TRAFIC DE BEBES EN AFRIQUE DE L’OUEST :Faire toute la lumière sur ce trafic
C’est un commerce honteux, une ignominie, un crime. Il s’agit de trafic de nouveaux- nés, une affaire qui défraie la chronique depuis que les épouses du président de l’Assemblée nationale du Niger, impliquées dans ce commerce, ont été interpellées et écrouées à Niamey. Cette fois-ci, c’est une femme d’origine burkinabè qui a été arrêtée dans la capitale béninoise, en possession de deux nourrissons volés au Nigeria.
Le succès de la lutte est loin d’être garanti, au regard du caractère transfrontalier du réseau
C’est le lieu de saluer l’efficacité de Interpol Afrique, et surtout la perspicacité des policiers béninois qui se sont rendus en territoire nigérian pour y mener des investigations qui ont abouti à l’interpellation de cette Burkinabè. Mais ce grand coup de la police béninoise ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. Il doit plutôt marquer le départ d’une lutte sans merci, une lutte impitoyable contre ce fléau, jusqu’à ce que le réseau soit totalement démantelé. Une lutte dont le succès est loin d’être garanti, au regard du caractère transfrontalier du réseau, au regard de la sensibilité même du sujet, et surtout à cause du fait que ce trafic porte sur des êtres humains d’une extrême fragilité, aussi bien physiquement que psychologiquement. Enfin, la tâche de la police pourrait bien être rendue difficile par la qualité des personnes impliquées dans ce trafic, qui, dans la plupart des cas, ont des liens très étroits avec les milieux politiques, quand elles ne sont pas elles-mêmes dans les sphères du pouvoir.
Démanteler ce réseau de trafic d’êtres humains ne sera possible qu’avec une collaboration franche et courageuse des populations de tous les pays de la sous- région, avec Interpol Afrique. Que chacun à son niveau accepte de livrer à la police les informations susceptibles de faire avancer l’enquête.
La déliquescence de l’Etat et la corruption au Nigeria ont servi de ferment à ce trafic ignoble
Cela dit, la société civile des différents pays de la sous- région doit rester vigilante pour que les cas déjà survenus au Niger comme au Bénin, ne s’évanouissent pas dans les labyrinthes juridico-politiques de ces Etats. Car, il faut le dire, si le cas d’une des épouses du président de l’Assemblée nationale du Niger a été traité avec une diligence inhabituelle par nos justices tropicales, c’est sans doute en partie parce que Hama Amadou (le mari) n’est plus en odeur de sainteté avec le pouvoir en place. En réalité, cette affaire est pain bénit pour le président Mahamadou Issoufou qui s’en pourlêche déjà « les babines », à l’idée de pouvoir s’en servir pour « casser » un rival politique qui semblait bien parti pour menacer son fauteuil. Mais qu’en est-il des autres cas ? Même si certaines langues commencent à se délier pour souligner l’existence de bien d’autres réseaux, on peut néanmoins se demander pourquoi avoir observé l’omerta jusqu’à ce jour.
Un pays dont la contribution est très attendue dans cette bataille pour élucider tous les mystères de ce trafic honteux, c’est le Nigeria, pays pourvoyeur des nourrissons. Mais peut-on vraiment attendre grand-chose de cet Etat dont la déliquescence ainsi que la corruption à tous les niveaux, ont servi de ferment à ce trafic ignoble ? Qui sont les cerveaux de ce vaste réseau international ? Jusqu’où s’étendent ses ramifications ? Comment les « usines à bébés » ont-elles pu se développer au point de pouvoir ravitailler toute la sous-région à l’insu des autorités nigérianes ? Autant de questions qui laissent perplexe sur ce trafic et qui interpellent les leaders religieux à jouer le rôle qui est le leur. Le cas de l’une des épouses du président de l’Assemblée nationale du Niger est instructif à plus d’un titre. Et interpelle particulièrement les Africains à plus d’attention dans le choix de leurs gouvernants. On ne peut, en effet, écarter une éventuelle complicité de l’époux qui s’est réfugié derrière son immunité parlementaire.
Dieudonné MAKIENI