HomeOmbre et lumièreAXE OUAGADOUGOU-ABIDJAN : Des interprétations, des certitudes et des silences…

AXE OUAGADOUGOU-ABIDJAN : Des interprétations, des certitudes et des silences…


L’axe Ouagadougou-Abidjan se porte bien. C’est du moins ce qu’ont soutenu les présidents ivoirien et burkinabè, le 31 juillet dernier, au Palais présidentiel du Plateau, à Abidjan, la capitale ivoirienne, lors du point de presse qu’ils organisaient conjointement à l’occasion de la visite d’amitié et de travail de 48 heures, du président de la Transition, président du Faso, Michel Kafando, à son homologue ivoirien Alassane Dramane Ouattara. Cette visite a permis notamment de faire le point de la coopération entre les deux pays.

 

« Les relations de fraternité, d’amitié et de coopération entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, sont excellentes. » Le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, l’a martelé lors du point de presse qu’il a tenu avec son homologue burkinabè, le président de la Transition, président du Faso, Michel Kafando, au Palais présidentiel sis au Plateau, le 31 juillet 2015. C’était à l’issue de la séance de travail d’une heure environ, entre les deux chefs d’Etat, élargie à leurs délégations, à l’occasion de la visite d’amitié et de travail de 48 heures du président burkinabè en RCI, à l’invitation du chef de l’exécutif ivoirien. Excellentes ? Le président Michel Kafando n’en pense pas moins, lui qui a tenu à dire tout net : « Entre le président ADO et moi-même, il n’y a pas de problème. Entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, il n’y a pas de problème ». Tous ceux qui se plaisaient, glisse-t-il, à «interpréter le fait que le président n’est pas venu depuis longtemps en Côte d’Ivoire, comme étant un signe de difficultés ou d’incompréhensions », apprécieront. En tout cas, le président du Faso dit avoir eu l’occasion de rencontrer au moins trois fois, le président ivoirien depuis qu’il a reçu la lourde tâche de conduire la barque de la Transition. «Et toutes les trois fois, nous avons échangé, toutes les trois fois, nous avons partagé nos problèmes et toutes les trois fois, nous nous sommes séparés dans la bonne compréhension, dans l’amitié et la fraternité. Je le dis pour éviter les mauvaises interprétations qu’on peut entendre de part et d’autre». Quant aux principaux points de discussions lors de cette séance de travail, ils ont porté notamment sur la coopération bilatérale, les échanges commerciaux entre les deux pays, les préparatifs des élections dans les deux pays, la sécurité régionale et frontalière, la question du mont Péko, les travaux de prolongement de l’autoroute reliant Yamoussoukro à Ouagadougou et l’approvisionnement du Burkina en énergie électrique. A propos du calendrier électoral burkinabè, le président Michel Kafando s’est voulu on ne peut plus clair : « Pour la Transition, le programme reste et demeure». Et pour ceux qui auraient encore quelques doutes, Michel Kafando le dit sans crainte ni appréhensions : «Nous sommes prêts pour aller aux élections ».   D’autant que sur le terrain, les avancées sont notables : pour ces élections couplées (présidentielle et législatives) du 11 octobre prochain, le corps électoral a été convoqué, les candidats à la présidentielle se sont déjà fait connaître et au moment même où il tenait ces propos, l’étape du dépôt des candidatures pour les législatives, a-t-il relevé, était pratiquement terminée. Reste le défi de la crédibilité de ces élections et pour le relever, le président Michel Kafando ne voit pas d’autre solution : «Si nous voulons, comme notre voisin ivoirien – ADO dit tenir à une présidentielle transparente, démocratique et apaisée – et comme la communauté internationale nous l’a demandé, parvenir à des élections claires, transparentes et crédibles, nous avons tous intérêt à faire en sorte que la campagne électorale soit apaisée et civilisée. Il y a va de l’intérêt de tout le monde, que nous réussissions ces élections. ( …) Personnellement, je ne doute pas que nous puissions arriver à cette fin », a-t-il lancé aux journalistes.   Pour ces élections, les deux Etats entendent se soutenir mutuellement : « Nous sommes convenus de poursuivre nos actions en faveur du respect du calendrier électoral et de la tenue d’élections inclusives et apaisées, afin de préserver la paix dans nos deux pays, compte tenu des liens que j’ai évoqués tout à l’heure et de l’importance de la communauté burkinabè en Côte d’Ivoire », a indiqué le président ivoirien.   Sur les questions de sécurité régionale et frontalière, avec, en toile de fond, les récentes menaces parvenues du Mali aux frontières communes de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso,   les deux chefs d’Etat ont relevé que leur pays ont décidé de renforcer leur coopération en matière de renseignements. « Nous allons déployer nos forces de défense et de sécurité à nos frontières nord, pour éviter toute surprise », a ajouté le président ADO qui a insisté sur la nécessité, pour les deux Etats, de rester très vigilants. Réaction du président Michel Kadanfo à ce sujet : « L’insécurité sévit partout en Afrique de l’Ouest  et particulièrement depuis que Boko Haram a décidé de s’arrimer à l’Etat islamique. C’est une préoccupation pour tout le monde, et c’est pourquoi nous sommes convenus de mettre tous les moyens à notre disposition, au niveau des deux pays d’abord, ensuite avec les autres pays de la région, pour tenter de conjurer le mal. »

