HomeEchos des provincesVENTE ILLICITE ET UTILISATION INCONTROLEE DES PESTICIDES : Un couteau à double tranchant dans le monde agricole

VENTE ILLICITE ET UTILISATION INCONTROLEE DES PESTICIDES : Un couteau à double tranchant dans le monde agricole


Des produits phytosanitaires communément appelés pesticides qui regroupent les insecticides, les fongicides, les herbicides ou les désherbants, inondent le marché de Nouna, en ville comme en campagne. Ils regorgent des avantages pour les producteurs et génèrent des revenus pour les commerçants. Cependant, nombreux sont ceux qui ignorent les conséquences néfastes de ces produits défoliant sur la santé et l’environnement. C’est pour lever un coin de voile à propos de ces phytoisons, que nous nous sommes approché des utilisateurs, des commerçants et des spécialistes, pour en savoir d’avantage sur ce fait de société.

 

Une gamme variée de ces pesticides est vendue dans tous les coins et les recoins de Nouna, en ville comme en campagne. Il suffit de débourser 2 500 F CFA ou         6 000 F CFA  pour espérer ne pas se courber  dans son champ pour arracher la moindre herbe. Les champs, les alentours des maisons, les  terrains  de football, les jardins, les vergers, les espaces vides des services, les abords des ruelles sont pulvérisés. Ce phénomène a pris de plus en plus de l’ampleur, surtout ces deux dernières décennies avec l’explosion des cultures de rente comme le sésame et le coton où il est question de l’exploitation des grandes superficies. Au tout début, ces désherbants étaient utilisés par les grands producteurs, mais par la suite, les petits et les moyens exploitants   agricoles s’y sont bien intéressés. Mais le hic est que la prolifération  vertigineuse de ces pesticides inquiète tout écologiste et biologiste avisé. 

« Le constat est clair, certains animalcules et des végétaux disparaissent peu à peu de l’écosystème ».  En tout cas, nombreux sont ceux qui les utilisent ou les vendent comme des cacahuètes sans pour autant savoir les dangers qui en découlent. D’où proviennent ces pesticides ?  Qui est habilité à les vendre ? Où doit-on les vendre ? Sont-ils homologués ou certifiés ? Comment doit-on les utiliser ?  Quelles sont les conséquences nuisibles de l’utilisation de ces produits désherbants ? Voici autant de questions qui suscitent des inquiétudes.

Nul n’ignore les avantages que ces pesticides procurent aux producteurs. L’utilisation de ces produits permet au paysan d’avoir de bon rendement en exploitant des grandes superficies. Ils protègent non seulement contre les ravageurs comme les criquets pèlerins, les termites, les vers, les pucerons, les puces, les mouches blanches, les oiseaux (quelea), les cantharides, mais aussi contre d’autres attaques pouvant nuire au bon développement des plantes. Ces produits permettent de lutter aussi contre certains parasites ou agents pathogènes et d’autres animaux dangereux comme les serpents, les scorpions les souris… Et, Aboucar Traoré nous confie que son père utilise ces pesticides depuis plusieurs années. Ce qui lui a permis d’améliorer son rendement agricole et d’exploiter de grandes superficies. Les producteurs agricoles ne se passent plus des herbicides. On constate même une utilisation excessive de ces désherbants qui permettent de faire peu de travail. Drissa Dao nous a fait savoir que c’est grâce à ces produits que lui et sa femme exploitent une dizaine d’hectares et font de la bonne récolte sans beaucoup dépenser. Cela a entraîné sans appel, la floraison des points de vente en ville et dans les villages. Du coup, le phénomène est devenu très prolifique et lucratif.

Action  80DF,  ROCKY  500. L’ambdacal  P 212 E,  Conquet C 88 Herbextra, herbimaïs, héros, ladaba, kalach, roundup, glyphader, bomec, k-optimal, savahaler, viper, caïman B19, spercal, deltacal, titan, Alligator 400EC, pencal caïman rouge, calcio, et bien d’autres pesticides sont vendus sur le marché auxquels il faut ajouter hélas, ceux importés frauduleusement des pays voisins avec des étiquettes écrites généralement en anglais et très souvent commercialisés au-delà de la date de péremption. On peut voir les pesticides exposés partout dans les artères de la ville de Nouna, aux petits marchés des villages, les lieux de réjouissance populaire, les boutiques, les kiosques, les librairies, à côté des restaurants, et même des buvettes sont des lieux par excellence qui servent à écouler ces produits chimiques à haut risque. Nul n’ignore les avantages de ces désherbants, mais accepter ou laisser pousser les points de vente de ces pesticides partout, n’est-il pas dangereux ? C’est dans cette débauche que certains commerçants véreux et opportunistes se tirent d’affaire. Bakary Traoré dit réaliser un chiffre d’affaires très satisfaisant. Il arrive à subvenir aux besoins de sa famille. Quant à la question de savoir s’il a un agrément de vente de ces produits, sa reponse est non, sous prétexte qu’il les vend rien que pendant la saison pluvieuse.

