HomeA la uneYAO LAMOUSSA, AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR : « Il n’y a ni deux récépissés ni deux CAMEG »

YAO LAMOUSSA, AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR : « Il n’y a ni deux récépissés ni deux CAMEG »


Depuis le 12 mai 2016, la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques et des consommables médicaux (CAMEG) traverse une crise inédite. Ce conflit oppose le  ministère de la Santé  au Conseil d’administration présidé par  Dr Bocar Kouyaté et au Directeur général de la CAMEG, Jean-Chrysostome Kadéba. En vue d’avoir l’appréciation de l’instance habilitée à représenter et défendre les intérêts de l’Etat devant les juridictions, nous avons rencontré, le 4 septembre 2016, celui-là même qui a défendu le dossier en faveur du ministère de la Santé, lors de l’audience du 25 août dernier.  Lamoussa Yao, ainsi s’appelle-t-il, est Agent judiciaire du Trésor. Dans l’interview qu’il nous a accordée, il nous donne sa lecture du verdict du Tribunal administratif de Ouagadougou.  Lisez !

 

« Le Pays » : Quelle est votre lecture de la crise en cours à la CAMEG ?

 

Lamoussa Yao : Avant tout propos, je voudrais vous dire merci à la fois pour la considération portée sur notre structure en venant nous voir et aussi pour l’opportunité que vous nous donnez de communiquer avec vos lecteurs sur un sujet d’actualité. Il faut aussi dire que l’Agence judiciaire du Trésor (AJT) est, de par la loi N°028-2007/AN portant statut de l’Agent judiciaire du Trésor du 22 novembre 2007, l’instance habilitée à représenter et défendre les intérêts de l’Etat devant les juridictions et instances arbitrales.

Depuis un certain temps, la CAMEG fait couler beaucoup d’encre et de salive. Mais ce n’est que tout récemment que nous avons suivi particulièrement les choses à partir de l’introduction de deux recours devant le Tribunal administratif de Ouagadougou. Ces recours ont été introduits par les sieurs Kouyaté Bocar et Kadéba Jean-Chrysostome à l’encontre des actes pris par le ministre de la Santé. Etant des actes administratifs pris au nom de l’Etat, la juridiction saisie a invité, le 18 août 2016, l’AJT à produire ses mémoires en défense.

A partir de cette invitation, l’AJT est entrée en contact avec le ministère de la Santé pour obtenir des informations et des pièces nécessaires pour la prise en charge du dossier. Des informations et pièces obtenues, il ressort que le fondement de la crise réside essentiellement dans l’exploitation des textes fondateurs (statuts et règlement intérieur).

Selon ces textes adoptés par l’Assemblée générale constitutive des membres fondateurs de la CAMEG en 1998, le mandat des administrateurs  est de deux ans renouvelables une fois (voir article 9).  Mais en 2000, une réunion du Conseil d’administration a décidé de porter le mandat à trois ans sans respecter les voies et les formes requises en la matière. Sur la base des textes originels de 1998, le Conseil d’administration a été renouvelé récemment et l’Etat a nommé ses représentants au sein du  Conseil d’administration en Conseil des ministres, conformément aux statuts et règlement intérieur. Ce nouveau Conseil a élu son président en la personne du Dr Konfé Salifou.

C’est ce renouvellement qui semble poser problème aux yeux des anciens administrateurs, notamment Kouyaté Bocar qui estime que le ministre de la Santé a anticipé la fin de son mandat.

 

Quelle est votre réaction suite aux verdicts du Tribunal administratif de Ouagadougou, relatifs à l’affaire qui oppose l’Etat (ministère de la Santé) au Dr Bocar Kouyaté et au Dr Jean-Chrysostome Kadéba ?

 

Concernant l’affaire Kadéba Jean-Chrysostome, le juge, dans sa décision, a constaté que le recours n’avait pas d’objet et cela au regard  de la correspondance en date du 25 août 2016 que le ministre de la Santé a adressée au PCA (nouveau) par laquelle il faisait savoir qu’il a rapporté sa décision qui mettait M. Kadéba sous intérim et du même coup, reconnaissait que c’est au PCA qu’il appartient de prendre les actes en ce qui concerne le DG. Pour nous, cette décision est claire.

Dans l’affaire de Kouyaté Bocar, deux actes étaient mis en cause : la correspondance du ministre de la Santé en date du 12 juillet 2016 et celle en date du 20 juin 2016.  Dans sa décision, le juge a déclaré la requête irrecevable en ce qui concerne la correspondance  du 12 juillet et recevable celle du 20 juin et a ordonné de surseoir à son exécution.

 

Que signifie donc cette décision ?

 

Cette décision ne remet pas en cause la qualité d’administrateur du Dr Konfé et celle des autres membres représentant l’Etat dans le Conseil d’administration de la CAMEG. En effet, ces administrateurs ont été nommés en Conseil des ministres, conformément aux statuts et au règlement intérieur de la CAMEG en vigueur. C’est donc de la décision  prise en Conseil des ministres que ces administrateurs détiennent leur qualité et non de la correspondance du ministre qui n’était qu’une simple lettre d’information adressée à la présidente du comité de supervision.

Au demeurant, le 29 août 2016, l’AJT a relevé appel de la décision ordonnant le sursis à exécution.

 

Pourquoi avez-vous relevé appel de la décision et quels sont les effets de l’appel ?

