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VIOLENCES  SUR UN JOURNALISTE AU MALI


 La démission du SG de la CVJR cache-t-elle un malaise ?

Sur les bords du Djoliba, la polémique   enfle au rythme des flots, autour de la démission du secrétaire général de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR), le colonel Abdoulaye Makalou. En effet, le lundi 3 décembre dernier, celui-là même qui est considéré comme la cheville ouvrière de la CVJR, en tant que secrétaire général (SG), a remis sa démission au président de ladite structure chargée de l’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et de valeurs démocratiques. En Afrique, dans les hautes sphères administratives, la culture de la démission n’est pas une valeur largement partagée. De surcroît, dans ce cas précis, le contexte est si particulier qu’il ne peut laisser indifférent. Déjà, le motif invoqué : «sauvegarder les acquis enregistrés par la CVJR… », laisse sentir le roussi au sein d’une importante structure qui doit travailler pour un retour définitif de la paix au Mali. Comme on dit, il n’y a jamais de fumée sans feu. L’on comprend donc les regards interrogateurs de l’opinion. Qu’est-ce qui a bien pu amener le colonel Makalou à rendre le tablier ? Eu égard au contexte et au timing, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette démission suscite plusieurs interrogations.

Officiellement, le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé, dit, à travers un communiqué de presse, que « depuis le 29 novembre 2018 […] le colonel Abdoulaye Makalou fait l’objet, dans les médias et les réseaux sociaux, d’accusations d’exactions à l’égard d’un journaliste. Réagissant à cette situation ainsi créée, l’intéressé a, de sa propre initiative et en toute liberté, remis sa lettre de démission le 3 décembre». Voilà qui est clair et qui établit un lien de cause à effet entre le départ du secrétaire général de la CVJR et la bastonnade du directeur de publication du site Malimedias.com, El Hadji Hamidou Touré, dans l’enceinte de la CVJR.

Le péché du journaliste, c’est d’avoir dénoncé la mauvaise gestion financière à la CVJR

Et ce qui intrigue dans cette affaire de sévices, c’est que le colonel nie avoir agressé le journaliste alors que sa démission y est clairement subséquente. Il faut le rappeler, le péché du journaliste, c’est d’avoir dénoncé, sur sa page Facebook, la mauvaise gestion financière à la CVJR. Il a ainsi donc été séquestré et tabassé par des gardes du corps du colonel dans son bureau et contraint à boire sa propre urine. Une barbarie digne d’une autre époque et contre laquelle toute la presse malienne est vent debout avec le soutien de Reporters sans frontières (RSF) pour situer les responsabilités afin de rendre justice à Hamidou Touré.

Si le colonel Makalou nie son implication, l’on se pose tout de même cette question : comment se fait-il que c’est dans son bureau que le journaliste a été passé à tabac ? Il se  serait d’ailleurs donné plus de crédit s’il avait fait mention de sa   démission pour permettre à la Justice de mieux tirer cette affaire au clair. Ou a-t-il démissionné pour tenter de noyer le poisson dans les eaux du Djoliba en se rendant compte que le journaliste en sait beaucoup plus qu’il ne pouvait l’imaginer sur sa mauvaise gestion ? Auquel cas, ce serait une manière de vouloir cacher le soleil avec son doigt. En attendant de connaître l’épilogue de cette affaire pour laquelle la corporation rejette d’avance un éventuel règlement à l’amiable, elle remet au goût du jour la question de la liberté de la presse au Mali, qui est plutôt malmenée ces temps-ci.

En tout état de cause, il sera difficile pour cet officier militaire qui agit comme un colonel d’opérette de sortir de cette affaire par le haut, Reporter sans frontières ayant déjà en sa possession des éléments sérieux et accablants qu’il est prêt à verser dans le dossier de l’enquête. Mais encore faut-il que le pouvoir judiciaire veuille d’une enquête. La république a bien d’autres chats à fouetter.

Drissa TRAORE

 

 

 


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