UACO 2017 : L’impact des médias sociaux en Afrique au cœur des échanges
La cérémonie d’ouverture de la 10e édition des Universités africaines de la communication de Ouagadougou (UACO) a eu lieu dans la matinée du 16 novembre 2017 à Ouagadougou, sous la présidence du ministre de la Communication et des relations avec le Parlement, Remis Fulgance Dandjinou. Placée sous le thème « Médias sociaux et formation des opinions en Afrique », cette rencontre qui fait suite au rendez-vous manqué de 2015 est un cadre d’échanges entre acteurs du monde de l’information et de la communication. Elle se tient, cette année, dans un contexte sociopolitique national et international marqué par le développement des médias sociaux entraînant le bouleversement des convenances sociales, provoquant souvent des effets pervers. Cette 10e édition, patronnée par le Haut représentant du Chef de l’Etat, Chériff Moumina Sy, s’étale sur 3 jours au cours desquels environ 500 participants échangeront sur les défis qui se présentent au secteur de l’information et de la communication.
Comment utiliser les réseaux sociaux dans un contexte d’insécurité comme celui que traverse le Burkina Faso ? Comment les médias classiques s’adaptent-ils à la réalité des réseaux sociaux ? Comment aborder la question de la responsabilité civile et pénale dans l’utilisation des réseaux sociaux ? Ce sont, entre autres, les questions qui sont posées quand on aborde la thématique de l’utilisation des réseaux sociaux dans la formation de l’opinion nationale, de l’avis de plus d’un participant à ces UACO 2017. L’espace numérique, l’espace internet, n’est pas un espace de « non droit », selon le ministre de la Communication et des relations avec le parlement, Remis Fulgance Dandjinou, et les utilisateurs, a-t-il dit, doivent en avoir conscience. si les réseaux sociaux font désormais partie de la vie des citoyens, la question qui est posée est de savoir comment les utiliser pour une information plus juste, pour la cohésion dans la société et pour développer nos médias. Pour la présidente de l’Association des blogueurs du Burkina (ABB), Bassératou Kindo, les dangers liés à l’utilisation des réseaux sociaux guettent aussi les blogueurs. Pour elle, le développement de la criminalité transfrontalière et de l’extrémisme violent, la multiplication des atteintes à la vie privée, aux droits et à la sécurité des personnes vulnérables, les rumeurs et la violation des règles d’éthique et de déontologie donnent souvent des réseaux sociaux, l’image d’un espace de non droit et de perversité alors que ces réseaux sociaux sont, de son point de vue, un moyen important et incontournable dans le processus de démocratisation, un moyen permettant d’assurer « la veille sociale et politique », selon elle. Raison pour laquelle l’Association des blogueurs qu’elle dirige, s’est engagée pour le suivi des politiques publiques à travers les technologies de l’information et de la communication, dans le cadre du Présimètre. Elle a dit attendre des UACO « de fortes propositions pour contribuer à la formation des principaux acteurs, pour réduire les effets pervers que produisent les mauvais utilisateurs des réseaux sociaux ». Le Haut représentant du Chef de l’Etat, Chériff Sy, a estimé le thème des UACO 2017 pertinent et d’actualité. En effet, pour lui, « les médias sociaux ont apporté des changements remarqués et remarquables dans la diffusion de l’information et dans la formation des opinions », donnant, à son avis, « de nouvelles ailes à la liberté d’expression et de presse ». Ils se sont imposés, selon lui, comme principale source d’information et de formation d’opinion de beaucoup de jeunes africains, en l’espace de quelques années. L’entreprise de formation des opinions était encore la chasse gardée des médias traditionnels, il y a quelques années de cela, a-t-il rappelé. Une situation de monopole qui assurait une certaine crédibilité de l’opinion publiée et une exigence de responsabilité des journalistes. A l’entendre, avec l’avènement des réseaux sociaux, la liberté d’expression et de presse a vu ses frontières s’élargir, avec non seulement de gros espoirs pour la libération de la parole citoyenne mais aussi des risques décuplés de violations et de manipulations de toutes sortes, de propagation de nouvelles tronquées et truquées… aux conséquences pouvant être plus grandes que l’on ne peut l’imaginer. Dans le contexte de l’insécurité généralisée, où les systèmes sécuritaires sont mis à rude épreuve sur le plan du renseignement, il faut, à son avis, que la contribution des médias classiques et des médias sociaux fasse l’objet d’une attention particulière, en ce sens que c’est par la diffusion de certaines opinions que les terroristes arrivent à influencer les plus faibles et les moins avertis de leurs sombres desseins, a-t-il indiqué. De ce fait, si l’information peut être considérée comme une denrée précieuse et stratégique, elle peut également provoquer le pire des cauchemars, de son point de vue.
