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IBK A SOBANE KOU


Rentré d’urgence de Genève où il prenait part au centenaire de l’Organisation internationale du travail (OIT), le président malien, Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) s’est rendu, hier, 13 juin 2019, à Sobane-Kou où a eu lieu le massacre de 37 personnes, dans la nuit du 8 juin dernier. A l’occasion, le numéro un des Maliens était accompagné d’un prélat et d’un pasteur, étant donné que le village de Sobane-kou est réputé pour être majoritairement chrétien. Cela dit, au-delà du symbole que peut représenter cette présidentielle qui intervient en plein deuil national et après le limogeage du gouverneur de Mopti, une question demeure : pourquoi le gouvernement malien n’a-t-il pas pu anticiper les évènements alors que tout laissait croire qu’il existait des instincts revanchards après le massacre d’Ogossagou ?  De l’avis de nombreux observateurs, nul n’était besoin d’être rompu à l’interprétation des arabesques des marabouts maliens, pour prévoir ce qui est arrivé.

Il faut craindre que le sentiment d’impunité n’installe durablement le Mali dans la spirale de la vendetta

La situation était telle qu’il fallait surveiller la région comme du lait sur le feu, pour parer à toute éventualité ; chose qui, malheureusement, ne semble pas avoir été faite. Le risque était d’autant plus grand que le massacre d’Ogossagou semblait avoir bénéficié d’une totale impunité. Et voilà donc ce nouveau drame qui vient apporter de l’eau au moulin de tous ceux qui critiquent la gouvernance sécuritaire au Mali, avec une armée qui fait plus dans la défensive. L’autre question que l’on peut se poser et pas la moindre, est la suivante : pourquoi, pendant les 8 heures qu’ont duré les massacres (de 17h à 1h), ni l’armée malienne, ni les troupes de l’opération Barkhane, ni celles de la MINUSMA, ni celles du G5 n’ont-elles pu réagir ?  La question est d’autant plus à propos qu’avec les technologies de la communication, l’information est quasi instantanée. Faute de pouvoir répondre à ces questions, l’on ne peut que se laisser emporter par le sentiment que tout s’est passé comme si l’on a laissé faire. Certes, le gouvernement, comme dans pareilles circonstances, a promis de retrouver les coupables mais tout porte à croire qu’il ne s’agit là que de déclarations destinées à se donner bonne conscience et à contenir la colère de tous ceux qui sont révoltés par ces tueries en séries au Mali. Ce qu’il faut craindre, c’est que ce sentiment d’impunité n’installe durablement le Mali dans la spirale de la vendetta ; toute chose qui fera l’affaire des terroristes qui n’en demandaient pas mieux. L’autre grande crainte, c’est l’effet-contagion que ces conflits communautaires au Mali peuvent engendrer dans toute la sous-région où bien des pays partagent, à quelques différences près, les mêmes communautés ethniques. Mais au-delà des larmes de crocodile, le gouvernement malien doit se poser les bonnes questions sur sa politique sécuritaire.

Il est temps que les leaders communautaires et religieux s’engagent aux côtés de l’Etat

Car ce qui est aujourd’hui en jeu, ce sont les fondements et l’existence même de la Nation. En tout cas, le gouvernement, en effet, n’est pas exempt de tout reproche dans la dérive communautaire que connaît le Mali. En effet, en plus de l’impunité qui a jusque-là couvert les massacres communautaires qui se sont succédé au Mali, le pouvoir est accusé d’avoir créé et armé des milices d’autodéfense dont l’action met aujourd’hui à mal la cohésion sociale. Cela dit, IBK, tout petit-fils du légendaire Soundjata Kéita qu’il soit, ne peut, à lui seul, arrêter la descente annoncée aux enfers du Mali du fait du péril communautaire. Il est temps que les leaders communautaires et religieux s’engagent aux côtés de l’Etat pour freiner cette course folle vers l’abîme. Au Mali, tout comme partout dans la sous-région aujourd’hui dans la tourmente, il a existé et existe des valeurs qui fondent le vivre-ensemble et dont les autorités coutumières et religieuses en sont les garantes. Rien qu’à penser à la Charte de Kouroukan Fougan qui, autrefois, a été à l’origine de l’harmonie entre la mosaïque des peuples du Mandé ou à la parenté à plaisanterie qui lie de nombreux groupes ethniques et couches sociales par des alliances pacifiques qui tournent à la dérision les rapports violents dans la société, l’on ne peut douter du rôle, ô combien important, des leaders communautaires.

«  Le Pays »


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