HomeA la uneDEFECTION D’UN DEPUTE DE LA MAJORITE EN RDC : Jean-Claude Muyamba fera-t-il des émules ?

DEFECTION D’UN DEPUTE DE LA MAJORITE EN RDC : Jean-Claude Muyamba fera-t-il des émules ?


Les rangs de l’opposition politique de la République démocratique du Congo (RDC)  viennent de grossir. En effet, face aux velléités de révision de la Constitution pour permettre à Joseph Kabila de briguer un autre mandat présidentiel en 2016, des voies discordantes se font entendre dans le camp présidentiel. C’est le cas du député Jean-Claude Muyamba qui a annoncé sa défection et sa décision de rejoindre les rangs de l’opposition. Le président de la Solidarité congolaise pour la démocratie et le développement dénonce l’absence de débats démocratiques au sein de la galaxie présidentielle et clame son opposition au maintien de Kabila au pouvoir, au-delà de la fin de son deuxième et dernier mandat légal, selon les termes des dispositions constitutionnelles en vigueur en RDC. La maison du président Joseph Kabila se lézarde donc.

De plus en plus, en Afrique, des hommes et femmes ont compris la nécessité d’une vraie démocratie

On ne peut s’empêcher de faire un lien entre cette défection et les récents événements survenus au pays des Hommes intègres. En effet, en se mettant debout pour venir à bout de leur dictateur, les Burkinabè ont certainement donné des idées et du courage à leurs frères des autres pays du continent où les rêves de pouvoir à vie habitent le sommeil des dirigeants. Le Bâtonnier Jean-Claude Muyamba a certainement été d’une manière ou d’une autre, inspiré et/ou encouragé par le précédent burkinabè. La décision du député Muyamba est un acte de courage à saluer. Le pouvoir en Afrique, comme on le sait, ce sont des avantages énormes, des privilèges. A contrario, faire le choix de militer dans l’opposition politique, c’est entamer une traversée du désert. Champagne et caviar pour ceux qui sont au pouvoir, vaches maigres et insomnies pour les opposants. Dans un tel contexte, faire défection, pour un membre de la majorité présidentielle, s’apparente à un suicide. Cela explique le peu d’empressement de bien des hommes politiques africains à s’assumer, même quand leurs convictions sont foulées au pied. C’est dire qu’il n’est pas facile pour les représentants du peuple, d’accepter de sacrifier leurs privilèges pour défendre la volonté de leurs mandataires.

Cette situation s’explique aussi par le fait que nombre de députés doivent ou sont convaincus qu’ils doivent quasiment tout au chef de l’Etat. Bien de ces représentants du peuple doivent leur élection à l’appareil du parti majoritaire qui va jusqu’à manœuvrer pour les imposer sur les listes, au grand dam des populations qu’ils sont censés représenter mais qui ne se reconnaissent pas vraiment en eux. Une fois élus dans ces conditions, ces parlementaires deviennent serviles et reconnaissants au chef de l’Etat, au point d’oublier qu’ils constituent eux-mêmes un pouvoir, un contre-pouvoir au pouvoir exécutif. En plus de ce sentiment de gratitude qui a pour conséquence le griotisme ambiant, certains élus sont trempés dans des affaires pas catholiques du tout. Bien entendu, cela réduit considérablement leurs marges de manœuvre en termes de liberté d’opinion, d’expression, de prises de position hardies vis-à-vis du pouvoir qui les tient par ces dossiers compromettants. Tout cela fait de certains députés sous nos tropiques, de véritables soumis incapables de s’autodéterminer par rapport à des questions d’intérêt national, obnubilés qu’ils sont par le sentiment de reconnaissance au « magnanime » chef de l’Etat, à sa famille et à son parti, ou par la crainte du courroux du chef.

C’est dire combien une défection du genre de ce qui vient de se passer au Congo, en dépit de la tentative du camp présidentiel de minimiser son importance, est loin d’être anodine. C’est certainement la preuve que de plus en plus, en Afrique, des hommes et femmes ont compris l’importance et la nécessité d’une vraie démocratie et n’hésitent pas à prendre des risques pour donner une chance réelle à la réalisation de l’alternance au sommet de l’Etat.

L’opposition politique au président Kabila a intérêt à s’organiser et à mutualiser ses forces

Comme c’est généralement le cas en Afrique en pareilles situations, Me Muyamba a certainement subi les pressions de certains de ses proches, lui déconseillant cette prise de position. Mais il a sans doute à cœur de bien rentrer dans l’histoire de son pays. C’est, en tout cas, tout à son honneur d’avoir osé rejoindre les rangs de l’opposition pour défendre une cause si noble. Reste à savoir si son exemple sera suivi par d’autres partisans de la majorité présidentielle de son pays. Il faut l’espérer voire le souhaiter, pour que la démocratie en RDC ait des chances réelles d’être sauvée, face à la boulimie du pouvoir de Joseph Kabila.

Toujours est-il qu’au regard des fortes aspirations des peuples africains à l’effectivité de l’Etat de droit démocratique, il est fort probable que l’histoire donne raison à Jean-Claude Muyamba. Pour venir à bout des tripatouilleurs de Constitutions en Afrique, l’union sacrée de toutes les entités opposées à de tels projets sordides est plus que nécessaire. Et les partis d’opposition ne doivent pas être en reste. Loin s’en faut. L’opposition politique en RDC doit donc réussir le pari de rester soudée, notamment en évitant que les débats autour de l’état de santé de l’opposant historique, Etienne Tchisékédi, et d’une éventuelle succession à la tête de son parti, en viennent à déteindre négativement sur la nécessité qu’elle se serre les coudes.

C’est unie que l’opposition politique en RDC sera un interlocuteur fiable pour les partenaires du pays, dont certains comme les Etats-Unis d’Amérique ne font pas mystère de leur opposition au maintien au pouvoir de Kabila, après la fin de son bail constitutionnel normal. C’est également en parlant d’une seule voix que l’opposition en RDC pourra se donner les moyens de se poser en contre-pouvoir véritable, capable de briser les chaînes de la peur et de réussir à gripper la machine tripatouilleuse de Constitution du camp présidentiel. L’union sacrée est enfin, pour l’opposition politique du pays de Lumumba, la condition sine qua non pour réaliser une jonction utile et performante avec les organisations de la société civile, pour un combat méthodique et en rangs serrés, seul à même de faire échec au funeste projet de Kabila fils. L’opposition politique au président Kabila a donc grand intérêt à s’organiser et à mutualiser ses forces ; ce d’autant plus que cela pourrait inspirer et encourager bien d’autres défections dans le camp présidentiel.

« Le Pays »


Comments
  • La photo qui illustre cet article est incongrue. Il s’agit de Moïse Katumbi, gouverneur du Katanga, et non Muyamba.
    Veuillez corriger, s’il vous plaît.

    23 novembre 2014
  • …et ce n’est pas Muyamba mais Muyambo.
    Merci

    23 novembre 2014

Leave A Comment