Comment réguler les médias ?
Si aujourd’hui les médias sociaux sont, en partie, une source de fabrique de l’opinion publique en Afrique, ils peuvent aussi se révéler dangereux en ce sens qu’ils peuvent être source d’informations fausses ou truquées. Ainsi donc, la question qui reste posée, selon lui, c’est comment tirer le meilleur parti de ces nouveaux médias afin de créer, gérer et préserver les liens sociaux, dans le souci de préserver la paix, la stabilité et la sécurité dans les pays africains. Autant de questions auxquelles les participants devront, selon lui, apporter des éléments de réponse au cours de ces trois jours de réflexions. Il a signifié que le Chef de l’Etat attend des travaux, des conclusions et recommandations qui apporteront un souffle vivifiant à l’exercice de la liberté d’expression et de presse en Afrique. Comment réguler les médias sociaux ? A cette question, le ministre Remis Fulgance Dandjinou a indiqué que la réflexion va se poursuivre, et quelque chose devrait être fait, ne serait-ce que sur le plan de la protection des droits d’auteurs. Dans sa communication introductive, le Pr Serge Théophile Balima a indiqué que les réseaux sociaux prolongent les médias classiques et, de ce fait, ne « fabriquent » pas toutes les opinions publiques. Trois courants s’affrontent sur la question de la régulation des réseaux sociaux, selon lui, à savoir : les partisans de l’autorégulation, qui passent pour des « libertaires », ceux qui sont irrités par l’extrême liberté des utilisateurs des réseaux sociaux et qui souhaiteraient que des lois puissent encadrer cette utilisation et enfin les partisans de la corégulation. Aucune des solutions, à son avis, ne peut être consensuelle et il faut, a-t-il estimé, apprendre à vivre avec les avantages et les inconvénients des réseaux sociaux.
L’objectif recherché par cette 10e édition des UACO, selon le ministre Remis Fulgance Dandjinou, est de « contribuer à une amélioration positive de la formation plurielle des opinions causées par les médias sociaux et préparer nos pays à réussir leur insertion dans le nouveau paysage médiatique international ». Une édition « fruit d’une réflexion conduite par le ministère de la Communication et validée lors d’un atelier national de recadrage qui a permis d’introduire des améliorations et des innovations au niveau du contenu du colloque », a-t-il dit.
Hommes de médias, chercheurs, universitaires, acteurs d’instituts de formation en matière de communication des pays d’Afrique, d’Europe et d’ailleurs, représentants de chaînes de télévisions de l’espace UEMOA, représentants des structures qui pilotent le processus de télévision numérique de terre de l’espace UEMOA, des instituts et structures de formation en communication et journalisme du même espace, écoles et instituts de formation du Burkina, de la Côte d’Ivoire et du Niger ainsi que les instances de régulation des communications électroniques du Burkina, prennent part à ces 10e UACO. La visite des différents stands d’exposition de documents et matériel de communication par les officiels a été le dernier acte de la cérémonie d’ouverture de la 10e édition des UACO.
Lonsani SANOGO