HomeA la uneVISITE DU PRESIDENT DU FASO A PARIS : Quand Roch veut s’adosser à du roc  

VISITE DU PRESIDENT DU FASO A PARIS : Quand Roch veut s’adosser à du roc  


 

Le nouveau président du Faso va sacrifier à la tradition. En effet, Roch Marc Christian Kaboré, dans le pur respect de la tradition des chefs d’Etat de l’espace francophone, a choisi Paris comme destination pour sa première visite officielle hors du Burkina. Ce sera du 5 au 7 avril 2016. Il est de notoriété publique que dans les  ex-colonies françaises d’Afrique, l’Elysée est un passage obligé pour les chefs d’Etat. Etre reçu par le « grand chef blanc » est ressenti par beaucoup de têtes couronnées, comme une légitimation de niveau supérieur à celle conférée par les peuples. En tout cas, tout se passe comme si la vraie onction est celle qui vient de l’Occident et surtout de Paris. Cette démarche est, pour les chefs d’Etat qui le font, une allégeance qui ne dit pas son nom. On ne réserve pas sa première sortie officielle à n’importe quel pays. C’est dire que Paris compte plus que les autres capitales. Si ce n’était le cas, le président du Faso aurait pu réserver sa première visite à un pays voisin avec lequel le Burkina est lié par l’histoire, mais aussi par la géographie. Mais Roch, comme d’autres avant lui, fait dans la realpolitik.

La France peut être un parrain efficient pour le président burkinabè

Au menu de cette visite d’Etat : des entretiens avec de hautes personnalités politiques et des patrons de l’Hexagone. La coopération, l’aide au développement et la sécurité seront certainement au cœur des échanges. Roch Kaboré qui hérite d’un pays dont l’économie a connu un ralentissement du fait de la crise qu’il a traversée, a besoin d’un appui budgétaire pour réussir sa relance économique. La France dont la diplomatie est des plus efficaces, peut être un parrain efficient pour le président burkinabè dans sa quête de ressources et d’investisseurs étrangers. Du reste, la dépendance du Burkina vis-à-vis de la France au niveau de la monnaie, ne pouvait pas offrir un autre scénario. Le pays de De Gaule tient ses ex-colonies en laisse et cela se ressent dans bien des choix et des comportements des dirigeants de l’Afrique francophone. De plus, le président Roch a certainement besoin de mettre son régime à l’abri de toute déstabilisation. Il est notoire que la France peut lui garantir un sommeil tranquille. Elle sait faire pression s’il le faut pour que tout voisin qui aurait la lugubre intention de mettre en difficulté le Burkina et ses dirigeants, revienne à de meilleurs sentiments. Aucun chef d’Etat dans le précarré français n’oserait aller contre les directives de Paris en tentant de déstabiliser ou de soutenir des personnes qui veulent déstabiliser un pouvoir qui a son onction. Avoir l’Elysée comme partenaire est une sorte d’assurance-vie pour les régimes de la Françafrique. Roch qui n’est pas né de la dernière pluie, le sait. Même si Paris n’apporte pas directement des appuis financiers consistants, mieux vaut l’avoir avec soi que contre soi. Comme le dit une sagesse de chez nous, « on ne s’adosse pas à du vide ». La France est solide et peut aider un chef d’Etat à protéger ses arrières. Roch veut donc s’adosser à du roc. Certes, l’ancien président de l’Assemblée nationale burkinabè s’en défend, mais, dans les conditions de ce genre, où un chef d’Etat élu va demander de l’aide pour avoir une chance de stabiliser son régime et mettre en œuvre ses chantiers, difficile d’échapper aux relations maître-esclave. Ne dit-on pas que « la main qui reçoit est toujours en dessous de celle qui donne » ? La France certainement tient à cette allégeance, comme à la prunelle des yeux de sa Marianne. Toujours est-il que rares sont les téméraires qui osent aller contre cette tradition. Il y a eu des présidents comme Macky Sall du Sénégal, qui ont tenté le pari ; lui qui a réservé son premier voyage officiel hors de son pays, à la Gambie. Mais ces exemples sont rares comme les larmes d’un crocodile. Chaque dirigeant élu s’empresse de rentrer dans les rangs pour ne pas susciter le courroux du locataire de l’Elysée avec ses corollaires en termes de représailles. Surtout qu’il sait que ses pairs africains se feraient un malin plaisir de se faire utiliser par l’Hexagone pour lui nuire.

