HomeA la uneETIENNE TRAORE à propos du rapt du Roumain à Tambao :« Je soupçonne Moustafa Chaffi de chercher à nous déstabiliser pour plaire à son ami Blaise Compaoré »

ETIENNE TRAORE à propos du rapt du Roumain à Tambao :« Je soupçonne Moustafa Chaffi de chercher à nous déstabiliser pour plaire à son ami Blaise Compaoré »


L’homme qui était notre invité de la rédaction, le 7 avril 2015, jour où a eu lieu, dans la soirée, la révision du code électoral, est bien connu des Burkinabè. Enseignant de philosophie morale et politique à l’université de Ouagadougou, il n’hésite pas à donner son point de vue sur les sujets même brûlants, qui touchent à la vie de la nation. Etienne Traoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est l’actuel président intérimaire du Parti pour la démocratie et le socialisme /Parti des bâtisseurs (PDS/Metba), parti de feu Arba Diallo. Avec lui, nous avons abordé plusieurs sujets dont la vie de son parti, son regard sur la transition, la question des cautions à la présidentielle, le rapt du Roumain à Tambao et bien d’autres. Lisez plutôt !

 

« Le Pays » : Comment se porte votre parti, le PDS/Metba ?

 

Etienne Traoré : Nous avons subi un coup avec la disparition inattendue de notre président (NDLR : feu Arba Diallo). Cela laisse toujours des traces. Nous sommes en train de revenir à une situation normale et nous nous préparons activement pour notre congrès prévu pour les 2 et 3 mai prochains afin de régulariser les choses au niveau du bureau. Entre-temps, nous avons fait le tour du pays pour remettre en place nos propres structures de sorte qu’à l’issue du congrès, nous puissions redémarrer de façon normale.

Le PDS/Metba a-t-il un candidat pour l’élection présidentielle d’octobre prochain ? Si oui, qui est-il ?

 

C’est le congrès qui va déterminer celui qui sera le candidat, les critères pour l’être. Ce qu’on peut dire d’ores et déjà, c’est que nous serons bien présents aux deux élections pour battre campagne.

Quel commentaire faites-vous sur la candidature des militaires à l’élection présidentielle ?

 

Je pense que notre armée a perdu son caractère républicain depuis un certain temps. Il faut d’ailleurs dire que c’est surtout à partir de la Révolution que les militaires ont joué un certain rôle politique. L’Armée a été ainsi très politisée. Je pense que si on veut avoir une armée véritablement républicaine, il va falloir démilitariser le pouvoir et surtout dépolitiser l’Armée. Que les militaires se mettent au service de tous et non de façon partisane. Le cas le plus flagrant est celui du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui était devenu, entre-temps, presqu’un camp de tortionnaires au profit du pouvoir de Blaise Compaoré. Si on veut atteindre ces deux objectifs, c’est-à-dire démilitariser et dépolitiser l’Armée pour avoir une véritablement républicaine, il faudra dire aux militaires que celui qui veut faire la politique démissionne purement et simplement comme cela se fait ailleurs   et ce, de façon définitive. Parce que l’aller-retour est très dangereux. Quelqu’un qui se bat contre un civil pour être président, s’il perd, revient dans l’Armée et devient un chef, pensez-vous que ce dernier sera suffisamment loyal envers celui qui l’a battu ? Ce sont des questions qu’il faut se poser. Quand on choisit le métier des armes, il faut aller jusqu’au bout. Il ne faut pas mélanger les genres. Je suis hostile à toute candidature de militaires sauf si la personne démissionne. J’ajouterais d’ailleurs qu’il faudra un certain délai, un ou deux ans à l’avance.

Etes-vous pour la révision du code électoral ? (ndlr : l’interview a eu lieu quelques heures seulement avant l’adoption du Code)

 

Je suis pour cette révision parce que, tout simplement, il ne faudrait pas oublier d’où l’on vient. Nous avons fait une insurrection populaire qui est la source des différentes légitimités, source de la Charte dans laquelle il est bien dit que ceux qui se sont particulièrement illustrés dans la défense du référendum, de la modification de l’article 37, ne pouvaient être ni membres du Conseil national de la transition (CNT), ni candidats à la direction de la transition. Ces deux dispositions existent bel et bien dans la Charte qui interdit, pour le moment, à ces personnages d’être candidats à ces deux postes.

