VIOLENCES MEURTRIERES AU STADE DEMBA DIOP DE DAKAR : Situer les responsabilités !
La finale de la coupe de la Ligue jouée à Dakar au stade Demba Diop le 15 juillet dernier, a été le théâtre de violents heurts entre les supporters des deux équipes finalistes, l’Union sportive de Ouakam et le Stade de Mbour. Le bilan des affrontements fait état d’une dizaine de morts, quasiment tous issus des rangs des supporters mbourois qui se sont massés dans un coin de la tribune à cause de la pluie de projectiles provenant de leurs adversaires du jour. Faut-il le rappeler, on était à la fin de la première mi-temps des prolongations, quand les visiteurs ont marqué leur 2e but alors que le score était de parité (1 but partout), et il n’en fallait pas davantage pour que les « hooligans » de l’USO se déchaînent sur les supporters de l’équipe conquérante de Mbour, déclenchant une véritable cohue et un sauve-qui-peut généralisé, avec à la clé une bousculade monstre et un affaissement d’une partie de la tribune. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce spectacle de violences insensé devenu récurrent dans les stades sénégalais, donne une image pervertie du sport en général et du football en particulier, au point que de nombreux férus du foot préfèrent rester à la maison plutôt que d’aller au stade pour assister aux matches. Mais comme il s’agissait d’une finale de coupe, et donc d’un match à gros enjeu, des milliers de supporters et d’amoureux du ballon rond avaient effectué le déplacement du stade, a priori sans se douter qu’il y aurait dans cet antre de Demba Diop vieux de 54 ans, des mouvements de panique consécutifs au manque de fair-play d’une partie des leurs, encore moins qu’on dénombrerait autant de morts, presque tous à la fleur de l’âge. Ce bilan, le plus lourd jamais enregistré au Sénégal dans une compétition sportive sauf erreur ou omission, devrait interpeller les autorités en charge du sport dans ce pays, et des mesures préventives et répressives devraient être prises au plus vite afin d’éviter que les stades ne deviennent, par la force des choses, le cadre d’expression de rancœurs, de difficultés du quotidien et, subséquemment, de violences aveugles comme celles de samedi dernier.
Il faut vite identifier les défaillances
On aurait pu en effet prévenir ce drame au lieu de jouer « au médecin après la mort » en prenant de façon émotive des mesures qui n’auront aucun impact sur les facteurs explicatifs, car on ne cessera pas de sitôt d’épiloguer sur les causes de ces violences à répétition. Le stade Demba Diop pouvait-il accueillir autant de monde ? Les installations de cette infrastructure vieille de plus d’un demi-siècle font-elles l’objet de suivi-contrôle comme il se doit ? Malgré l’existence de précédents fâcheux, pourquoi n’a-t-on pas installé une grille de protection complète du pourtour intérieur du stade ? Combien de policiers avaient été commis à la sécurisation des supporters et spectateurs durant le match ? Ont-ils été formés au maintien de l’ordre dans un espace clos comme la cuvette de Demba Diop ? Les dirigeants des clubs organisent-ils des séances de sensibilisation au fair-play et à la non-violence à l’intention de leurs supporters ? Voilà autant de questions dont les réponses auraient sans doute permis sinon d’éviter la catastrophe, du moins de réduire les risques de danger imminent et de possibilité de fuite limitée comme on l’a constaté lors de cette finale endeuillée, lorsque les visiteurs ont pris une longueur d’avance sur les locaux. Maintenant que le mal est fait, il faut vite identifier les défaillances, situer les responsabilités et sanctionner les fautifs avec la plus grande rigueur. Des sanctions financières, sportives et pénales, pour l’exemple, pourraient, en effet, être dissuasives pour d’éventuels « hooligans », pour peu que les autorités sénégalaises actuelles aient le courage et la fermeté du président Léopold Sédard Senghor qui, en 1980, avait décidé de son propre chef de retirer le Sénégal de toutes les compétitions africaines, suite à des incidents du match qui avait opposé l’équipe de la Police sénégalaise à Enugu Rangers du Nigeria. Certes, de telles mesures hardies sont plus difficiles à prendre, depuis que le domaine du football est devenu supranational, avec ces regards qui confinent au voyeurisme des instances internationales comme la CAF et la FIFA sur toutes les décisions relatives à la gestion locale du sport-roi. Mais les avis de la CAF ou de la FIFA, pour contraignant qu’ils puissent être, ne devraient pas être rédhibitoires quand il s’agit de taper du poing sur la table afin de ramener le calme et la joie collective dans nos stades. Si les Britanniques et l’UEFA ont pu assagir les redoutables hooligans, on peut espérer que le Sénégal et les autres pays africains arriveront à inculquer l’esprit du fair-play à leurs pratiquants et amoureux du sport afin que leurs pulsions et leurs passions ne dénaturent pas le football qui est un sport de spectacle par excellence.
Hamadou GADIAGA