Victoire du RHDP à la présidentielle : ADO entre deux précipices
Le RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix), tel un bulldozer, a tout écrasé sur son chemin. Son champion, Alassane Dramane Ouattra (ADO), n’a fait aucun quartier à ses adversaires à l’occasion de la présidentielle du 25 octobre dernier. A lui seul, il a engrangé 2 118 229 voix, soit 83,66% des suffrages. Les autres candidats ont dû se contenter de miettes. La fessée a donc été humiliante. Et cela était prévisible au regard des faits suivants. D’abord, ADO, en plus de bénéficier de la prime au sortant, a fait appel, pendant la campagne, et c’est de bonne guerre, à son bilan économique qui, il faut le reconnaître, est admirable, malgré le fait que beaucoup de choses restent à faire pour arrimer la Côte d’Ivoire à l’émergence promise à ses concitoyens.
Le premier tournant est celui de la réconciliation nationale
Ensuite, le score à la Staline (83,66%) qui rappelle les scores des élections organisées à l’époque où l’Eléphant d’Afrique était sous la férule du parti unique, parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), peut s’expliquer par le fait que ADO avait en face de lui, des hommes et des femmes qui étaient loin de pouvoir lui tenir la dragée haute. A ce manque d’adversaires de taille, l’on peut ajouter la guerre sans merci et byzantine à laquelle les héritiers de Laurent Gbagbo ont consacré tout leur temps, pendant que ceux d’en face étaient en train de réunir les ingrédients de la victoire à laquelle l’on vient d’assister. Mais ADO devrait se garder d’exulter sans retenue. En effet, sa victoire souffre à la fois de la chute vertigineuse du taux de participation par rapport à celui de 2010 et d’une certaine désaffection du corps électoral ivoirien pour la chose publique. Maintenant que ADO vient de recevoir le quitus des Ivoiriens pour occuper, pour une dernière fois, le palais de Cocody, l’on peut se risquer à dire qu’il sera essentiellement attendu par ses compatriotes et par les amis de la Côte d’Ivoire, à deux tournants. S’il les négocie bien, et c’est tout le mal qu’on lui souhaite, il laissera à son successeur un pays qui rappelle l’époque du Père de la Nation, Houphouët Boigny, c’est-à-dire une terre de fraternité, d’hospitalité et d’espérance. Au cas où ils les négocierait non pas en Homme d’Etat, mais en politicien, il léguera à la postérité une bombe qui, à la moindre étincelle, peut exploser. Mais quels sont donc ces deux tournants auxquels “L’enfant de Kong” sera attendu avec intérêt ? Le premier tournant est celui de la réconciliation nationale. Lorsque l’on fait une lecture sociologique des résultats de la présidentielle par régions, l’on peut faire le constat suivant : au Nord, Alassane Ouattara a été plébiscité. Et le taux de participation a été remarquable. A l’Ouest, la région natale de son illustre prédécesseur, Laurent Gbagbo, force est de reconnaître qu’il a encore beaucoup à faire pour gagner le cœur des électeurs de cette zone. Et ce n’est pas faute de ne leur avoir pas fait la cour. La raison profonde de cet état des choses, pourrait être liée au fait que le premier mandat d’ADO a été placé sous le signe de la justice des vainqueurs. Et cela ne rélève pas de l’affabulation. C’est la triste réalité. Alassane Ouattara doit impérativement soigner cette grande plaie qui réprésente le point le plus noir de son premier mandat. Et il n’y a pas mille manières de le faire. Il lui suffit d’avoir le courage de livrer à la justice ivoirienne ou internationale, peu importe, tous ceux de son camp qui ont tué et torturé des Ivoiriens durant la crise post-électorale de 2010.
Le deuxième tournant est lié au pacte qu’il a scellé avec le PDCI
Certes, ADO leur doit en partie son avènement au pouvoir, mais la redevabilité en politique a aussi ses limites. Elle ne doit pas être de mise quand elle s’oppose à certaines valeurs qui sont les fondements de la République et de la démocratie. Deux de ces valeurs sont la justice et l’égalité des citoyens devant la loi. Dans le cas d’espèce, ADO a beaucoup de choses à se reprocher dans sa gouvernance. Le deuxième tournant auquel Alassane Ouattara est attendu, est lié au pacte qu’il a scellé avec le plus vieux parti de Côte d’Ivoire, c’est-à-dire le PDCI. De ce fait, cette formation politique a fait violence sur elle-même en renonçant à concourir pour la présidentielle à laquelle l’on vient d’assister. Et cela lui a vallu des grincements de dents légitimes en son sein. Le PDCI qui a été déterminant dans la victoire d’ADO en 2010 et 2015, a donc accompli sa part de contrat. Il revient à Alassane Ouattara de lui renvoyer l’ascenseur en 2020, comme prévu, en soutenant une presonnalité issue des rangs de ce parti. Pour ce faire, il doit se comporter comme le véritable patron du RDR (Rassemblement des Républicains) de manière à contenir les ambitions présidentielles des jeunes loups aux dents longues de cette formation politique, qui pourraient ne pas se sentir liés par les engagements qu’il a pris avec celui qu’il appelle affectueusement son frère aîné, Henri Konan Bédié. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire que Alassane Dramane Ouattara est entre deux précipices. Il doit donc les aborder en véritable homme d’Etat. Car, l’enjeu, ici, ce n’est pas l’intérêt des individus, quels que soient les services qu’ils lui ont rendus de par le passé, mais l’intérêt de la Côte d’Ivoire. Pour cela, aucun sacrifie de sa part ne sera de trop.
“Le Pays”
FGH
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Votre analyse est d’autant plus vraie que lorsqu’on fait le point dans les détails, on se rend compte que, avec un taux de participation réel de moins de 53%, ADO a été élu par seulement 1/3 (un tiers) du corps électoral ivoirien. Le drame, c’est que ses premières réactions après la proclamation des résultats, si on en croit la presse ivoirienne, ne permettent pas beaucoup d’optimisme: il entend liquider définitivement le FPI; exactement l’attitude du politicien et pas de l’homme d’Etat qu’il devrait être au cours de ce second et dernier mandat.
2 novembre 2015