« Si on laisse nos camarades du CDP continuer, ils vont finir par dénoncer l’insurrection »

 

De mon point de vue, cela est une continuité. Maintenant, les autres l’ont mal compris et parlent d’exclusion alors qu’on parle également d’inclusion. Je rappelle que c’est dans les mêmes textes de la Charte qu’on parle d’une sorte d’inclusion sélective, puisqu’il y a un certain nombre de catégories de personnes qui ne peuvent être ni candidats à la présidentielle ni aux législatives. Si l’on regarde l’expérience qu’a entraînée l’inclusion avec la levée de la suspension des activités du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), on se dit que cette expérience n’a pas été une bonne chose. Au lieu de faire une inclusion constructive, ces camarades veulent une inclusion destructive, négationniste. A la limite, si on les laisse continuer, ils vont finir par dénoncer l’insurrection. A les écouter, Blaise Compaoré est un martyr, un grand homme pour qui il faut se battre afin qu’il revienne. En s’exprimant ainsi, ils crachent sur les martyrs, oublient ce qui s’est passé. Moi, j’appelle cela du négationnisme, et ce n’est pas acceptable.

Aussi, la Charte africaine sur la démocratie et les libertés dit de façon claire que les tripatouilleurs de Constitutions doivent être sanctionnés par une non-éligibilité pendant un certain temps. Nous avons signé cette Charte qui est au-dessus de nos propres lois. Si l’on doit aussi l’appliquer, l’inclusion sélective a tout son sens.

Que répondez-vous à Léonce Koné (du CDP) qui a dit sur une chaîne étrangère qu’écarter ceux ayant soutenu la modification de l’article 37 est anticonstitutionnel ?

 

Il n’a rien lu. La Constitution et la Charte disent la même chose. Il y a la disposition de l’inclusion qui permet à tous les partis d’aller aux élections. Mais dans cette inclusion, la responsabilité de ceux qui ne sont plus aux affaires est à la fois collective et individuelle. Celle collective incombe au parti. Mais il y a des responsabilités particulières et individuelles et Blaise Compaoré est le premier responsable. Il y en a d’autres qui sont peut-être au même niveau que lui en matière de responsabilité. Ils doivent comprendre que l’inclusion, dans la Charte, est prévue pour être sélective et c’est ce qui s’est passé. Ils jouent aux martyrs mais ils doivent savoir que les temps ont changé. Ils pleurnichent en comptant sur la communauté internationale alors que cette dernière nous accompagne dans cette inclusion sélective. Elle est informée de tout et il n’y a rien à redire sur cela.

Sur la même lancée, il a soutenu qu’en aucun cas ils n’ont violé la Constitution en appelant à la modification de l’article 37. Selon lui, ceux devant être sanctionnés sont plutôt ceux qui ont commis des actes répréhensibles.

 

Ils ont violé l’esprit et la lettre de la Constitution de 1991. Pour cela, je dis qu’il ment. Ils voulaient tripatouiller, violer la Constitution mais ils n’ont pas pu. La violation de la Constitution, c’est bel et bien ce qui s’est passé or, ce qui se passe aujourd’hui est conforme à la Charte. Nous, ici, appliquons la Charte qui sert de Constitution et qui dit de faire une inclusion sélective. Pendant qu’ils violaient la Constitution, nous étions en train de la respecter. Ce sont deux situations totalement différentes et il n’y a pas d’amalgame à faire.

Quelle est votre réaction par rapport à la candidature des anciens dignitaires de la IVe République ?

 

Nous respectons l’esprit et la lettre de la Charte qui autorise une inclusion sélective puisqu’on reconnait que les uns et les autres ne sont pas au même niveau de responsabilité. On a tenu compte des anciens dignitaires du régime déchu, ce dont on n’était pas obligé de faire. Je vous rappelle qu’au Mali, il y a eu le même type de manifestation pour chasser Moussa Traoré (NDLR : ancien président malien). Toutes les structures et son parti avaient été dissous. Ce qui ne s’est pas passé ici. C’est cela l’inclusion. Mais elle n’exclut pas les responsabilités individuelles, surtout que certains ont des comportements qui ne sont pas corrects.