Autrefois les pesticides étaient distribués par les agents d’agriculture et utilisés sous leur encadrement, mais de nos jours ils sont vendus par des commerçants et d’autres marchands de la rue dont le seul souci est de se faire de l’argent au détriment même de la santé de leurs employés. Une jeune fille gérante de boutique de ces pesticides, que nous avons approchée  au secteur 6 de Nouna nous souffle à l’oreille que des fois elle est obligée de s’éloigner de son lieu de vente pour respirer l’air pur. Elle a même remarqué qu’elle crachait beaucoup, ses yeux larmoyaient et elle a chaque fois des migraines. Ils les vendent sans se soucier des règles de conservation. Ces distributeurs les exposent au soleil à l’humidité et souvent à d’autres sources de chaleur avant de les proposer aux clients. Cependant, les experts affirment que l’usage des pesticides, même avec précaution, peut présenter des risques pour l’Homme et la nature. A cela s’ajoutent les mauvais conditionnements, l’appat du gain facile au mépris de la vie humaine, la falsification des dates et les faux conseils de certains vendeurs véreux. Une autre réalité sous nos tropiques, « c’est que certains vendeurs de pesticides soutiennent que c’est lorsque ces produits sont périmés qu’ils sont efficaces » La plus grave, c’est lorsque les populations utilisent les pesticides venus de pays voisins avec des notices de mode d’emploi écrites en anglais ; ce qui ne facilite pas la compréhension quant à leur utilisation. Très peu d’agriculteurs savent les dangers que représentent ces produits pour leur santé et l’ensemble de la communauté. Certains producteurs ignorent que la pulvérisation des plantes exige le port d’une combinaison de protection. Et pourtant, les producteurs n’utilisent pas de masques, ni de gants, ni des lunettes, ni des bottes. D’aucuns n’utilisent même pas de pulvérisateurs  ou ne se revêtent pas au moment des traitements, affirme un producteur à Dembo, un village situé à 15 km, à l’ouest de Nouna. Ces produits toxiques sont gardés à l’intérieur des maisons d’habitation et dans les boutiques. Les emballages des pesticides sont même utilisés dans les ménages. Il n’est pas rare de voir ces récipients dans les mains des bergers et d’autres commerçants détaillant d’huile ou de carburant. Des agriculteurs font des mélanges de ces produits pour plus d’efficacité. Ils achètent différents produits et ils font le mélange pour obtenir ainsi un désherbant très efficace. Dans les champs comme dans les jardins où dans les concessions, ces emballages sont abandonnés à ciel ouvert avec des risques graves que cela peut causer sur la santé des êtres vivants et sur l’environnement. Un jardinier nous témoigne qu’une année, un producteur avait utilisé ces pesticides qui ont pollué les eaux ayant provoqué la mort des oiseaux au secteur 1 de Nouna. Dans la même veine, un commerçant de poisson de la commune  rurale de Sono nous relate que courant juin 2016, le mauvais usage de ces produits nocifs a  tué des milliers de poissons dans le fleuve Mouhoun. Dans les mêmes circonstances, un cotonculteur a conservé des semences dans ces emballages et il a semé la moitié au cours de la saison suivante, et ordonné à sa famille de bien laver le reste et de le préparer. Ce dernier a intoxiqué les membres de sa famille qui ont été sauvés de justesse dans un centre de santé. Le danger et certainement le plus grave pour le consommateur, c’est l’utilisation des pesticides du coton par les maraîchers pour traiter les choux, la tomate, la salade… On utilise tout pourvu qu’il tue les ravageurs ; il n’y a pas de dose. En tout cas, l’utilisation de ces pesticides par nos producteurs constitue un problème de santé publique.

 

Domaine d’application des pesticides

 

L’utilisation des pesticides concerne donc les domaines de l’agriculture, de  la santé humaine et animale ainsi que de l’industrie en vue de l’amélioration de la qualité de la vie, de la santé et de l’accroissement qualitatif et quantitatif des productions agro-sylvo-pastorales.

 

Classification des pesticides selon la toxicité (classification OMS), on distingue : Ia Extrêmement dangereux,  Ib Très dangereux, II Modérément dangereux, III Peu dangereux et U biologique.

Selon le nuisible  visé, on distingue : Insecticides Herbicides et Fongicides

 

Avantages de l’utilisation des pesticides : augmentation des rendements, la protection des réserves alimentaires et la lutte contre les vecteurs de maladies. Selon la FAO, 33%  des récoltes mondiales  sont détruites chaque année par des espèces nuisibles. Plus de 500 millions de personnes dans le monde souffrent de faim chronique à cause des ravageurs des cultures.

 

Inconvénients de l’utilisation des pesticides : le non-respect des bonnes pratiques phytosanitaires et l’utilisation des pesticides non homologués    conduisent à des excès de résidus de pesticides dans tous les compartiments de l’environnement (sol, eau, air), les organismes non cibles (hommes, végétaux, faunes), les aliments pour l’Homme et les animaux. Cela conduit à deux types d’intoxications qui sont :

Les intoxications aiguës: ce sont des manifestations de symptômes quelques heures après une exposition. On note, entre autres, les irritations, les vomissements, la toux, la gêne respiratoire, des glauques sur la peau.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’il y a chaque année dans le monde de graves empoisonnements par les pesticides, avec quelque 220 000 décès, et un  à cinq millions d’enfants sont exposés aux pesticides.

 

Les intoxications  chroniques

 

Elles sont des accumulations de doses répétées de pesticides. Les manifestations possibles sont, entre autres, les cancers, malformations, diminution de la fertilité masculine, destruction des spermatozoïdes, mortalité intra utérine  et contamination du lait maternel.

 

Madi KEBRE

 

 


No Comments

Leave A Comment