 

L’AJT a relevé appel de la décision pour des motifs qui tiennent en la forme et au fond de la décision. En la forme, la loi exige que pour qu’une requête aux fins de sursis à exécution soit recevable, elle doit être accompagnée d’une requête au fond et le tout notifié à la partie défenderesse. Or, l’AJT n’a reçu qu’une notification de la requête aux fins de sursis. Et malgré nos observations tendant à déclarer le recours irrecevable, le juge l’a plutôt déclaré recevable. Ce qui est assez étonnant !

Au fond, l’acte du ministre qui est remis en cause n’est qu’une simple correspondance d’information adressée à la présidente du comité de supervision. Elle n’a pas un caractère décisoire. Du reste, les conditions cumulatives requises selon la loi pour ordonner le sursis à exécution, ne sont pas réunies à savoir : l’urgence, le caractère difficilement réparable du préjudice résultant de l’exécution de l’acte querellé et l’illégalité probable dudit acte.

S’agissant des effets de l’appel, il faut dire que l’acte d’appel suspend l’exécution de la décision rendue. Donc, les effets de l’appel rendent sans effet la décision rendue. Ce qui veut dire  en l’espèce qu’en attendant la décision du juge d’appel qui est le Conseil d’Etat, le Docteur Kouyaté Bocar ne peut se prévaloir aucunement du jugement rendu le 25 août 2016.

 

Qu’en est-il du nouveau récépissé de déclaration d’existence de la CAMEG ? Pour certains, il s’agit d’une nouvelle CAMEG

 

Concernant cette question, il serait indiqué que vous preniez attache avec le service technique du ministère en charge des libertés publiques. D’ores et déjà, ce qu’il faut noter, c’est que le ministre en charge des libertés publiques a signé le récépissé de déclaration d’existence de la CAMEG, le 24 août 2016, avec pour principaux dirigeants, le Dr Konfé Salifou, PCA, et Mme Sawadogo Ruth, présidente du comité de supervision. Ce récépissé a été délivré conformément aux dispositions de la nouvelle loi N°04-2015/CNT du 20 octobre 2015. Il est clair qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle CAMEG. Il n’y a ni deux récépissés ni deux CAMEG, le récépissé du 24 août 2016 ayant rendu caduc celui de 1998.

 

Interview réalisée par Mamouda TANKOANO

 

 


Comments
  • L’affaire CAMEG a jeté le discrédit sur le ministre de la santé qui veut se mettre au dessus de la loi. Le ministre et ses soutiens politiques du MPP violent la loi de façon flagrante en ne respectant pas le sursis judiciaire ordonné contre les mesures dictatoriales du ministre de la santé pour l’accaparement de la gestion de la CAMEG à des fins personnelles par ses partisans. Pour parvenir à cette fin, tout est mis en œuvre pour tenter d’induire l’opinion publique en erreur pour insinuer que la décision de justice ne s’impose pas aux actes du ministre. Personne ne croit à cette manipulation des faits et l’agent judiciaire du trésor, monsieur Yao a eu toutes les difficultés pour défendre cette position anachronique à la télévision nationale (RTB).Il faisait l’avocat du diable malgré lui certainement, face à la pression des mains obscures qui veulent récupérer la CAMEG à cause de la masse d’argent de milliards qui transitent par le budget national et les appuis des partenaires techniques et financiers dans cette centrale d’achat de médicaments essentiels génériques. Ces partenaires sont déjà indignés par cette guéguerre entretenue par le ministre de la santé à des fins inavouées mais connues de tous. Il importe donc que le président du Faso use de ses pouvoirs régaliens pour mettre de l’ordre dans cette caverne d’Ali Baba en renvoyant dos à dos tous ceux qui sont impliqués dans cette querelle honteuse au détriment des malades. Pour ce faire, il convient de limoger le ministre de la santé, de limiter le contrat du DG qui était intérimaire à 1 an au lieu de 3 ans, ainsi que celui du conseil d’administration initial. Pendant ce temps, procéder si nécessaire, à des réformes au niveau de la CAMEG pour asseoir des organes dirigeants dans la sérénité et selon des critères de compétence y compris l’appel à candidatures pour le choix d’un nouveau DG. C’est la solution la mieux indiquée de jurisprudence car, le Chef de l’Etat ne doit pas se laisser inclure sur la liste des personnages sinistres qui veulent se mettre au dessus de la loi pour politiser l’administration publique à des fins personnelles. Le Premier ministre devra aussi faire preuve de fermeté dans sa volonté de lutter contre la corruption car l’affaire CAMEG est la face visible de l’iceberg pour des actes de corruption. Le Président de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption, Luc Marius Ibriga a déjà fait savoir par voie de presse qu’au regard de ses missions, le statut d’association ne sied pas à la CAMEG.

    8 septembre 2016
  • Les forums des internautes constituent des tribunes d’expression libre de citoyens. Si certains internautes bâtissent leurs argumentaires sur des faits objectifs, d’autres par contre visent des règlements de comptes injustes. Mais les lecteurs avisés qui ont le sens de l’analyse doivent pouvoir faire la part des choses pour se baser sur l’objectivité. Ainsi, je m’adresse à tous les forumistes aux arguments légers et malhonnêtes ,qui tentent injustement de diaboliser tous les citoyens non assujettis par les clans rivaux du MPP ,en le considérant comme des disciples du régime Compaoré dont ils souhaitent la marginalisation systématique .Ils doivent comprendre que les premiers et grands disciples du régime Compaoré qui ont profité du système pour s’enrichir et parvenir aujourd’hui au pouvoir par la manipulation et le dictat, sont bel et bien ces ténors du MPP. Donc s’il faille balayer les soient disant ex-collaborateurs du régime Compaoré,il faudrait commencer par ceux du MPP.

    8 septembre 2016

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