« Pour la première fois, un mot d’ordre politique a été lancé dans une mosquée »

 

Un candidat qui utilise la religion pour parvenir à ses fins, cela est très négatif. Chez nous à Nouna, depuis quelques jours, c’est dans les mosquées qu’on invitait les gens à sortir ce matin (NDLR : le mardi 7 avril, jour du vote de la révision du code électoral) pour soutenir la candidature de Djibrill Bassolé ; ce qui est très dangereux. Il y a eu une marche pour fermer le marché, mais cela n’a pas abouti. Pour la première fois, un mot d’ordre politique a été lancé dans une mosquée. Cela est inadmissible. Une fois aussi, ce monsieur s’était rendu à la mosquée centrale de Ouagadougou où il avait été présenté en tant que El Hadj un tel. Ce sont des choses qu’on ne peut pas accepter. Au nom de la Constitution, on devait mettre la main sur ces gens. Cela est la première fois que dans notre pays, des appels se font dans une mosquée.

Justement, ne pensez-vous pas que la transition est quelque part responsable de cette tentative de retour sur la scène du CDP ?

 

Vous savez, l’inclusion a été faite à la demande des forces morales, religieuses et coutumières et aussi de la communauté internationale. Si on devait continuer le processus jusqu’à une révolution achevée, on ne devrait plus recourir aux anciennes institutions et réhabiliter tous ces gens. Mais cela a été fortement suggéré, presqu’imposé par les autorités religieuses, coutumières et la communauté internationale. Nous avons pensé que ces gens reviendraient pour qu’on construise réellement le pays mais, apparemment, ce n’est pas le cas. Leur patron, Blaise Compaoré, est toujours à la manœuvre. Pour le moment, cette manœuvre se fait de façon pacifique mais je vous dis qu’il y aura un autre niveau qui va venir. Les actes terroristes peuvent se multiplier dans notre pays et derrière cela, je soupçonne Moustafa Ould L. Chafi (NDLR : conseiller de Blaise Compaoré, expérimenté dans la libération des otages) qui est avec Blaise en Côte d’Ivoire. Il y a des réseaux touaregs qui sont prêts à le venger en commettant des actes terroristes. Il faut qu’on s’y attende de plus en plus. J’ai, à plusieurs reprises, demandé à la transition de saisir qui de droit pour que ce réfugié politique respecte son statut. Mais ce n’est pas le cas actuellement.

Parlant justement de la transition, quel regard portez-vous sur elle ?

 

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne répond pas suffisamment aux attentes des citoyens. Nos compatriotes étaient très attentifs sur deux sujets essentiels. Il y a d’abord la Justice. Beaucoup de personnes ont été victimes d’injustice. Concernant les dossiers sensibles qui avaient été déclarés réglés, nous sommes restés sur notre faim. Il est vrai qu’il y a eu les états généraux de la justice, qu’il y a eu la loi anticorruption, mais nous attendons de façon assez précise l’exécution de tout cela. La loi contre la corruption permet de saisir quelqu’un pour qu’il justifie ses biens, sans oublier que les procédures sont désormais raccourcies. Je crois que très bientôt, la transition va s’atteler à régler ce problème. L’autre problème, c’est le rapport avec l’ex-régime. Il y a toujours comme un péché originel. Les autorités ont laissé partir les anciens dignitaires sans inquiéter un seul. Cette situation laisse le doute quant à leur rupture réelle d’avec l’ancien régime. Et certains soupçonnent des membres de la transition d’être des hommes de Blaise Compaoré. D’une façon générale, l’insatisfaction est encore présente et je pense que les autorités en sont conscientes et qu’elles vont appliquer la loi dans toute sa rigueur et sans distinction aucune.

Qu’attendez-vous comme actions fortes de la transition ?

 

Prenons le dossier Thomas Sankara. Il a été dit qu’un juge d’instruction a été nommé mais, à ma connaissance, il n’a encore interrogé personne. Pareil pour le dossier Norbert Zongo. On ne sait pas ce qui a été fait. Ces dossiers peuvent rester ainsi jusqu’à la fin de la transition et ce ne serait pas bon. Il faut au moins un départ.

Ne pensez-vous pas qu’on demande trop souvent à cette transition ?

 

C’est en partie sa faute. Les autorités de la transition ont fait beaucoup de promesses, oubliant qu’elles avaient un an. Il est vrai qu’il y a une certaine impatience mais ce n’est pas mauvais en tant que tel. Il y a certes des gens de mauvaise foi qui agissent pour déstabiliser la transition et un agenda officiel qui est la Charte, appuyé par la communauté internationale. Cependant, il y a deux agendas contraires qui sont souterrains. Il y a ceux qui sont contre la transition et qui ne veulent pas la voir aboutir. Ces partisans sont prêts à créer une sorte d’insécurité dans le pays.

