HomeBaromètrePROCES DU PUTSCH MANQUE : « Le silence coupable du Conseil supérieur de la magistrature »

PROCES DU PUTSCH MANQUE : « Le silence coupable du Conseil supérieur de la magistrature »


 

L’auteur du point de vue ci-dessous dit ne pas comprendre le silence du Conseil supérieur de la magistrature face à ce qu’il considère comme une « forfaiture » dans le cadre du putsch manqué. Pour lui, « s’il y a un coupable à désigner, ce ne sont certainement pas les avocats de la défense comme voudraient le faire croire ceux de la partie civile, mais plutôt le gouvernement ». Lisez plutôt !

 

S’il y a un évènement qui fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps, c’est bien le procès du coup d’Etat manqué perpétré par certains éléments de l’ex-RSP en mi-septembre 2015. Le fait majeur dans ce procès, c’est évidemment le grippage de la machine de jugement à son démarrage, provoquant du coup des débats inutiles qui ne devraient vraiment pas avoir leur raison d’être à ce stade du processus. Il s’agit bien évidemment des préliminaires soulevés à juste titre par les avocats de la défense qui veulent s’assurer quelques garanties avant de dérouler les débats. Ces garanties sont, entres autres, la nécessaire impartialité du tribunal qui sera le signe que les inculpés auront droit à un procès équitable et transparent.S’il y a bien un coupable à désigner, ce ne sont certainement pas les avocats de la défense comme voudraient le faire croire ceux de la partie civile, mais le Gouvernement du Burkina Faso (avec la complicité silencieuse du Conseil supérieur de la magistrature ). Au regard du caractère spécifique du tribunal militaire, certains membres de l’Exécutif, en l’occurrence le Président du Faso (qui fut entre-temps ministre de la Défense), le ministre de la Défense et celui de la Justice vont s’investir de sorte à s’assurer la condamnation de leur adversaires politiques inculpés à tort ou à raison dans ce dossier. Pour s’en convaincre, le cas emblématique du dossier Bassolé suffit pour illustrer cette obstination aveugle qui a conduit à cette impasse.On se souvient encore que le 26 novembre 2015, le tribunal militaire, sur instruction du ministre de la Défense en la personne de Roch Marc Christian Kaboré, a rendu une ordonnance de rejet de constitution des avocats étrangers de monsieur Bassolé en violation des accords internationaux en matière de défense. Il a fallu que la Cour de justice de la CEDEAO et le Conseil constitutionnel donnent de la voix pour que le tribunal militaire le rétablisse dans son droit.L’autre fait qui mérite également d’être souligné, c’est bien la saisine du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire par les avocats du Général Bassolé pour dénoncer le caractère arbitraire de sa privation de liberté. Après investigation, le Conseil des droits de l’homme avait conclu, à travers l’avis 39/2017 (Burkina Faso), que la détention de monsieur Bassolé est arbitraire et exigeait sa libération immédiate. Mieux, le groupe de travail recommandait au Gouvernement burkinabè de modifier sa législation ou sa pratique afin de les rendre conformes aux obligations mises à sa charge par le droit international.Ce qu’il faut préciser, c’est que le Gouvernement du Burkina Faso ne s’est pas plié aux injonctions des Nations unies puisque Djibrill Bassolé n’a pas été libéré et pire, il va procéder à la révision du Code de justice militaire en juillet 2017 de la manière la plus liberticide et la plus inconstitutionnelle possible. Pour s’en convaincre, il suffit de faire référence au paragraphe 4 de l’article 18 de ce Code qui dispose que : « Tous les membres du tribunal militaire sont nommés par décret pris en Conseil des ministres ». C’est sur cette base inconstitutionnelle que le président de la Chambre de première instance a été nommé par décret qui a été contesté le 27 février dernier, lors de l’ouverture du procès du coup d’Etat manqué. Cette disposition du Code de justice est inconstitutionnelle, car elle outrepasse les prérogatives constitutionnelles du Conseil supérieur de la magistrature, principalement l’article 134 qui dispose que : « Le Conseil supérieur de la magistrature décide des nominations et des affectations des magistrats », et du premier paragraphe de l’article 131 qui dispose que « Le Président du Faso est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire ».En prenant le décret pour nommer des magistrats au tribunal militaire, le Président Kaboré a doublement violé notre loi fondamentale. Primo, il se substitue au Conseil supérieur de la magistrature et s’arroge ses prérogatives et, secundo, il cesse d’être le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Cet acte qui met à mal la bonne administration de la justice et l’indépendance du pouvoir judiciaire, constitue une trahison du pacte pour le renouveau de la Justice et un coup dur porté à l’ancrage de notre démocratie. Il est dans ce sens inadmissible de cautionner de tels agissements et le Conseil supérieur de la magistrature est vaillamment interpelé pour reprendre ses pouvoirs et s’assumer en conséquence. Ce silence coupable ne saurait être la solution à privilégier !!!

KAM Olivier

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Secrétaire National chargé des élèves et étudiants de la NAFA


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