HomeA la uneRAM OUEDRAOGO, président du RDEB: « J’ai été ministre d’Etat et j’ai les dossiers de tout le monde »

RAM OUEDRAOGO, président du RDEB: « J’ai été ministre d’Etat et j’ai les dossiers de tout le monde »


Revenu au pays en 1984, à la faveur de la révolution qui rebaptisera la Haute-Volta “Burkina Faso”, Ram Ouédraogo a été tour à tour comptable, détective privé, journaliste et surtout promoteur de spectacles. Une trajectoire originale dans laquelle il affirme avoir puisé son expérience politique. A cet effet, il est sur la scène politique burkinabè depuis 1991. Père fondateur du premier parti écologiste burkinabè, l’Union des verts du Burkina (UVDB), Ram Ouédraogo devint en 1999, ministre d’Etat puis député en 2002, avant de créer un nouveau parti, le Rassemblement des écologistes du Burkina (RDEB) en 2005. Il se réjouit aujourd’hui d’être le seul homme politique à avoir affronté deux fois  Blaise Compaoré dans un combat pour la magistrature suprême. Auteur du livre «Ma part de bilan » paru en 2010, membre fondateur des partis écologistes d’Afrique et membre du Réseau écologiste mondial, le vert Ouédraogo a ainsi du mal à faire valoir l’originalité de son programme. Certains le présentent même comme un « faire-valoir de Blaise Compaoré ». Invité à la rédaction des Editions « Le Pays » le 27 mai 2014, le détective, promoteur de spectacles, puis écolo, Ram Ouédraogo, s’est prêté aux questions des journalistes. Sur les questions brûlantes de l’actualité politique burkinabè, il dit être pour le référendum mais contre la modification de l’article 37. Lisez !

Le Pays : Comment se porte le parti des écologistes ?

Ram Ouédraogo : Les écologistes se portent très bien. Nous avons un chronogramme d’activités depuis le début de cette année 2014. Il s’agissait pour nous de consolider nos bases à l’intérieur et à l’extérieur du pays. A l’intérieur du pays, nous avons déjà parcouru 75% des provinces. Il nous reste à parcourir le Centre-nord et le Sahel. D’ailleurs, nous nous rendrons à Bobo-Dioulasso le 7 juin prochain (ndlr : l’interview a eu lieu le 27 mai), pour un séminaire de formation à l’intention de nos cadres et militants des régions des Hauts-Bassins, des Cascades et de la Boucle du Mouhoun. Concernant l’extérieur, nous avons mis en place nos coordinations respectivement au Niger le 30 mars dernier et en Côte d’ivoire, le 21 avril dernier. A partir du 17 juin prochain, nous serons en Océanie, plus précisément à Madagascar, dans le cadre du congrès de tous les écologistes d’Afrique. En fin d’année, nous serons en Europe pour rencontrer nos compatriotes qui y vivent. Donc, je puis vous dire que tout avance pour le parti.

Dites-nous clairement : Ram est-il de l’opposition ou de la majorité présidentielle ?

C’est une insulte parce qu’on revient toujours sur les mêmes choses. L’opposition c’est quoi ? Les textes sont clairs. Ils stipulent que tout parti qui est de l’opposition doit écrire au ministère de l’Administration territoriale et de la sécurité (MATS) pour situer sa position. Puis, il le publie dans la presse. Voilà la nouvelle méthode de la loi et nous l’avons suivie. Alors, dites-moi ce que c’est qu’un opposant. Je l’ai expliqué plusieurs fois. Nous faisons partie de ceux qui prônent l’éthique et la morale. Au Burkina Faso, pour être élu, c’est simple. Il faut choisir les méthodes et ces méthodes sont la corruption, l’achat des consciences. C’est utiliser les voies anti-démocratiques. Je vous rappelle que lors des travaux du Conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP) en décembre 2001, nous avons fait partie de ceux qui ont proposé de supprimer définitivement tous les objets de la corruption c’est-à-dire interdire les méthodes de la distribution des casquettes, de tee-shirts, etc., pour se faire élire. Mais les gens nous ont fait savoir que c’est la tradition aujourd’hui. Il faut donner des cadeaux et distribuer de l’argent pour être élu. Aux élections couplées de 2012, nous faisions partie de ceux-là qui avaient un programme bien établi. Ce programme, nous avons passé le temps à le présenter au cours de nos meetings. Nous avons même refusé de confectionner des tee-shirts et des casquettes pour nos militants. Lorsque vous jetez, de nos jours, un regard sur la configuration politique, ceux qui sont majoritaires sont ceux-là mêmes qui ont utilisé ces mêmes méthodes. Prenez l’exemple du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et de l’ADF-RDA. Nous pouvons aussi le faire mais nous estimons que ce n’est pas la meilleure voie. En 1991, j’étais le seul candidat qui a parcouru les rues et « yaars » de Ouagadougou pour battre ma campagne.