Quant à la situation dans le mont Péko, relative à des opérations de déguerpissement dont sont victimes des planteurs burkinabè installés dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, le président ivoirien affirme que « les discussions continuent et dans ce cadre d’ailleurs, une commission a été mise en place. Il reconnaît toutefois que « le statu quo crée des situations de tensions, que nous essayons d’apaiser au mieux. Mais ce qui est important, c’est de faire en sorte que la sécurité puisse prévaloir, et que la violence soit évitée ».

Toujours est-il que, foi de ADO, « tout sera mis en œuvre pour que le départ volontaire vers le Burkina se fasse vers la fin de l’année, et une fois que nous nous serons mis d’accord sur les modalités qui seront définies par la Commission conjointe mise en place à cet effet et qui a d’ailleurs eu le soutien du Haut-commissariat des réfugiés des Nations unies ». Quid des relations commerciales entre le Burkina et la Côte d’Ivoire ? Selon le dirigeant ivoirien, les échanges commerciaux se chiffraient en 2014, à 290 milliards de F CFA, faisant du Burkina, le 10e partenaire mondial commercial de la Côte d’Ivoire.

Ce dernier a saisi l’occasion pour remercier le président du Faso d’avoir dépêché récemment son Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, pour faire le point de la coopération entre les deux pays, symbolisée par le Traité d’amitié et de coopération (TAC) signé en 2008. Ce Traité se tient habituellement dans la dernière semaine du mois de juillet, mais a dû être, cette année, reporté du fait de contraintes liées à la préparation des élections dans les deux pays.

En tous les cas, les deux chefs d’Etat se félicitent de la coopération au plan bilatéral. La situation en Côte d’Ivoire s’est normalisée, le pays est en paix, la sécurité est revenue, la croissance économique est forte. Pour le président ivoirien, cette nouvelle donne ouvre de belles perspectives non seulement pour la Côte d’Ivoire, mais aussi pour le Burkina Faso et tous les pays voisins et plus largement pour les pays de l’UEMOA. Au total, les deux chefs d’Etat se réjouissent d’être parvenus à des échanges « fructueux et denses », pour reprendre les mots du président ivoirien qui pense que les deux pays continueront ensemble dans la paix et dans la confiance.   Ce dernier sait compter, en tout cas, sur son homologue burkinabè qui considère que la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, n’eût été le facteur colonial, « c’est un seul et même pays, un seul et même peuple », leurs relations étant si « imbriquées à travers beaucoup de considérations et de réalités historiques, sociologiques, familiales ». Le président ADO se réjouit de la détermination du président de la Transition et de celle du gouvernement, à renforcer ces liens séculaires.   Quant à l’hôte burkinabè, il a exprimé sa gratitude à «son frère », pour l’accueil chaleureux, la compréhension mutuelle et surtout le désir commun de faire avancer le développement en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso.

(La suite dans nos prochaines éditions).

Cheick Beldh’or SIGUE, de retour d’Abidjan

 

 LA COTE D’IVOIRE

ACCEPTERAIT-ELLE D’EXTRADER L’EX-PRESIDENT BLAISE COMPAORE ?

« Je préfère ne pas entrer dans ce débat », dixit ADO

 

– « Le problème Blaise Compaoré ne se pose pas au Burkina » pour autant que… » selon Michel Kafando

 

A la question de savoir si le cas de l’ex-président burkinabè, Blaise Compaoré, a été évoqué lors de la séance de travail entre les délégations burkinabè et ivoirienne, réaction des deux chefs d’Etat et ambiance… lors du point de presse.

Le cas Blaise Compaoré a-t-il été évoqué lors de votre séance de travail du 31 juillet, élargie aux deux délégations ministérielles ?

Alassane Dramane Ouattara : «Vous posez la question à qui ? Au président Kafando ? »

(Eclats de rire dans le hall où se tenait le point de presse).

Un autre journaliste reprend à peu près dans les mêmes termes, la même question.

