HomeA la uneENCADREMENT DU FAIT RELIGIEUX PAR L’ETAT NIGERIEN

ENCADREMENT DU FAIT RELIGIEUX PAR L’ETAT NIGERIEN


L’Etat veut encadrer les cultes au Niger. Pour cela, il cherche à se doter d’un cadre juridique relatif à la pratique du culte. A cet effet, un projet de loi y relatif devait être discuté au parlement, le 17 juin dernier, en vue de son adoption. L’objectif est d’avoir un meilleur « contrôle des pratiques qui ont cours dans la sphère religieuse », toutes confessions confondues. En termes plus clairs, la construction, par exemple, d’un lieu de culte, devra obligatoirement être soumise à une demande d’autorisation et une déclaration des sources de financement. Car, comme le soutient le gouvernement qui a adopté ledit projet en Conseil des ministres, en avril dernier, « si l’on n’y prend garde, le faible encadrement de l’Etat du fait religieux peut être source d’instabilité et d’insécurité dans un environnement sous-régional marqué par l’apparition d’organisations terroristes ».

Les autorités nigériennes ont été bien inspirées de chercher à mettre des garde-fous juridiques

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette décision de l’Etat nigérien, au-delà de son aspect préventif, est une décision responsable qui devrait inspirer les autres Etats de la sous-région qui souffrent de la faiblesse des textes en la matière ou même du vide juridique. Car, c’est le contexte qui l’exige. Et au-delà du fait de veiller « à l’exercice du culte, à la coexistence pacifique des religions, ainsi qu’à la promotion du dialogue au sein et entre les religions », il s’agit, pour l’Etat, de fixer « les conditions de création et de gestion des établissements d’éducation, de formation et d’animation des activités confessionnelles dans chaque religion ». C’est dire si les autorités nigériennes ont été bien inspirées de chercher à mettre des garde-fous juridiques dans un domaine aussi sensible, où l’on assiste de plus en plus à la montée en flèche de l’intégrisme religieux. Il n’y a qu’à voir l’intolérance des insurgés islamistes ou prétendus fous d’Allah, qui n’hésitent pas à verser inutilement le sang des innocents, y compris celui de leurs coreligionnaires, pour se convaincre de la réalité du péril islamiste si les cultes et autres pratiques ne sont pas convenablement encadrés. Et cela est de la responsabilité de l’Etat. Surtout s’il veut garantir l’égalité des religions devant la loi et préserver la paix et la cohésion sociales qui ont été encore mises à rude épreuve au Niger où une église a été incendiée le week-end dernier à Maradi, suite à une erreur de sermon d’un chef religieux musulman, qui a mis le feu aux poudres. Au Burkina, alors que les leaders religieux s’efforcent, depuis quelques années, à traduire le dialogue des religions en actes concrets sur le terrain, les récentes attaques terroristes contre des lieux de culte, viennent rappeler la délicatesse d’un sujet sensible qui devrait retenir toute l’attention des autorités qui ont le devoir de le traiter avec doigté. Au Nigeria, on ne compte plus le nombre de morts liés aux attaques de lieux de culte. C’est dire si dans un contexte sous-régional marqué par la récurrence des attaques terroristes sur fond de radicalisation ou de tentative d’opposition des religions, c’est une décision d’anticipation qui vaut son pesant d’or.

On ne peut pas faire le reproche au gouvernement nigérien de chercher à voir clair dans les sources de financement des organisations religieuses

Et quand on sait que le terrorisme se nourrit, entre autres, des revenus de la criminalité transnationale et de bien des sources de financement occultes à travers des fondations et autres courants religieux, l’on ne peut pas faire le reproche au gouvernement nigérien de chercher à voir clair dans les sources de financement des organisations religieuses qui bénéficient bien trop souvent de dons d’origines diverses. Reste maintenant à savoir si les acteurs religieux joueront le jeu de la transparence exigée, pour permettre une bonne traçabilité de leurs sources de financements. Quoi qu’il en soit, il appartient à l’Etat de se donner les moyens de contrôle nécessaires à une bonne application de la loi. Il lui appartient aussi d’exercer un droit de regard sur les messages véhiculés lors des prêches et autres sermons lors des offices religieux, pour se donner les moyens de parer à toute éventualité relativement aux éventuels messages de haine et de radicalisation qui pourraient y être délivrés.  En tout état de cause, au moment où la question de la tolérance religieuse et de la cohabitation pacifique des religions se pose avec acuité, l’on peut dire qu’avec l’adoption de cette loi, le Niger vient combler un vide juridique qui contribuera sans nul doute à renforcer son arsenal juridique. Et au delà, à corriger une insuffisance de la loi potentiellement préjudiciable par ces temps d’insécurité généralisée et de lutte contre le phénomène du terrorisme qui donne du fil à retordre à nos Etats. En cela, l’on peut dire que le pays de Mahamadou Issoufou est sur la bonne voie. Et les autres pays de la sous-région gagneraient à lui emboîter le pas, si ce n’est déjà fait.

« Le Pays »


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