« Je suis contre toute modification de l’article 37 mais je ne suis pas contre le référendum »

De nos jours, la démocratie consiste à aller vers le peuple et connaître ses aspirations afin d’établir un programme qui réponde à ses attentes. Vous ne pouvez pas être au gouvernement, et de surcroît à un poste élevé, et perdre les élections. A notre niveau, c’est ce que nous avons condamné fermement. Depuis lors, nous n’avons plus été appelés au gouvernement.

Au-delà de cette corruption que vous condamnez, n’estimez-vous pas que c’est votre position qui amène le peuple à ne pas vous accorder ses voix?

Non ! Je ne suis pas d’accord avec cette vision des choses. Si vous prenez l’ADF-RDA, pouvez-vous aujourd’hui me donner sa position exacte ? Ce parti n’a pas plus de lisibilité que le nôtre. Tantôt il prend des positions du côté de la majorité présidentielle, tantôt il prend des positions qui semblent aux antipodes de celle-ci. Mais, est-ce que ce parti n’engrange pas de suffrages aux élections ? Depuis 1991, les Verts n’ont jamais dévié de leur chemin. « C’est celui qui veut voir ce qu’il veut voir qui ne voit pas très bien ». J’ai été le premier candidat qui a déclaré sa candidature en 1991. Suite au mot d’ordre de l’opposition, nous avons retiré notre candidature par solidarité.

Est-ce que cela prouve que vous êtes de l’opposition ou que vous aspirez au pouvoir ?

Cela fait 21 ans que je me bats pour être président du Faso. Je ne suis pas venu au Burkina pour faire une balade parce que j’avais un métier très agréable et ceux qui me connaissent peuvent en témoigner. J’ai même publié mon livre (NDLR : Ma part de bilan) dans lequel je parle de mes rencontres avec les grands de ce monde, sans oublier mes voyages. Croyez-vous que ce petit Burkina, où il y a plein de poussière, moi, Ram, je peux venir m’asseoir dire que je veux être député ou ministre ? Mais non ! Je suis venu car j’ai des idées. Je pense que mes idées peuvent apporter quelque chose à l’émergence de ce pays. Je défends des idées écologistes et je veux promouvoir ces idéaux au Burkina. J’ai beaucoup voyagé et j’ai beaucoup vu. Ceux qui ne veulent pas le pouvoir sont de la mouvance présidentielle parce qu’ils veulent pour l’instant accompagner le pouvoir. Par contre, je n’ai jamais été de la mouvance présidentielle et je n’ai jamais été de la majorité présidentielle. Qui peut me donner des leçons de l’opposition ? Personne. Permettez-moi de faire une rétrospective sur l’histoire de l’opposition. Ceux qui parlent peuvent-ils me citer les noms de ceux qui ont été à la base des réformes politiques de 2000 ? J’étais là, modestement, comme ministre d’Etat chargé de la Réconciliation et des Réformes politiques. Le statut de l’opposition, le financement public, le mode de scrutin : « le plus fort reste », c’est nous qui l’avons opéré en 2000. Alors, ceux qui se réclament aujourd’hui de vrais opposants et qui vilipendent les autres, je suis tenté de leur dire : « quand vous êtes en bas d’un manguier et qu’une mangue tombe, si vous la prenez pour la manger, dites merci au grand vent qui l’a fait tomber ». Je fais cette anecdote parce qu’au moment où nous nous battions pour ça, il y a eu beaucoup de personnes qui faisaient tout pour nous en dissuader. Beaucoup croient que nous ne sommes pas de l’opposition mais ils se trompent. Alors, dites-moi, qui peut me donner des leçons de l’opposition ?

Hier vous disiez ceci :« je veux la place de Blaise Compaoré». Soutenez-vous toujours cette idée aujourd’hui, quand on sait que vous ferraillez contre la révision de l’article 37 et pour le référendum ?

