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LEGISLATIVES TUNISIENNES


Au lendemain des législatives du 6 octobre dernier en Tunisie, les premières tendances donnent Ennahdha, le parti d’inspiration islamiste, et Qalb Tounès, le parti du candidat-prisonnier, Nabil Karoui, en tête. En effet, en attendant les résultats préliminaires de l’instance électorale, l’ISIE, prévus pour demain 9 octobre, sur les 217 sièges à pourvoir, les islamistes de Ennahdha qui dominaient déjà le précédent parlement, pointaient en tête avec une quarantaine de députés. Juste devant le parti du candidat et magnat des médias emprisonné, Nabil Karoui, qui faisait une entrée fracassante au parlement avec plus d’une trentaine d’élus. Tous les deux, loin devant Tahya Tounès du Premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle, Youssef Chahed, qui était au coude à coude (17 sièges chacun) avec le parti Karama de l’avocat islamiste Seifeddine Makhlouf.

 

La formation du gouvernement devrait échoir au parti Ennahdha

 

Le Parti destourien libre et le Courant démocratique se tenaient aussi à la culotte avec 14 sièges chacun, la quatre-vingtaine de sièges restants revenant à la pléthore de candidats indépendants. Si aucun parti n’a la majorité qualifiée de 109 voix pour former seul son gouvernement, la formation de ce dernier devrait échoir au parti Ennahdha si sa première place se confirmait,  quitte à lui de ratisser large dans la famille des islamo-conservateurs pour pouvoir former son équipe. Et c’est, selon toute vraisemblance, vers un tel attelage que l’on s’achemine. D’autant plus qu’à l’issue du premier tour de la présidentielle du 15 septembre dernier, le parti islamiste qui présentait pour la première fois un candidat qui a, du reste, été battu, avait clairement appelé à voter le candidat indépendant et conservateur Kaïs Saïed.  Cet enseignant de droit constitutionnel avait remporté le premier round  devant Nabil Karoui, le candidat de Qalb Tounès, qui s’était aussi qualifié pour le second tour, malgré ses ennuis judiciaires qui l’ont conduit en prison, à la veille de la tenue du scrutin. Et en cas de report des voix des différents candidats du premier tour qui se sont déclarés en sa faveur, Kaïs Saïed devrait pouvoir tirer son épingle du jeu devant son challenger dont la détention préventive pourrait se révéler aussi handicapante que décisive dans le verdict final des urnes.  C’est dire si au regard des tendances de ces élections législatives, l’on s’achemine vers une Tunisie battant pavillon islamo-conservateur. Surtout si la victoire de Kaïs Saïed au second tour d’une présidentielle qui, aux yeux de nombreux observateurs,  lui tend déjà les bras, venait à se confirmer le 13 octobre prochain. Mais on n’en est pas encore là, puisqu’avec les résultats qui sont les siens, Qalb Tounès peut tout aussi bien espérer gouverner le pays si ce parti arrive à se former une majorité au Parlement, par le jeu des alliances dont les tractations ont déjà commencé. En outre, rien ne dit que l’embastillement de son candidat à la veille de la présidentielle, qui en fait une victime aux yeux de nombreux électeurs, ne lui sera pas finalement profitable dans les urnes, pour lui permettre d’être le prochain locataire du palais de Carthage. C’est dire si les jeux restent encore ouverts en Tunisie où l’on est visiblement en train d’assister à une redistribution des cartes dans le landerneau politique, avec le rejet des anciennes élites dirigeantes qui se traduit non seulement par le vote antisystème du premier tour de la présidentielle, mais aussi par cette recomposition en perspective de l’hémicycle qui verra aussi l’arrivée de nouvelles figures.

 

La Tunisie n’est pas encore sortie de l’auberge

 

C’est donc une situation inédite de cohabitation que le pays s’apprête à expérimenter. Pour le meilleur ou pour le pire ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. En attendant, si ce vote semble marquer une certaine rupture avec le passé, le taux d’abstention qui se traduit aussi par la faiblesse du taux de participation (41,3%),  est non seulement symptomatique de la désaffection des Tunisiens par rapport à la traditionnelle classe politique, mais a aussi pu avoir un effet trompeur sur la notoriété du parti islamiste qui, malgré le fait de s’en sortir avec le plus grand nombre de députés, est plutôt en net recul par rapport à la précédente législature où il n’était pas loin des 70 députés. D’un autre côté la percée des candidats indépendants pourrait tout aussi bien être lue comme la manifestation du manque de confiance des Tunisiens dans les partis politiques qui brillent très souvent par la non tenue de leurs promesses. Et ces candidats indépendants auraient pu constituer la première force politique du pays s’ils constituaient un bloc monolithique. Mais la divergence de leurs aspirations, en plus de complexifier les tractations pour la formation d’une majorité au parlement, risque de rendre encore plus aléatoire la formation du nouveau gouvernement qui devra, dans les deux mois, passer par un vote majoritaire de la nouvelle Assemblée. C’est dire si la Tunisie n’est pas encore sortie de l’auberge. D’autant plus que si dans quatre mois aucun gouvernement n’est approuvé, l’on pourrait s’acheminer vers la convocation de nouvelles élections. C’est pourquoi il faut craindre que la soif de changement des Tunisiens qui ne s’est pas traduite par une forte mobilisation des électeurs dans les bureaux de vote, ne conduise à des lendemains encore plus incertains. Cela dit, il appartient aux partis politiques de redresser la barre et de se montrer à la hauteur de l’histoire. Car, tout porte à croire que plus que tout autre considération, c’est  l’offre politique jusque là servie aux populations, qui ne convient pas à leurs aspirations.

« Le Pays »

 

 


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