VIOLENTES MANIFESTATIONS CONTRE LA MONUSCO EN RDC : Les Congolais ne doivent pas se tromper d’ennemi
La tension est encore montée de plusieurs crans entre la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO) et les populations locales qui s’en sont violemment prises à deux de ses bases à travers des opérations de saccage et de pillage, notamment à Goma, à Butembo et à Béni. Bilan : une vingtaine de personnes tuées dont des civils et des Casques bleus. En attendant que la commission d’enquête annoncée par les autorités congolaises et la MONUSCO, puisse situer les responsabilités, ce sont des actes de vandalisme à condamner avec la dernière énergie. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la confiance est totalement rompue entre la force onusienne et les populations locales qui demandent son départ immédiat et sans condition pour son « inefficacité » voire son inertie face au phénomène de l’insécurité qui sévit dans l’Est du pays. Comment peut-il en être autrement quand de hautes personnalités politiques du rang du président du Sénat, se permettent de demander publiquement à la force onusienne, de « plier bagage » pour ses « résultats mitigés » dans le maintien de la paix après plus de deux décennies de présence dans la région ?
Ce ne sont pas les soldats de la MONUSCO qui massacrent les populations civiles sur le terrain
De là à voir la main secrète du politique derrière les événements de ce début de semaine, il y a un pas qu’il faudrait cependant se garder de franchir même s’il y a des raisons de croire que les propos du président de la deuxième Chambre, tenus le 15 juillet dernier lors d’un meeting organisé à l’appel d’organisations de la société civile et du parti au pouvoir, ont pu servir d’adjuvant aux manifestants. Quoi qu’il en soit, les Congolais ne doivent pas se tromper d’ennemi. Car, même si l’on peut comprendre le ressentiment des populations face aux limites d’une force de la paix censée les protéger, ce ne sont pas les soldats de la MONUSCO qui massacrent les populations civiles sur le terrain. Mais plutôt les combattants de toutes ces forces rebelles qui ont pris Kinshasa en grippe et par la même occasion, les armes contre leur propre pays pour des raisons diverses. Il paraît donc un peu facile de se défausser sur de pauvres soldats de la paix venus, avec un mandat bien précis, en appui aux Forces armées de RDC (FARDC) dont c’est la responsabilité première de protéger les populations congolaises. C’est dire si l’inefficacité de la MONUSCO aujourd’hui pointée du doigt par certaines personnalités, ne saurait absoudre Kinshasa de son rôle régalien d’assurer la sécurité des Congolais. A moins que tout cela ne procède d’une stratégie visant à amener l’ONU à changer son fusil d’épaule en faisant évoluer le mandat de la MONUSCO pour lui permettre d’aller à l’abordage des groupes armées dont le M23 qui a repris du poil de la bête et donne aujourd’hui encore du fil à retordre à Kinshasa.
Il appartient aussi à l’ONU de repenser le mandat de ses forces de la paix
Quand on sait qu’en 2013, l’appui de la MONUSCO aux FARDC avait été déterminant dans la reconquête du territoire dans cette partie orientale du pays, et contraint le M23 à la reddition, il y a des raisons de prendre aussi en considération cette hypothèse au moment où le mouvement rebelle a considérablement repris du poil de la bête dans cette région. C’est dire si les populations congolaises peuvent trouver en la MONUSCO, un exutoire de leurs frustrations, mais la force onusienne ne doit pas servir de bouc-émissaire pour masquer les insuffisances des FARDC qui ont bien des difficultés à relever le défi sécuritaire dans cette partie du pays. Au point, pour Kinshasa, d’accuser certains de ses voisins d’être de connivence avec les rebelles. C’est dire s’il y a des raisons de croire qu’un éventuel retrait de la MONUSCO, dans les conditions actuelles d’instabilité de la région, serait plus préjudiciable à la RDC. Et l’on peut aisément en imaginer les conséquences pour des populations qui ont déjà suffisamment le sentiment d’être abandonnées par Kinshasa. Cela dit, autant les Congolais ne doivent pas se tromper d’ennemi, autant ces manifestations de ras-le-bol doivent constituer une interpellation pour l’ONU, à revoir sa copie. Car, ce coup de sang des populations congolaises est quelque part l’expression d’une insatisfaction par rapport aux actions des Casques bleus. Et au-delà de la MONUSCO, cela pose le problème des forces onusiennes de la paix dont l’efficacité sur le terrain, est de plus en plus sujette à caution, à l’image de la MINUSMA au Mali, ou encore de la MINUSCA en République Centrafricaine, pour ne citer que ces deux cas. C’est dire s’il appartient aussi à l’ONU de changer son fusil d’épaule et de repenser le mandat de ses forces de la paix pour l’adapter aux aspirations des populations locales en y mettant les moyens nécessaires. Car, c’est sans doute au prix de la guerre à travers des mandats plus robustes et offensifs, que ces soldats de la paix pourront se montrer d’une plus grande utilité pour les populations de leurs différents lieux d’intervention. En tout état de cause, il n’y a pas meilleur moyen d’imposer la paix à des gens qui ne parlent et ne comprennent que le langage des armes.
« Le Pays »