On ne se comprend toujours pas. Je ne changerai pas, croyez-moi. Je ne suis pas un grand défenseur de la modification de l’article 37. J’aime écrire ; et le livre que je viens de vous présenter a été traduit en 7 langues (NDLR : Ma part de bilan). Il présente mon programme présidentiel de 2005. Sur le plan des réformes politiques, je disais en 2005 que si je remportais l’élection présidentielle, c’est pour la consolidation de l’article 37. Toujours dans mon livre, j’ai un endroit où je dis que j’ai envoyé une lettre au président Blaise Compaoré en lui demandant de ne pas toucher à l’article 37 en vue de le modifier. Je lui disais ceci : « mon frère, te souviens-tu que c’est toi et moi qui nous sommes battus pour mettre le verrou en place ? » Alors, comment peut-on me soupçonner aujourd’hui d’être le farouche partisan de la modification de l’article 37 ? Je suis un démocrate et je le reste. Je suis contre toute modification de l’article 37 mais je ne suis pas contre le référendum. Mes principes sont clairs, on pratique la démocratie ou on ne la pratique pas. On ne doit pas être démocrate quand cela nous arrange et contre quand cela ne nous arrange pas. Lorsque vous interpréter une Constitution, il y a l’esprit et la lettre. Mais vous devez aller dans toutes les dispositions de la Constitution. Ici, la seule question qu’on doit se poser c’est : est-ce que le référendum est constitutionnellement possible ou pas ? C’est la réponse à cette question qu’il faut privilégier.

« Aujourd’hui, si le président veut appeler la population au référendum, je crois qu’il a raison »

J’entends de gauche à droite qu’il faut tenir le référendum pour préserver la paix ou qu’il ne faut pas tenir le référendum pour préserver la paix. Bien avant cela, j’ai eu à demander à ce qu’on se réunisse pour demander une audience à Blaise Compaoré. La question que je voudrais lui poser est la suivante : Monsieur le président, vous pouvez tenir un référendum mais est-ce que vous devez le faire ? Aujourd’hui, si le président veut appeler la population au référendum, je crois qu’il a raison.

Si nous vous suivons très bien, vous êtes pour le référendum mais contre la modification de l’article 37. Alors, ne voyez-vous pas que ce serait ouvrir un boulevard au régime en place ?

Le monde est une vaste prison où chacun détient la clé de sa liberté. Si vous vous rendez à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), il y a des individus en prison et des gardes pénitentiaires. Or, la prison dont je vous parle, c’est vous, c’est moi et c’est n’importe quel Burkinabè. Vous ne pouvez pas être dans la servitude pendant que vous détenez les clés de votre liberté. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le peuple est là. Ne me demandez pas d’aller défendre celui qui se fait payer par les casquettes et les tee-shirts. Aujourd’hui, si un citoyen est pour qu’on modifie l’article 37, alors qu’on lève le verrou car c’est son droit. Je déplore le comportement de l’opposition qui vient toujours en retard. Ce sont les campagnes de 2012 qui devraient servir de détonateur au combat. J’ai eu à dire, à ce moment-là, qu’il fallait se battre pour que le CDP ne remporte pas la majorité. Mais personne ne m’a écouté. Que constatons-nous aujourd’hui ? C’est le CDP qui a la majorité. En plus, c’est cette majorité qui appelle au référendum. Que voulez-vous qu’on fasse donc ? On ne peut pas être plus royaliste que le roi. Soyons clairs.

« Si j’étais un opposant mouton je serais assis à côté de Blaise Compaoré »

Je veux qu’on aille au référendum pour que chacun puisse se battre. Je ne serai pas surpris aujourd’hui que Blaise remporte un référendum. Si cela arrivait, à qui la faute ? Est-ce que ce ne serait pas la faute de ceux qui sortent et qui prennent des tee-shirts ? Ne me dites pas que ces personnes ne sont pas conscientes ! Tout ce qu’il y a à faire aujourd’hui, c’est de trancher.

Les gens vous accusent à tort ou à raison d’être un opposant mouton. Qu’en dites-vous ?

Si j’étais un opposant mouton je serais assis à côté de Blaise Compaoré. Dites-moi aujourd’hui, qui est ce ministre capable de quitter son poste de ministre d’Etat pour ses propres convictions politiques ? Je ne vois pas. Alors, je l’ai fait parce que je me sens patriote.