A qui pensez-vous ?

 

« C’est la première fois que je vois une somme de revendications en un temps record »

 

Aux militaires. Ils vont certainement, avec des forces extérieures, créer l’insécurité dans le pays pour faire croire que la transition est incapable d’assurer la sécurité des Burkinabè. J’ai entendu dans certains milieux, qu’il va falloir siffler la fin de la récréation. Il y a donc un courant putschiste. L’autre agenda contraire consiste à créer de façon forcée une sorte de colère populaire qui pourrait engendrer une autre insurrection. Des gens travaillent dans ce sens.

Qui sont ces gens ?

 

Je pense à certains milieux syndicaux qui font une sorte de surenchère revendicative pour amener vers une sorte de mécontentement qu’ils exploiteraient pour aboutir, selon eux, à la vraie révolution. Ce courant existe et je pense qu’il serait très naïf de ne pas y croire.

Pensez-vous donc comme Laurent Bado, (président d’honneur du parti PAREN) que le pire est devant nous ?

 

Je ne suis pas pessimiste, mais on va un peu dans le même sens. L’un des contre-agendas va faire multiplier des attentats éventuellement, et l’autre va créer un sentiment de mécontentement exagéré. C’est la première fois qu’on voit des syndicats demander des augmentations de 100%. N’est-ce pas là de la surenchère ? Des gens dont le salaire le plus bas dépasse celui d’un fonctionnaire A1 qui a fait au moins 10 ans de service, qui demandent des augmentations ! C’est aussi la première fois que je vois, du coup, une somme de revendications en un temps record. Ce qui n’a jamais été fait sous les 27 ans de règne de Blaise Compaoré. Ces gens cherchent quelque chose…

Pensez-vous, comme certains, que la transition travaille à refiler la patate chaude au futur gouvernement ?

 

Je ne pense pas que les autorités soient de mauvaise foi jusqu’à ce point. Je suis sûr qu’elles sont pressées de partir. Presque chaque jour, dans la presse, on les insulte ; ce qui n’est pas facile. Quand on croit qu’on fait de son mieux et qu’on ne vous comprend pas, cela décourage. Elles sont en tout cas pressées de partir.

Il est dit que les caisses de l’Etat sont vides parce que le régime déchu se serait enfui avec beaucoup d’argent. Qu’en pensez-vous ?

 

Il est évident qu’ils sont partis avec de l’argent. Maintenant, que les caisses soient vides, je ne le sais pas mais moi je perçois mon salaire. Si c’était le cas, peut-être qu’on ne serait pas payé. Ce qui est certain, c’est que nous vivons une situation de crise économique. Les gros investisseurs attendent un retour à la normale avant de venir. Idem pour les gros importateurs qui ont stocké leurs marchandises dans certains pays limitrophes (Togo, Ghana, etc.) en attendant de voir clair. Ce sont des situations réelles et j’ai fait le reproche aux autorités de la transition de ne suffisamment pas expliquer cela aux populations. Nous traversons une crise économique assez aiguë. La Banque mondiale nous demande aussi de faire des économies. Les caisses ne sont pas totalement vides, les comptes sont au rouge et il faut que les autorités expliquent cela afin que les uns et les autres comprennent qu’il y a des moments pour faire certaines revendications qui aboutiront et des moments où ces dernières ne peuvent aboutir. J’aurais souhaité qu’au niveau des syndicats, ils attendent et reprennent leurs revendications dans six mois puisqu’un autre pouvoir sera là. Il serait bon d’attendre de nouvelles autorités au lieu de demander à des gens dont les comptes sont au rouge, de donner de l’argent pendant que ceux-mêmes qui leur donnent disent qu’il faut serrer la ceinture.

Etes-vous pour les candidatures indépendantes ?

 

« Je pense qu’il aura d’autres rapts »

 

Je ne vois aucun problème à cela. Il faudrait qu’au niveau des élections, il y ait des listes de candidatures indépendantes. Nous ne sommes pas dans un scrutin nominal, mais un scrutin de listes. Par conséquent, ceux qui se disent indépendants doivent avoir leurs listes. Je disais en son temps que c’était dangereux pour la stabilité mais toute analyse faite, je pense que si on revient au scrutin de listes et qu’on le respecte, il n’y aura pas de problème. Chez nous, certains partis clandestins qui ne veulent pas s’afficher publiquement, préfèrent les candidatures indépendantes. Pour ne pas donner l’illusion que ces gens se prennent pour des foudres de guerre, il faut laisser s’exprimer les candidatures indépendantes. On verra qui est populaire et qui ne l’est pas.

