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VISITE ANNONCEE DU PRESIDENT FRANÇAIS A BAMAKO  


Loin d’être un épiphénomène, la visite annoncée du président français, Emmanuel Macron, à Bamako, le 20 décembre prochain, est un événement qui ne peut passer inaperçu. Car, elle intervient à un moment où les relations entre les deux pays sont quelque peu tendues, en raison de l’influence grandissante de Moscou à Bamako que Paris ne voit pas d’un bon œil, dans un contexte de retrait en cours de la force française Barkhane. Ainsi, après Tessalit et Kidal, c’était, le 13 décembre 2021, au tour de la base de Tombouctou, de voir le départ des soldats français.   C’est dans ce contexte de montée en flèche du sentiment anti-français sur lequel semblent surfer des autorités de la transition ragaillardies par un soutien populaire, que le patron de l’Elysée se rendra au palais de Koulouba pour rencontrer le chef d’une junte militaire avec qui Paris ne semble véritablement pas avoir d’atomes crochus. Et les incidents n’ont pas manqué. En effet, en réaction, le mois dernier, à la sortie du Premier ministre malien, Choguel Maïga, à la tribune de l’ONU, qui avait qualifié la fin de l’opération Barkhane d’« abandon en plein vol », le président français s’était offusqué au point de mettre en cause la légitimité même des autorités de la transition.

 

La piste Wagner semble avoir fait son petit bonhomme de chemin au Mali

 

 « C’est une honte et ça déshonore ce qui n’est même pas un gouvernement », avait-il précisément dit. Quelques mois auparavant, la même France suspendait momentanément et  unilatéralement sa coopération bilatérale militaire avec le Mali pour faire pression sur la junte suite au coup de force, en juin dernier, des tombeurs d’IBK (Ibrahim Boubacar Kéita) contre la transition civile dirigée par le président Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane. Le président Macron avait rajouté une couche, en confiant au passage ne pas vouloir « rester aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition », avant de revenir à de meilleurs sentiments.  Autant de faits et d’actes qui ne semblent pas avoir ébranlé la volonté du colonel Assimi Goïta de rester à la tête de l’Etat et d’imprimer sa marque à la marche de la transition au Mali, en prenant l’option de trouver une alternative à un éventuel retrait de la France. Depuis lors, la piste Wagner semble avoir fait son petit bonhomme de chemin au Mali, malgré les agitations et autres mises en garde répétées de Paris. Dans ces conditions, faut-il croire que l’affaire est suffisamment avancée dans les négociations au point de nécessiter la montée au créneau du patron de l’Elysée en personne, à la suite de sa ministre des Armées, Florence Parly, qui avait déjà fait le déplacement de la capitale malienne sans que cela ne change visiblement grand-chose à la donne ? Seules les autorités de Bamako pourraient répondre à cette question.   En attendant, l’on est porté à se demander si, à travers cette visite… « au colonel fort de Bamako », Macron n’ira pas à Canossa.

 

On est loin du scénario du grand chef blanc qui « convoque » chez lui, un homologue africain

 

Surtout s’il devait sortir insatisfait du tête-à-tête avec son hôte ou perdre ses illusions par rapport au sujet Wagner qui fâche, en plus du fait de devoir écorner son image en s’affichant aux côtés du chef de la transition malienne reconnu comme un putschiste récidiviste. En tout cas, tout porte à croire que s’il y a quelqu’un, entre les deux chefs d’Etat, qui devrait a priori sortir ragaillardi de cette visite, c’est le chef de la junte militaire malienne pour qui cette visite du numéro 1 français en terre malienne, constitue pain bénit pour rehausser son image auprès de ses compatriotes. Surtout que dans le cas d’espèce, on est loin du scénario du grand chef blanc qui « convoque » chez lui, un homologue africain. A moins que la visite du président français ne s’inscrive finalement dans un tout autre registre d’aplanissement des dissensions. Question, pour Paris, de trouver un terrain d’entente avec Bamako en vue de garder la main au Mali.  Question aussi de couper l’herbe sous les pieds des Russes de Wagner contre qui l’Union européenne, en solidarité avec la France,  vient de prendre des sanctions tout en réaffirmant son opposition à sa venue au Mali.  C’est dire si Paris ne reste pas les bras croisés face à ce qui apparaît comme la menace russe au Sahel. En attendant de savoir l’accueil qui sera réservé au président français, la question qui se pose est celle de savoir ce qui sortira de sa visite au taiseux chef de la junte militaire au Mali. Si c’est pour une opération de charme, opérera-t-elle sur Assimi Goïta ? On attend de voir. Tout comme on attend de voir quel impact cette visite du patron de l’Elysée au palais de Koulouba, aura sur les relations franco-maliennes. Au-delà, la question qui demeure est  la suivante : qu’est-ce qui fait tant courir Paris au Mali ?  L’histoire le dira.

 

 

 « Le Pays »

 


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