Il est temps que les indépendances africaines cessent d’être un leurre

Ces visites traduisent ni plus ni moins que l’assujettissement du continent africain vis-à-vis de pays comme la France. Comment peut-on avoir la fierté voire l’honneur de célébrer avec faste des indépendances quand on sait qu’on n’a quasiment aucun pouvoir de décision sur des questions aussi importantes et de souveraineté que celle de la monnaie de son pays? Les célébrations en grande pompe d’indépendances formelles, de pays qui n’ont pas les moyens de s’affranchir de la tutelle financière d’une ex-métropole, en disent long sur la démission et l’hypocrisie ambiantes sous nos tropiques. Pour revenir au cas spécifique du pays des Hommes intègres, il faut bien se rendre à l’évidence. Le Burkina a besoin d’aide certes, mais il ne doit pas perdre sa dignité. Il faut croiser les doigts pour que Roch s’inspire autant que se faire se peut, du père de la Révolution d’août 1983, le président Thomas Sankara, dans sa relation décomplexée avec l’ancienne métropole. Il est grand temps que la coopération se fasse dans un minimum de respect mutuel. Car, s’il est vrai que des pays comme le Burkina ont besoin de l’appui de la France dans bien des domaines, il n’en demeure pas moins vrai que la France a également besoin du Burkina. La France ne doit pas perdre de vue le conseil de Jean de La Fontaine qui disait qu’ « on a souvent besoin d’un plus petit que soi »En effet, le Burkina est, pour ne retenir que cela, l’objet de convoitises des grandes puissances, du fait de sa stabilité plus ou moins réelle et de sa position géographique au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Pour une France désireuse d’assurer sa propre sécurité, de surveiller la bande sahélo-saharienne avec une capacité de déploiement rapide de ses troupes militaires sur toute l’Afrique de l’Ouest, être au Burkina est un enjeu géostratégique de taille. En tout cas, ce n’est pas pour les beaux yeux des Burkinabè que la France qui a échoué au début des indépendances à avoir une base militaire dans le pays, revient à la charge ces dernières années. C’est cela aussi qui est la vérité. A Roch de se faire donc respecter aussi par ses hôtes. En tout cas, l’Afrique nouvelle que les démocrates appellent de tous leurs vœux, ne saurait faire l’économie d’un changement effectif, dans la qualité de ses relations vis-à-vis de l’Occident dans son ensemble et de la France en particulier. Dit autrement, il est temps que les indépendances africaines cessent d’être un leurre.

« Le Pays »


Comments
  • C’est vrai, le Burkina Faso veut une coopération avec tous les pays du Monde dont la France ancienne puissance colonisatrice; dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant et qui doit servir bien entendu les intérêts du peuple Burkinabé. Car la France également n’est pas au Burkina Faso, pour les beaux yeux de nos autorités, mais bien à cause de ses intérêts géostratégiques et économiques en générales. Aussi, il faut avoir le courage de se départir des relations basées sur les intérêts dans la Françafrique qui sont souvent aux antipodes des intérêts peuples africains ! Au Président du Faso Rock Marc k Christian Kaboré de savoir nouer et continuer nos relations bilatéraux et Multilatéraux avec tous nos partenaires dans le respect de la dignité de chacun et des options de chaque pays ! Contrairement, à ce que certains ont toujours pensé, à l’époque de Feu le Président Thomas Sankara, il n’était pas contre la France particulièrement, mais contre toute domination à travers des relations personnelles qui foule aux pieds les intérêts du peuple et de l’Etat Burkinabé ! Ne disait t-il pas pas que “la Révolution burkinabé s’inspire aussi bien de la France de 1789 que la Révolution américaine de 1776 et toutes les révolutions des peuples dans le monde qui aspirent à la libération de l’exploitation des faibles” ! Aujourd’hui le monde est en train de changer et la Chine,l’Inde, Russie et bien de pays asiatiques peuvent être des exemples de progrès et de développement économique et sociale pour des pays africains comme le Burkina Faso. Enfin, on peut avoir la France comme parrain mais le vrai parrain c’est d’être en harmonie et en confiance avec son peuple. Depuis un certain temps, le peuple Burkinabé a démontré qu’on ne peut plus le diriger comme un troupeau de mouton. Et ça tout le monde au Burkina Faso doit le savoir ! Salut !

    5 avril 2016

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