Quelle lecture faites-vous après le rapt du Roumain à Tambao ?

 

Je pense qu’il y en aura d’autres. Je soupçonne le nommé Moustafa Ould Chafi qui dispose de réseaux touaregs, de chercher à nous déstabiliser pour plaire à son ami Blaise Compaoré qui joue actuellement à la politique du lépreux. Il ne peut pas traire la vache mais est prêt à renverser la calebasse. Il est tellement rancunier qu’il ne peut pas rester en Côte d’Ivoire et regarder le pays être gouverné sans lui. Il ne digère pas le fait que ses collaborateurs d’hier occupent sa place aujourd’hui. On serait vraiment très naïfs de croire que ce monsieur est assis là-bas sagement. C’est lui qui a les deux cordes en main : celle de la déstabilisation civile et celle militaire qu’il tire.

Le gouvernement a demandé, pour le dépôt des candidatures à la présidentielle, 50 000 000 de F CFA à chaque candidat. Quel est votre commentaire ?

 

Le fait d’augmenter la caution n’est pas une mauvaise chose. Cela permet d’avoir des candidats assez crédibles économiquement et socialement. Parce qu’il ne faut pas permettre que des gens viennent se servir de l’Etat comme d’une banque pour la mettre plus tard dans leur poche dans le but de sortir de leur pauvreté. Cette situation va aussi éviter que certains candidats fassent de mauvais calculs. Quand la caution était à 10 000 000 F CFA, des hommes politiques allaient prêter cette somme à des commerçants et lorsque l’Etat donnait les subventions pour les campagnes qui s’élevaient à 50 000 000 de F CFA, ils remboursaient l’argent du commerçant, prenaient 5 000 000 de FCFA pour battre campagne et le reste constituait, pour eux, un bénéfice net. La présidentielle était pour certains une sorte de placement d’argent. Il faut en finir avec cela. J’étais pour les 50 000 000 de F CFA car quel que soit le calcul que le candidat fera, il ne s’en sortira pas avec grand-chose. Si on retient 25 000 000 de F CFA et que le candidat reçoit 40 000 000 de F CFA au finish, il peut toujours s’en sortir avec au moins 10 000 000 de F CFA.

Que suscite en vous le retour au bercail de certains dignitaires de l’ex-régime ?

 

Ils reviennent tâter le terrain et repartent. Salif Kaboré (NDLR : ex-ministre en charge de l’énergie en ce moment déféré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), est revenu faire son meeting à Pouytenga et au moment où il s’apprêtait à partir, on lui a dit de rendre compte de la gestion de la SONABEL.

Que pensez-vous de l’arrestation de Salia Sanou ?

 

Je ne peux pas dire que c’est fait de façon arbitraire. C’est un monsieur qui bavarde beaucoup et peut avoir, à un moment donné, tenu des propos désobligeants. Si nous nous rendons compte que son arrestation a été faite de façon arbitraire, nous allons dénoncer cela. Personne, à moins d’être malhonnête, ne peut prendre Blaise Compaoré pour un martyr. Le faire, c’est cracher sur les 34 martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Aucun régime n’a accumulé autant de crimes économiques et politiques de cette nature comme celui de Blaise Compaoré.

Pensez-vous que le CDP peut reprendre le pouvoir au soir du 11 octobre prochain ?

 

Ça va m’étonner que ce soit le 11 octobre prochain. Peut-être que ce sera après deux autres élections. Si je prends le cas de chez nous, dans la Kossi, les militants CDP ont rejoint le MPP et le reste a rejoint le parti de Djibrill Bassolé. Si vous demandez chez nous qui est du CDP, vous aurez difficilement quelqu’un. Après avoir été déstructuré à ce point, je ne crois pas qu’en six mois, ce parti puisse s’organiser pour remporter les élections. Les caciques de l’ex-parti au pouvoir se présentent comme des martyrs, oubliant ce qu’ils ont fait subir au pays. Pour des gens qui ont reconnu avoir péché, ils devraient prendre le temps pour se repentir.

