HomeA la uneVICTOIRE ELECTORALE DU PJD AUX ELECTIONS AU MAROC : Le roi doit veiller au grain

VICTOIRE ELECTORALE DU PJD AUX ELECTIONS AU MAROC : Le roi doit veiller au grain


 

Des élections locales se sont tenues le vendredi 4  septembre 2015 au royaume chérifien. L’un des grands   enseignements de ces élections, c’est bien entendu la performance du parti islamiste, le Parti Justice et Développement (PJD) du Premier ministre Abdelilah Benkirane, notamment dans les plus importantes villes du pays. Au niveau des conseils régionaux, les islamistes ont raflé 174 sièges sur 678. Pour les communales, ils sont arrivés en 3e position avec 15,9% des suffrages. Si ces élections devaient donner un aperçu du climat politique au Maroc, alors on ne ferait que constater un regain de notoriété des islamistes qui, jusqu’en 2011, étaient cantonnés dans l’opposition. En effet, c’est à partir de cette année-là et avec l’adoption de la nouvelle Constitution dans l’ambiance survoltée des printemps arabes, que le suffrage universel est entré dans les pratiques politiques du royaume. L’introduction  de cette formule de vote a permis au PJD de remporter les législatives en 2011 et d’occuper le poste de chef du gouvernement. Cette fois, en ce mois de septembre 2015, les partisans de Benkirane ont encore mis de l’emphase dans leur conquête de l’espace politique. Dans un intervalle de trois ans, le PJD a déjà tendu ses tentacules dans l’espace politico-administratif, si fait que l’on se demande s’il ne va pas écraser de toute son assise, la scène politique marocaine, très prochainement. A priori, il faut se féliciter de cette confiance, de ce choix démocratique des Marocains, porté sur les islamistes, et cela, pour deux raisons majeures. La première est que le PJD semble jouir d’une probité morale et la deuxième est que les partis classiques et le traditionnel entourage du palais royal ne se sont pas montrés vertueux dans leur gestion des affaires de l’Etat. Toutefois, il y a   des inquiétudes quant à cette opportunité donnée aux islamistes de régner sur la vie politique marocaine.

On se rappelle les cas algérien en 1990 et égyptien  ces dernières années. Le 21 juin 1990, l’Algérie organisait ses premières élections pluralistes. Le parti islamiste, le Front islamique du salut (FIS), avait remporté les législatives avec 54% des suffrages exprimés, obtenant 188 sièges à l’Assemblée. La suite, on la connaît : l’armée a décidé d’annuler les résultats, plongeant ainsi le pays et ce, jusqu’à présent, dans l’instabilité. En Egypte, les Frères musulmans se sont fait chasser du pouvoir par la rue et l’armée. En Tunisie post-révolution, le parti Ennahda a été contraint de céder le pouvoir face à la coalisation anti-islamiste, alors qu’il était arrivé en tête aux élections législatives. Ces exemples montrent que la question de la participation politique des islamistes à la gestion des affaires politiques doit être traitée et analysée avec prudence et intelligence.

On attend de voir la conduite du Premier ministre Abdelilah Benkirane et de son parti

Dans la majorité des cas, les pays doivent trouver l’équilibre entre la nécessité de ne pas exclure de facto les islamistes du jeu politique et le devoir d’endiguer les dérives dont ils font souvent preuve quand le pouvoir est totalement entre leurs mains. D’autant qu’à chaque fois que les islamistes ont été exclus du jeu politique, ils ont été enclins à agir par des voies contestables et violentes. Et quand le pouvoir est entre leurs mains, ils résistent difficilement à la tentation des dérives et de la dictature. Vu sous cet angle, doit-on craindre pour le Maroc de Mohammed VI ? Faut-il prendre ombrage de la victoire, du succès électoral des islamistes ? Faut-il s’inquiéter de la montée en puissance des islamistes au Maroc ?   Quoi qu’il en soit, la performance électorale du PJD fait froid dans le dos, surtout dans un contexte d’exportation et d’internationalisation de l’islamisme et du fondamentalisme religieux.

Mais, l’on sait que l’extrémisme se développe sur un terreau fertile. Pour sa part, le Maroc pratique un islam modéré et sa société est à la fois moderniste, progressiste et  pacifique. Sous cet angle, l’islamisme marocain peut-il dévier des valeurs qui l’ont conduit jusque-là ? Cela dit, on sait aussi que le pouvoir révèle l’homme. Dans beaucoup de cas, après la conquête républicaine et démocratique du pouvoir, les islamistes finissent par en être grisés et se transforment dès lors en de véritables ennemis de la démocratie. On attend de voir la conduite du Premier ministre Abdelilah Benkirane et de son parti. Il reste que  Mohammed VI, commandeur des croyants, doit veiller au grain  pour que les valeurs théologales qui font la fierté de son royaume, ne soient pas dévoyées.

Michel NANA


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