VOTE DU PROJET DE LOI DEVANT L’ASSEMBLEE NATIONALE IVOIRIENNE : Que nous réserve la journée du 5 octobre ?
Bien qu’interdit, le Front populaire ivoirien ne démord pas, loin s’en faut. Il tient à observer son sit-in devant l’Assemblée nationale, où les députés sont appelés à examiner et à adopter, ce 5 octobre, le projet constitutionnel à eux soumis par le président Dramane Alassane Ouattara. Dès lors, l’on se demande ce qui va se passer aujourd’hui devant le parlement ivoirien. Va-t-il pleuvoir sur Abidjan ? Sans vouloir jouer les Cassandre, tout laisse croire que ça va cailler. Car, on voit mal des militants surexcités et déterminés du FPI face à des forces de l’ordre lourdement armées, sans qu’il y ait du grabuge. Faut-il le rappeler, ce projet de nouvelle Constitution pour la Côte d’Ivoire est soumis aux députés de l’Assemblée nationale pour adoption, avant le référendum prévu pour le 30 octobre 2016. A moins d’un mois de cette consultation populaire, le mercure politique est donc monté d’un cran sur les bords de la lagune Ebrié à propos de cette loi fondamentale, retoquée en plusieurs de ses articles et dont la mouture qui sera soumise au peuple, contiendrait des dispositions pour le moins sujettes à controverse. Il en est ainsi par exemple de celle qui saute le verrou de la limitation de l’âge des candidats à l’élection présidentielle, qui soulève un véritable tollé au sein de l’opposition ivoirienne qui y voit une volonté manifeste du président Alassane Ouattara de s’éterniser au pouvoir. L’actuelle Constitution limitant le nombre de mandats du président à deux, le passage à la troisième République à travers l’adoption d’une nouvelle Constitution, permettra de remettre les compteurs à zéro, en raison de la non-rétroactivité de la loi, et l’actuel chef de l’Etat pourra rempiler pour deux autres mandats, si la Providence lui en donne l’occasion et si seulement les membres de sa famille politique lui en laissent la voie libre. Car, il n’est pas certain que dans son propre camp du Rassemblement des Républicains (RDR), une telle éventualité soit bien accueillie, des jeunes cadres du parti ayant commencé déjà à faire feu de tout bois dans les campagnes ivoiriennes et sur les réseaux sociaux, pour être califes à la place du calife au terme du mandat en cours.
Une éventuelle guerre fratricide de succession pourrait profiter à l’opposition
Quid de l’accord qui aurait été scellé avec le sphinx de Daoukro et chef du parti historique du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié, pour une alternance entre les deux partis alliés (RDR et PDCI-RDA) à l’horizon 2020 ? En clair, le candidat du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), ne sera plus celui du RDR comme cela l’a été depuis la création de ce regroupement, mais celui désigné par le PDCI-RDA. Dans les rangs de ce dernier parti aussi, des voix s’étaient déjà élevées pour contester la candidature d’Alassane Ouattara au nom de tous les Houphouétistes lors de la présidentielle passée, et les contestataires comme Kouadio Konan Bertin et Charles Konan Banny, avaient fini par passer outre la fatwa de la direction du parti en déposant leur propre candidature. Pour sûr, ils seraient encore plus nombreux à dire non à la candidature unique en 2020, si le président Ouattara venait à bénéficier de l’onction du RHDP, et le tandem gagnant RDR-PDCI-RDA risquerait de voler en éclats avant même la tenue de cette élection. Cela dit, nous n’allons pas discuter du sexe des anges, d’autant qu’on ne sait pas encore si le président Ouattara prendra sa retraite politique à l’issue de ce mandat en cours, ou s’il empruntera le chemin parsemé d’embûches, comme l’avait imprudemment fait son ami et hôte Blaise Compaoré, en tentant de s’octroyer deux mandats supplémentaires. Peut-être qu’à travers cette nouvelle Constitution qui permettra au Président de la République, s’il le désire, de faire acte de candidature une troisième fois consécutive, les juristes et les conseillers du Président ont voulu envoyer un message fort à certaines personnalités de la mouvance présidentielle dont la rivalité et l’inimitié sont devenues de notoriété publique à Abidjan et partout en Côte d’Ivoire. Dans le camp du RDR d’Alassane Ouattara, le sécurocrate du régime, Ahmed Bakayoko, et le tout puissant président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, se regardent en chiens de faïence à mesure que l’échéance de 2020 approche, et dans celui du PDCI-RDA, c’est quasiment la même ambiance qui règne entre le Premier ministre Daniel Kablan Duncan et son prédécesseur à ce poste, Ahounsou Joel. En tout état de cause, une éventuelle guerre fratricide de succession entre les militants du RHDP, pourrait profiter à l’opposition qui est actuellement à la peine dans les sondages et sur le terrain, et des alliances contre-nature ne sont pas à exclure pour punir les deux derniers dinosaures de la faune politique ivoirienne. On en voit déjà les prémices avec les échanges informels entre les responsables des deux principales formations politiques de l’opposition que sont le parti Liberté pour la République (LIDER) de Mamadou Koulibaly et le Front populaire ivoirien (FPI- tendance Affi Nguessan), et leurs condamnations communes et sans nuance de l’avant-projet de la nouvelle Constitution. Le sémillant Mamadou Koulibaly a d’ailleurs invité ses militants à se rendre à l’Assemblée nationale, ce 5 octobre, pour dire aux députés, leur opposition à ce projet qu’il qualifie d’inique. Personne ne sait a priori ce que réserve la journée de ce 5 octobre relativement au face-à-face annoncé entre manifestants et forces de l’ordre, pas plus que le résultat du vote des députés sur l’adoption de la future Constitution. Toutefois, on peut présumer que le « oui » l’emportera dans l’hémicycle, d’autant que le RHDP dispose d’une majorité confortable et qu’ils ne sont pas nombreux les députés qui osent, sous nos tropiques, contrarier la voix du maître. Et le maître ici, c’est bel et bien Alassane Ouattara.
Hamadou GADIAGA
