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VERS LA REPRESSION DU NON-RESPECT DU PORT OBLIGATOIRE DU MASQUE


Face à la presse, le porte-parole du gouvernement du Burkina Faso avait annoncé, pour cette semaine, l’entrée en vigueur de la phase de répression pour défaut de port du masque dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. A quelques jours de la fin de la semaine, le constat que l’on peut faire est que la mesure n’a connu aucun début d’application. Pire, les populations n’en ont cure de la menace et vaquent tranquillement à leurs activités quotidiennes. Si dans leur grande majorité, elles reconnaissent le bien- fondé du port des cache-nez et des masques, elles rechignent cependant à se plier à cette exigence. Et elles ne manquent pas d’arguments pour justifier leur attitude. D’aucuns invoquent le coût, estimant que c’est le sacrifice de trop que les autorités leur demandent, après les avoir contraints à plusieurs semaines d’arrêt de travail avec d’énormes pertes financières. D’autres avancent des arguments liés à des incompatibilités personnelles comme les difficultés à respirer avec le masque.

Pour beaucoup de Burkinabè, l’Exécutif manque de cran pour faire face à la population

Mais l’on sait que derrière cet argumentaire qui, en réalité, ne sert que d’alibi pour rejeter la mesure, il y a non seulement l’incivisme devenu presque caractériel chez les Burkinabè, mais aussi l’incrédulité de bon nombre d’entre eux face à la maladie à coronavirus que d’aucuns croient inventée par le gouvernement pour se remplir les poches. Et pour ne rien arranger à la situation, il faut ajouter cette mentalité des Burkinabè qui croient que la maladie vient de Dieu et que l’on ne saurait s’en soustraire par nos propres moyens. Que fera le gouvernement face à cette défiance de l’autorité de l’Etat? Telle est la question que plus d’un se pose. Pour beaucoup de Burkinabè, l’Exécutif manque de cran pour faire face à la population qui semble avoir rusé pour obtenir l’allègement des mesures. Il n’ira donc pas au-delà de l’effet d’annonce. Affaibli par la fronde sociale et les affres d’une communication chaotique dans la gestion de la pandémie, le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré réfléchira par deux fois avant de s’aventurer dans une rhétorique guerrière, surtout en cet avant-veille de la campagne électorale où il compte solliciter à nouveau les voix des Burkinabè pour un second mandat. Du reste, cette propension du gouvernement à reculer face à la grogne des populations, a déjà été perceptible dans l’allègement soudain des différentes mesures prises contre la maladie à coronavirus, en l’occurrence la réouverture des marchés et des lieux de culte, la reprise du trafic inter et intra-urbaine, pour ne citer que ces exemples. L’on peut même croire plus à raison qu’à tort, que le manque de poigne est l’apanage de ce régime qui s’est lui-même installé dans le doute et par conséquent dans l’inaction en prenant de nombreuses décisions non conformes à la loi et qui, par la suite, ont été retoquées par la Justice. Et font partie de ces décisions malheureuses, de nombreuses mesures prises dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, si l’on en croit le collectif des jeunes avocats engagés dans la lutte contre le coronavirus. Mais faut-il pour autant plaindre le gouvernement ?

La montée en flèche que connaît la pandémie au Ghana voisin, est là pour nous rappeler que nous devons rester vigilants

Même s’il est difficile de répondre à cette question par l’affirmative, il y a lieu de croire que sa responsabilité est largement engagée dans cette perte d’autorité. En effet, l’on peut reprocher au gouvernement de n’avoir véritablement pas mûri la réflexion sur les modalités d’application de la mesure avant de prendre le texte portant obligation du port du masque. Certes, il existe des dispositions réglementaires sanctionnant les infractions pendant l’état d’alerte sanitaire, mais que fera-t-on concrètement d’un piéton pris dans la rue sans masque ? Va-t-on remplir nos prisons de citoyens pris pour défaut de port de masque alors que dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, des milliers de prisonniers ont été élargis ? Visiblement, il aurait été plus pratique et plus efficace que, dans ce texte qui rend obligatoire le port du masque, l’on identifiât clairement les lieux d’accès interdits aux citoyens qui, volontairement, se soustraient à cette exigence. A titre d’exemple, l’on pouvait expressément interdire l’accès aux lieux publics comme les services, les commerces, les lieux de culte, etc., aux non-porteurs de masques et solliciter, à cet effet, l’appui des forces de l’ordre, des responsables de la sécurité aux entrées de certains lieux publics. Mais quelles que soient les erreurs commises par les autorités, force doit rester à la loi. En effet, si l’annonce de la répression du défaut de port du masque doit rester sans effet, il faut craindre pour le peu d’autorité qui reste encore aux dirigeants. Les risques de basculement dans l’anarchie, dans un proche ou lointain avenir, deviendraient trop élevés ; d’où la nécessité pour tous les Burkinabè d’opérer une réelle prise de conscience. Chaque citoyen doit se sentir solidaire et responsable de l’autre. Et c’est maintenant qu’il faut le faire avant que le pire n’arrive. En tout cas, la montée en flèche que connaît la pandémie au Ghana voisin, est là pour nous rappeler que nous devons rester vigilants.

« Le Pays »


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