de ne pas vous donner de détails. C’est d’ailleurs ce qui lui donne le nom de nation et de peuple. Cette hétérogénéité, cette mosaïque de points de vue, de sentiments, d’appréciations, de visions fait du peuple, une nation. Par rapport aux appréciations sur les opérations menées dans le cadre de la sécurisation du territoire, nous, en tant qu’acteurs, nous ne pouvons pas nous mettre au-devant des choses par rapport à ça, dans la mesure où cela pourrait participer à nous déconcentrer, à nous faire dévier de la mission principale qui est la sécurisation. Nous avons une mission très noble, sécuriser le pays au prix de notre vie. Nous restons très focalisés sur cette mission et nous ne perdons pas de temps pour orienter nos regards sur les appréciations négatives qui viendraient d’ailleurs. Pour les appréciations positives, nous les prenons et remercions tous ceux qui comprennent que la lutte contre le terrorisme est une lutte collective mais pas une lutte qui est dédiée seulement aux Forces de défense et de sécurité. Tout le monde a un rôle. A ceux aussi qui, dans leurs critiques, ont des points de vue négatifs sur le déroulement des opérations, on leur dit merci aussi, dans la mesure où chaque cas participe à redresser les choses. Si ce sont des critiques positives et constructives, c’est une bonne chose. Si ce sont des critiques dans le sens de conformer, de démobiliser, c’est dommage dans la mesure où ça va revenir contre le pays. Mais nous, nous restons dans une logique d’accepter et de prendre en compte tout ce qui est critique, volonté, souhait, dans la mesure du possible pour les développer comme méthodes sur la sécurité. Toute proposition qui pourrait être utile à la situation est à prendre en compte.

 

 Avez-vous espoir que tout cela ne sera qu’un mauvais rêve un jour ?

Moi, je pense qu’avec davantage de patriotisme, avec davantage de conviction, Dieu est avec les Forces de défense et de sécurité, Dieu est avec la nation burkinabè, et nous viendrons à bout de ce phénomène. Beaucoup de nations avant nous sont passées par là. On ne peut pas tout de suite donner un diagnostic sur la durée de cette crise mais avec la foi en Dieu, la foi en notre société, au peuple burkinabè, nous allons venir à bout du phénomène tôt ou tard.

Source : Burkina 24


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