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CRISE POST- ELECTORALE EN COTE D’IVOIRE


Le 11 novembre dernier, le président Alassane Ouattara et le président du PDCI  (Parti démocratique de Côte d’Ivoire), Henri Konan Bédié, se sont rencontrés à Abidjan dans un Hôtel hautement symbolique pour les deux, pour se parler à l’effet de faire baisser la grave tension politique qui règne dans le pays depuis que l’enfant de Kong a choisi de renouveler pour la 3e fois, son bail au palais de Cocody. Tous les Ivoiriens et toutes les Ivoiriennes épris de paix avaient légitimement fondé leur espoir sur cette amorce de dialogue entreprise par les deux hommes. Cet espoir, peut-on dire, a         pris un coup le 20 novembre dernier. En effet, ce jour-là, Henri Konan Bédié a annoncé officiellement ceci : « J’ai suspendu ce dialogue, jusqu’à ce que nos frères soient libérés ». Et le Sphinx de Daoukro de préciser que ces libérations sont des « préalables non-négociables ». La grande question que l’on peut se poser, dès lors, est la suivante : Alassane Ouattara va-t-il accéder à cette exigence de l’opposition ? En tout cas, dans l’immédiat, on peut en douter. En effet, le président ivoirien n’a pas le couteau sur la gorge. Bien au contraire, il est plutôt dans une situation où sa marge de manœuvre est en train de s’élargir. Et pour cause : son  3e mandat ne pose pas de problème à la communauté internationale. Cette dernière a, en effet, reconnu sa victoire. Et la France, qui est le plus grand partenaire économique du pays, l’a officiellement félicité. Mieux, Emmanuel Macron s’est mué en un véritable avocat de Ouattara pour justifier son 3e mandat. Pour le grand chef des Blancs, en effet, c’est par « devoir » que le président ivoirien a brigué, pour la 3e fois, la présidentielle. Les choses sont claires. L’Elysée ne partage pas les vues de l’opposition ivoirienne. Au contraire, elle  reprend à son compte l’argumentaire de Ouattara. Et l’Elysée s’est vu obligée de faire le distinguo entre la Côte d’Ivoire et la Guinée. Si c’est le « devoir » qui a motivé Ouattara à se présenter, chez Alpha Condé, c’est la boulimie du pouvoir.

 

Bédié n’aura pas d’excuse s’il refuse de donner une chance à la paix en Côte d’Ivoire par le dialogue

 

ADO a donc officiellement un soutien de taille : celui de l’ancienne puissance coloniale. Et en Afrique, cela s’apparente à un soutien quasi divin. Et ce n’est pas tout. La France vient de déclarer Guillaume Soro persona non grata sur son territoire. Tout cela est pour rassurer « l’ami Ouattara ». A propos du même Guillaume Soro, un mandat d’arrêt international a été émis, le 16 novembre dernier, contre lui par la Justice ivoirienne « pour tentative d’atteinte à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national ». Et le procureur Richard Adou d’ajouter : « Des éléments en possession des services de renseignement, établissent clairement que le projet devait être mis en œuvre incessamment ». Les jours à venir risquent donc  d’être très difficiles pour Guillaume Soro. Pour autant, le mandat émis contre lui a peu de chance d’être exécuté. En contrepartie, il est probable qu’il soit exigé de Guillaume Soro, quel que soit le pays où il va déposer son baluchon, de s’abstenir de tenir des propos séditieux et subversifs contre le régime de Ouattara.  En rappel, le même Soro avait été l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par le Burkina. A l’époque, on se souvient, Alassane Ouattara et Roch Marc Christian Kaboré avaient réglé le problème par la « voie diplomatique ». Guilaume Soro, peut-on dire, est donc un habitué des mandats internationaux. Et cette fois-ci, il risque de le payer très cher.  Car, il est allé trop loin dans le bras de fer qui l’oppose à Ouattara, son ancien mentor. De ce point de vue, ce dernier peut difficilement se réconcilier avec lui. Le concernant, Alassane Ouattara ne parle  pas d’opposant mais de « fauteur de troubles ». Ce vocabulaire n’est pas innocent. Il est révélateur de la profondeur du fossé qui sépare les deux frères ennemis. Pour les autres, ADO peut faire preuve d’indulgence et de magnanimité. De ce fait, l’on pourra s’attendre à ce qu’il travaille dans les tout- prochains jours à libérer des personnalités comme Maurice Guikahué et Pascal Affi N’guessan. Il pourrait égaiement permettre à l’ancien président, Laurent Gbagbo, de regagner le bercail. Cela est d’autant plus vraisemblable que le « Christ de Mama » s’est inscrit dans une logique de sortie de crise par le dialogue. Et il a été bien inspiré d’avoir fait ce choix. Car, il n’y a pas d’autre alternative au dialogue pour une sortie de crise en Eburnie. C’est le dialogue ou le chaos. Maintenant où presque tout est accompli pour ADO, il doit faire preuve de dépassement de soi pour tendre davantage la main à ses opposants. Quant à Henri Konan Bédié, il  n’aura pas d’excuse s’il refuse de donner une chance à la paix en Côte d’Ivoire par le dialogue. En tout cas, la conférence  épiscopale de Côte d’Ivoire vient de demander à tous les acteurs politiques du pays, de privilégier le compromis. Et l’on attend de voir qui va prendre la responsabilité de dire qu’il n’a pas entendu l’appel des Hommes de Dieu.

 

Pousdem PICKOU


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