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TRANSITION POLITIQUE AU MALI


Ouvertes le 11 décembre dernier au niveau communal à travers tout le pays, les assises nationales de la refondation au Mali sont entrées dans leur phase décisive le 27 décembre 2021. Ce, après une phase intermédiaire qui les a vues réunir, le 16 décembre dernier à Bamako, tous les corps de métiers qui étaient invités à soumettre des propositions sur plus d’une dizaine de thématiques. Une volonté de ratisser large qui se justifie sans doute par la portée nationale que les initiateurs ont voulu donner à ces concertations entre Maliens, et dont l’importance n’est plus à démontrer puisqu’elles sont censées permettre au pays de repartir du bon pied.  C’est ce qui ressort en substance du discours inaugural, à la cérémonie d’hier, du président Assimi Goïta pour qui il est question de faire un diagnostic sans complaisance de la situation, face au constat de déliquescence du pays afin de trouver le remède adéquat qui permettrait de remettre sur pied le grand malade qu’est aujourd’hui le Mali. Le hic est que sur la question, les Maliens ne parlent pas le même…bambara* puisque des organisations et pas des moindres, ont formulé des griefs qui les ont amenées à boycotter ces assises.

 

Tout le mal que l’on souhaite à Assimi Goïta et ses camarades, c’est que l’histoire leur donne raison

 

Sont de celles-là, le Cadre d’échange, une coalition de plusieurs partis et regroupements de partis, pour qui ces Assises ne sont qu’une « manœuvre dilatoire » destinée à prolonger la transition, de la part d’un gouvernement « sans repère, ni boussole ». Alors question : Assises nationales de la refondation ou assises nationales pour la prolongation ? La question est d’autant plus fondée que les partis du Cadre d’échange ne sont pas les seuls à se démarquer de ces Assises nationales. D’autres acteurs importants réunis au sein du Cadre stratégique permanent (CSP) qui compte en son sein des groupes armés signataires de l’accord d’Alger, ont, de leur côté, clairement signifié ne « nullement » se sentir liés par les conclusions de ces Assises nationales auxquelles ils ne prennent pas part. La question qui se pose alors, est de savoir si avec autant d’acteurs et pas des moindres restés sur le bas côté de la route, ces Assises nationales de la refondation pourront atteindre les objectifs visés par les autorités de la transition quoique ces dernières puissent se targuer d’un grand soutien populaire. Quoi qu’il en soit, tout le mal que l’on souhaite à Assimi Goïta et ses camarades, c’est que l’histoire leur donne raison. Et qu’ils puissent surtout poser les bases de ce Mali nouveau où un militaire ne pourra pas sortir du bois pour balayer du revers de la kalach, tous ces efforts d’enracinement de la démocratie dans un pays où les coups d’Etat semblent décidément avoir la peau dure.  En attendant, l’on peut d’autant nourrir des inquiétudes relativement aux divergences nées en amont de ces Assises nationales, que ces mésententes peuvent se présenter en aval comme autant de handicaps hautement rédhibitoires à l’atteinte des objectifs qui devraient légitimement en découler en vue de ressouder les ressorts de la Nation.  

 

Il faut souhaiter que la tenue de ces Assises permette de voir le bout du labyrinthe d’une transition qui n’en finit pas de s’éterniser

 

Surtout que dans le cas d’espèce, les recommandations qui en résulteront en vue de réformes, auront un « caractère exécutoire ».  Mais, pour des consultations qui veulent aller à la refondation sur fond de large consensus, on peut bien se demander à quoi elles serviront au finish si avant même d’être connues, elles font déjà l’objet de rejet par une bonne partie de la classe politique et autres acteurs majeurs de la crise malienne. A ce rythme, ne s’achemine-t-on pas vers une nouvelle crise politique majeure si en lieu et place des jalons du Mali nouveau, ces Assises nationales doivent déboucher sur celles de la division ? Il appartient aux autorités de la transition de travailler à rassurer d’abord leurs compatriotes et à faire le maximum de consensus autour d’une question aussi essentielle que celle de ces Assises nationales qui engagent l’avenir de la Nation et aussi celui de la transition. Car, il ne sert à rien de tenir des concertations contre vents et marées si cela doit préparer le lit des contestations et des violences de demain, autour de la question non moins essentielle du calendrier électoral que tout le monde attend de connaître, à commencer par les acteurs politiques maliens qui accusent les autorités de la transition d’user de dilatoire pour rester aux commandes de l’appareil d’Etat. Et avec le recul, on se demande s’il n’aurait pas été plus indiqué de tenir ces Assises de la refondation en début de transition ; question de baliser le terrain, avec un calendrier clair d’exécution qui devait servir de feuille de route devant conduire aux élections censées rétablir l’ordre constitutionnel normal. Mais comme dit l’adage, « mieux vaut tard que jamais ». Il appartient maintenant à Assimi Goïta et ses camarades de faire la preuve de leur bonne foi en levant toute équivoque sur la noblesse de leurs intentions aux yeux de ceux qui les soupçonnent de vouloir se servir de ces Assises comme d’une couverture pour prolonger leur bail à la tête de l’Etat malien.  En tout état de cause, il faut souhaiter que la tenue de ces Assises nationales permette de voir le bout du labyrinthe d’une transition qui n’en finit pas de s’éterniser au grand dam d’une communauté internationale impatiente de voir le pays renouer avec l’ordre constitutionnel normal. Et surtout, qu’elles puissent accoucher de résolutions fortes qui permettent au Mali de repartir d’un bon pied.  Il y va de l’intérêt du pays.

 

« Le Pays »

 

*Bambara : principale langue parlée au Mali

 


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