Alassane Dramane Ouattara : « Ce n’est pas la première fois que le président Kafando et moi, nous nous rencontrons. Et nous avons évoqué, de temps à autre, la présence du président Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire, et nous considérons que ceci est tout à fait normal et qu’il n’y a pas lieu d’en faire un sujet, sauf un sujet de journaliste. »

Editions « Le Pays » : La Côte d’Ivoire serait-elle prête à extrader l’ancien président burkinabè si son pays en faisant la demande ?

ADO (visiblement très embarrassé) : «Je préfère ne pas entrer dans ce débat ».

Et Michel Kafando de voler à son secours :

«Sur la question, je voudrais dire ceci : « Je l’ai répété au président Ouattara lors de nos différentes entrevues. Le problème Blaise Compaoré ne se pose pas au Burkina Faso. Ce n’est pas une question qui nous dérange, pour autant que, de sa part, il n’y ait pas de velléités de déstabilisation, un désir de fomenter certaines actions qui puissent nuire à la transition. Mais, évidemment, s’il y a des poursuites (judiciaires à son encontre), c’est autre chose.

Propos recueillis à Abidjan par Cheick Beldh’or SIGUE

MICHEL KAFANDO, président du Faso : « L’année prochaine, nous devrions disposer d’une centrale solaire »

Depuis l’insurrection populaire d’octobre dernier, certains ont laissé entendre que la Côte d’Ivoire et le Burkina sont en froid. Votre venue en Côte d’Ivoire a-t-elle quelque part eu pour objectif de démentir ces rumeurs  ou pour dissiper des malentendus ?

Michel Kafando : J’ai moi aussi entendu parler de cela. Mais c’est tout à fait normal. Du moment que le président Blaise Compaoré a trouvé refuge en Côte d’Ivoire, l’interprétation populaire c’est que ça ne peut plus aller entre les deux pays. Mais j’ai toujours eu l’occasion de dire qu’entre la Côte d’Ivoire et le Burkina, les relations sont telles qu’elles dépassent les hommes. Les relations entre les peuples demeurent. Quelles que soient les interprétations des hommes politiques, ce n’est pas là le plus important. Ce qui est important, c’est véritablement les relations entre les deux pays, qui plongent leurs racines au plus profond de l’histoire. Nous avons des parents de part et d’autre des deux frontières. Nous avons une forte communauté burkinabè en Côte d’Ivoire (entre 3 millions 500 mille et 4 millions). Et nous appartenons à des organisations sous-régionales qui ont fait leurs preuves, comme le Conseil de l’Entente, l’UEMOA, la CEDEAO, etc. Dès les premiers moments, après que le président a trouvé refuge, nous cherchions à comprendre quelle serait l’attitude de la Côte d’Ivoire. Mais, franchement, je puis vous dire que les relations entre nos deux pays sont très bonnes. J’ai mis du temps à venir non pas parce qu’il y avait des problèmes, mais parce que je me disais que, de toute façon, s’agissant des deux pays, nous finirions par nous revoir car nous sommes liés par le Traité d’amitié et de Coopération (TAC) qui se tient chaque année au mois de juillet. Elle devait avoir encore lieu cette année, mais nous n’avons pas pu l’organiser, compte tenu des nombreuses urgences qui sont les nôtres. Nous avons donc préféré à plus tard l’organisation du TAC, en la confiant aux nouvelles autorités qui se mettront en place. Au total, il n’y a pas de problème dans les relations entre les autorités ivoiriennes et burkinabè, pas de problème entre les deux pays.

 

Le fait que le TAC n’aura pas lieu cette année, ne va-t-il pas impacter le déroulement des chantiers communs ?

Non, pas du tout. La Côte d’Ivoire a continué à travailler normalement. Certes, du fait de l’insurrection d’octobre dernier, la partie burkinabè n’a pas pu continuer. Mais ce n’est pas un problème. Les choses vont reprendre lorsque les nouvelles autorités, de nouveaux pouvoirs publics se mettront en place. Mais du reste, cette visite nous a permis de revisiter cette coopération très importante, notamment en ce qui concerne les infrastructures routières. Il y a, comme vous le savez, un projet important en matière d’autoroute qui ira de Yamoussoukro à Ouagadougou en passant par Bobo-Dioulasso. Nous en avons parlé lors de nos échanges. Du côté de la Côte d’Ivoire, les travaux ont commencé.   Bien sûr, d’autres aspects de la coopération ont été aussi abordés. Au total, il n’y aura pas de remise en cause sur tous ces aspects.

Avez-vous récemment eu des nouvelles de l’ex-président Blaise Compaoré  qu’on dit en ce moment souffrant ?

