TRANSITION POLITIQUE AU MALI
Aujourd’hui, 28 août 2020, se tient à nouveau, un sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) consacré à la situation politique au Mali. Cette rencontre qui se fera par visioconférence, intervient au moment où les missi dominici de l’organisation communautaire sous- régionale sont rentrés, pour ne pas faire dans la langue de bois, bredouilles de leur délicate mission du Mali. En effet, les négociations avec la junte militaire qui s’est emparée du pouvoir à Bamako, n’ont, pour l’instant, rien donné. Les deux parties sont reparties, on peut le dire, presque dos à dos. Alors qu’en effet, Assimi Goita et ses compagnons d’armes proposent une transition d’une durée de 3 ans, finalement ramenée à 2 à l’issue des tractations, l’institution sous-régionale souhaite que ce délai n’excède pas au maximum 12 mois. Des divergences sont aussi apparues quant à celui qui sera chargé de conduire cette transition. Les putschistes entendent la faire conduire par un de leurs frères d’armes si ce n’est l’un d’entre eux, avec l’aide d’un gouvernement majoritairement composé d’hommes en treillis alors que la CEDEAO, elle, souhaite qu’elle soit gérée par un civil.
Tout laisse croire que les lignes, même si elles doivent bouger, ne le seront pas fortement
Même si le dialogue n’est pas rompu entre les nouveaux dirigeants maliens et l’organisation communautaire, c’est donc peu que d’affirmer que les négociations, pour l’instant, sont dans l’impasse. Que décideront donc les chefs d’Etat dans un tel contexte ? Vont-ils durcir les sanctions prises au lendemain du coup d’Etat ? Ou au contraire, vont-ils privilégier la méthode douce ? Telles sont les questions que l’on peut se poser. Tout laisse cependant croire que les lignes, même si elles doivent bouger, ne le seront pas fortement en raison des divergences qui sont apparues entre les chefs d’Etat dont certains, sans applaudir le coup d’Etat intervenu au Mali, ne montrent pas beaucoup d’enthousiasme vis-à-vis de la fatwa que leurs pairs ont prononcée contre les militaires qui ont déposé le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK). Il y a donc des chances que le sommet accouche de décisions en demi-teinte, qui peuvent apporter de l’eau au moulin de la junte militaire qui a été ragaillardie par le fort élan de sympathie que lui témoigne la population. Mais pouvait-il en être autrement quand on sait que les têtes couronnées de l’espace communautaire analysent la situation politique au Mali à l’aune de leurs propres intérêts ? On le sait, en effet, les partisans de la ligne dure contre le régime militaire à Bamako avec à leur tête le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), sont plus préoccupés à décourager les coups de force dont eux-mêmes pourraient être victimes dans leur volonté de se maintenir au pouvoir par des troisièmes mandats pourtant révolus. Alors que les modérés comme Roch Marc Christian Kaboré et Mahamadou Issoufou n’ont d’yeux que pour la situation sécuritaire dans leurs pays respectifs, liée de façon ombilicale à la crise malienne. On n’est donc pas loin de l’impasse alors que la CEDEAO joue gros dans cette crise malienne.
En se mettant debout comme un seul homme pour exiger un retour rapide du pouvoir aux civils, les Maliens peuvent indiquer à la CEDEAO la voie à suivre
En effet, en faisant preuve d’intransigeance, elle risque de se mettre à dos le peuple malien dont une grande majorité avait vomi le régime de IBK en raison des tares de sa gouvernance. Mais en lésinant avec ses propres principes, la CEDEAO risque de créer un précédent qui risque d’ouvrir une nouvelle ère de coups d’Etat dans une région où l’on croyait cette page définitivement tournée. L’organisation sous-régionale fait donc face à un gros dilemme. Mais aussi dur à trancher que soit ce dilemme, la solution ne peut venir que du peuple malien et de la classe politique malienne au moment où Assimi Goita et ses camarades ne font plus mystère de leur intention de rester au pouvoir. En effet, en émettant l’idée d’une si longue transition cornaquée par la soldatesque, Assimi Goita et ses compagnons ne sont pas loin de confisquer le pouvoir du peuple pour le conserver aussi longtemps qu’ils le peuvent car, comme le dit l’adage populaire, « l’appétit vient en mangeant ». En se mettant donc debout comme un seul homme pour exiger de la junte un retour rapide du pouvoir aux civils comme ils l’ont fait pour obtenir la fin du régime corrompu de IBK, les Maliens peuvent indiquer à la CEDEAO la voie et les moyens à suivre pour que la transition au Mali respecte à la fois l’esprit de la lutte du peuple et les principes communautaires sous- régionaux. Toute la question est de savoir si le peuple malien et la classe politique malienne sont en mesure de s’élever au-dessus des intérêts divergents et partisans qui les ont toujours caractérisés, pour voir l’intérêt du pays. Rien n’est moins sûr. Car, tout laisse croire que la seule cause qui unissait jusque-là le peuple malien, c’est le départ du président IBK. Il faut donc craindre que pour des intérêts égoïstes, une partie de la classe politique ne pactise avec la junte militaire pour prendre en otage la démocratie malienne.
« Le Pays »