Ce sont eux qui ont le plus de moyens financiers et en face d’une population affamée, ne croyez-vous pas que cela peut les propulser au-devant de la scène politique ?

 

Il y a bien d’autres aussi qui ont les moyens comme eux. Le MPP et l’UPC ont aussi les moyens. Il ne faut pas surestimer cette histoire de moyens parce que ceux qui les ont sont hors du pays. C’est Blaise Compaoré et sa famille qui ont les grands moyens. Je crois d’ailleurs que le CNT va nous aider en interdisant les gadgets lors des campagnes. Cela va profiter aux partis n’ayant pas de sous et permettre d’accorder du crédit au discours des candidats.

Et à ce propos, je voudrais dire un mot sur les différents sondages qu’on voit dans la presse.

Nous avons un système culturel tel qu’on peut faire des sondages sur d’autres aspects. Quand il s’agit de le faire pour apprécier le niveau politique, il est valable quand l’individu est vraiment libre de son opinion et ainsi de suite. Or, chez nous, le vote est communautaire. Les gens se réunissent en famille et décident de voter pour un tel. Si fait que la liberté est entourée d’un certain nombre de paramètres. Il y a la famille, le village, la religion, l’ethnie, etc. Il n’y a pas de vote individuel ou individualiste comme en Occident. Là-bas, le sondage est valable parce qu’il n’y a pas tous ces paramètres, mais chez nous, c’est autre chose. Je veux surtout que nos compatriotes comprennent ce qu’est un sondage. Parce qu’au rythme où on va, des sondages vont faire que des votes seront contestés. Je suis donc très réservé en ce qui concerne les résultats des sondages.

Propos recueillis par la rédaction et retranscrits par Antoine BATTIONO et Colette DRABO


Comments
  • Il faudrait demander des comptes à l’ex ministre des finances, Lucien Bembamba et à l’ex Directeur Général du Tresor, Moumouni Gnankambary sur l’Etat des caisses de l’Etat au soir du 1er Novembre 2014 et les semaines qui ont suivi! Pour décaisser, il faut bien la signature de ces deux grands commis de l’Etat, l’un étant le beau frère et l’autre étant l’ancien DAF de la Présidence du Faso.

    15 avril 2015
  • Etienne, pourquoi tu t’acharnes tant dans les médias (télé, journaux…) contre les syndicats et les partis clandestins que tu ne nommes pas. Si c’est la CGT-B et ses alliées, la prochaine fois, il faut le dire clairement. Les partis clandestins, il n’y en pas beaucoup au Burkina. Moi j’en connais un seul : c’est le PCRV. Si c’est de lui qu’il s’agit, il faut également le nommer chaque fois que tu interviens dans les médias; comme ça, ses militants se reconnaîtront encore mieux et se défendrons à leur manière. Je cherche toujours à comprendre cet acharnement de Traoré Etienne contre les syndicats et le PCRV. Politiquement ça n’est pas payant pour toi, surtout lorsque tu t’attaques aux syndicats où peuvent se trouver des électeurs potentiels pour toi. N’oublie pas surtout que tu as travaillé avec ces gens dans le Collectif contre l’impunité au temps fort de l’Affaire Norbert ZONGO. Tu ne sais pas ce que demain sera fait dans la lutte de notre peuple pour son émancipation et son mieux-être. Puisque tu est toujours sur le terrain de la lutte, tu dois avoir un minimum de retenue lorsque tu parles de structures organisées qui mobilisent plus que toi. Bats-toi pour te faire élire Président du Faso ou député et laisse les Syndicats et les partis clandestins se battre aussi à leur manière. Parle comme tu veux, mais ceux que tu attaques à longueur de journées n’attendront pas ton autorisation pour se battre pour la satisfaction de leurs plates-formes revendicatives. Et moi j’attends le lendemain du 11 octobre 2015 pour savoir si tu es un foudre des élections ou pas.

    15 avril 2015
  • Professeur Etienne TRAORE, vous dites la vérité et sans injures! Vous suggerez juste aux syndicats (certains) de revoir leurs revendications à la baisse compte tenu de certains paramètres de l’heure. Quant à ceux qui ont la ferme intention de bruler le pays nous leur disons que le combat sera rude, pitoyable pour eux et ils risquent de se faire bruler dans leur propre feu. Quand on perd le pouvoir de la sorte la bienséance recommande de se terrer et de faire profil bas.

    17 avril 2015

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