J’ai effectivement entendu dire que l’ancien président a été évacué pour cause de maladie au Maroc. C’est par la presse que j’ai appris qu’il a fait une chute et qu’il a été évacué dans le royaume chérifien.   Avec le président ivoirien, c’était une occasion pour moi, d’en savoir davantage. Il m’a précisé qu’effectivement, l’ancien président burkinabè a eu une chute qui a notamment occasionné une fracture du fémur. Il m’a informé qu’il se porte actuellement bien.

Vous avez profité de ce séjour abidjanais, pour visiter la Maison du Burkina en ce moment en chantier. Quelle appréciation faites-vous de ce projet ?

J’en ai une très bonne appréciation. Ce projet est d’une importance capitale non seulement pour le Burkina, mais aussi pour nos compatriotes vivant en Côte d’Ivoire. Puisque c’est un complexe qui va abriter notamment les locaux de l’ambassade, la résidence de l’ambassadeur, mais aussi permettre à certains Burkinabè, notamment des commerçants, de s’y installer. C’est un projet très utile. Je déplore seulement que ce soit maintenant qu’on commence cette construction. Car, le projet date d’une vingtaine d’années. Mais, pour beaucoup de raisons, on n’avait jamais pu le lancer. Les autorités de la Transition accordent une grande importance à cet ouvrage pour lequel, du reste, 10 milliards de F CFA y ont été injectés cette année. Si on arrive à avoir cette maison, cela résoudra beaucoup de problèmes, notamment les loyers de l’ambassade et des consulats. Vingt ans durant, les Burkinabè se sont cotisés pour la construction de cette maison. Je ne sais pas ce que cela a donné. Mais, en tous les cas, on n’aurait pas dû avoir de problème pour commencer la construction de cette Maison.  L’an passé, quand il s’agissait de commencer les travaux, il n’y avait rien qui avait été mobilisé comme fonds. Un nouvel appel de fonds a donc été fait. On ne s’est donc pas où est passé tout ce qui a été engrangé.

Vous vous êtes aussi rendu sur la plateforme de la Centrale thermique d’Azito. Qu’est-ce qui se présente comme perspectives pour le Burkina Faso ?

Selon la convention que nous avons signée avec les autorités ivoiriennes, notre pays devrait bénéficier de près de 50 mégawatts. Mais, la réalité est tout autre sur le terrain, car la Côte d’Ivoire dit avoir aussi des difficultés en termes de remplissage de ses barrages et en matière de demande. A propos des 50 mégawatts, c’est en fait fluctuant. Ce n’est pas ce qui nous est livré en ce moment. Mais il faut déjà remercier la Côte d’Ivoire de nous avoir aidés. Sans cette contribution, on aurait eu beaucoup de difficultés en termes de délestages. Toutefois, les Burkinabè doivent comprendre que les délestages ne sont pas seulement propres au Burkina. Je suis allé au sommet de la CEDEAO à Accra au Ghana. Figurez-vous que cela faisait trois jours que notre ambassade n’avait pas été fournie en électricité. Nous avons été obligés d’acheter trois groupes électrogènes, un pour la résidence de l’ambassadeur et un autre pour la chancellerie. Au Burkina, on n’a jamais passé trois jours sans électricité. C’est juste pour souligner que même les pays les plus nantis comme le Ghana, qui disposent de grandes infrastructures comme le barrage d’Akosombo, la Volta, ont des difficultés. Le problème est donc réel. Même s’il ne doit pas, pour autant, excuser les pouvoirs publics car il y a véritablement nécessité de faire un effort pour atteindre une certaine indépendance énergétique. L’année prochaine, en principe, nous devrions disposer d’une centrale solaire qui sera construite grâce à l’Union européenne et la France en particulier. Si nous en disposons, cela donnera l’élan vers une indépendance énergétique. En la matière, il vaut mieux travailler à être indépendant vis-à-vis des autres. C’est pourquoi Azito doit être considéré comme un exemple pour nous. »

Propos recueillis à Abidjan par Cheick Beldh’or SIGUE.

Pêle-mêle

* A sa descente d’avion, le président burkinabè Michel Kafando a été accueilli, le 31 juillet 2015 à l’aéroport Félix Houphouët Boigny, par son homologue ivoirien ainsi que son Premier ministre, Daniel Kablan Duncan. Il était environ 10h30 TU et la température était de 28 °c.

* Michel Kafando a pris un bain de foule à l’aéroport Félix Houphouët Boigny ; de nombreux ressortissants burkinabè vivant en Côte d’Ivoire, lui ont réservé un accueil chaleureux.


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