Que faites-vous pour vous départir de cette image ?

Je reste sur ma ligne jusqu’au bout. Tous ceux qui se réclament de l’opposition vraie, où étaient-ils avant? Avec le pouvoir bien sûr. C’est nous qui nous sommes battus contre ces mêmes individus, et ce jusqu’en 2000, pour qu’il y ait statut de l’opposition, pour que le plus fort reste au pouvoir. C’est sur la base de notre combat qu’il y a eu pour la première fois une Assemblée nationale équilibrée en 2000, avec 54 députés de l’opposition et 57 députés de la majorité présidentielle. Je vous rappelle qu’après ma démission du poste de ministre d’Etat, on m’a supplié de rester. Ces mêmes personnes sont même allées jusqu’à me proposer le poste de vice-président de l’Assemblée nationale. Si malgré tout cela, les gens disent que je suis un opposant mouton, ce n’est pas juste. Cependant, cela ne me dérange pas.

« S’il arrivait qu’on propose à nous les écologistes d’aller au gouvernement, je vous avoue que j’irai »

Aujourd’hui, si vous êtes un homme politique et qu’on ne parle pas de vous en bien ou en mal, vous disparaissez. Or, depuis que je suis dans la politique, depuis 1991, les gens n’ont pas cessé de parler de moi en bien ou en mal.

Vous venez de dire qu’on vous a proposé des postes. Pourquoi avez-vous refusé ?

C’est à moi de décider. Mon intention aujourd’hui, c’est d’être président et je me bats toujours pour cela. Vu la situation actuelle, on ne peut pas espérer l’alternance au Burkina Faso sans associer un acteur majeur comme Blaise Compaoré. Ce serait une utopie politique de l’oublier. S’il arrivait qu’on propose à nous les Ecologistes d’aller au gouvernement, je vous avoue que j’irai mais je ne vous dévoilerai pas pourquoi je le ferai.

Quelle réponse avez-vous à donner à ceux qui pensent que les partis qui ont rejoint la majorité présidentielle ne représentent rien ?

Ceux qui le disent, je pleure pour eux car il ne faut jamais dire à son semblable qu’il ne représente rien. Avec le contexte politique actuel, il se peut qu’il y ait second tour à l’élection présidentielle prochaine. Supposons que ce soit ceux qu’on traite d’opposants moutons qui soient en position d’arbitrage. Comment voudriez-vous qu’ils agissent?

Avez-vous monnayé votre parti au Front républicain ?

Non ! Comment quelqu’un peut traiter son semblable de vendu ? Si c’est parce que nous sommes au Front républicain avec d’autres partis qui sont pour la modification de l’article 37 que les gens estiment que nous avons monnayé notre parti, j’avoue qu’ils se trompent. Je vous révèle que la modification de l’article 37 ne fait pas partie des objectifs du Front républicain. Si c’est parce que nous avons participé au gouvernement de Blaise Compaoré que les gens pensent que nous avons monnayé notre parti, que dites-vous de ceux qui ont participé à instaurer ce gouvernement pendant plus de 20 ans ?

« Au moment où je portais des chaussures de 300 000 F CFA, certains ne pouvaient pas s’acheter des chaussures de 500 F CFA »

Donc, je vous réponds que nous n’avons pas monnayé notre parti. En plus, je ne coûte pas cher, mon prix est simple. Si vous aimez profondément le Burkina, si vous êtes pour l’éthique et la morale, si vous aimez la paix, vous m’avez déjà acheté. Sinon, personne ne peut m’acheter au Burkina en terme d’argent. Je vais dire quelque chose qui va vexer certains. Au moment où je portais des chaussures de 300 000 F CFA, certains ne pouvaient pas s’acheter des chaussures de 500 F CFA. C’est pour dire que j’étais déjà quelqu’un avant de venir faire de la politique au Burkina. J’ai rencontré beaucoup d’autorités politiques et j’ai fréquenté beaucoup de palais présidentiels. Mieux, je suis venu à la politique avec les poches pleines. Pour ceux qui me connaissent, j’étais manager, éditeur. Ce métier nourrit très bien son homme car il offre d’énormes avantages. Donc, je n’ai pas besoin d’être acheté. J’étais déjà quelqu’un avant d’arriver au Burkina pour faire la politique.

Comment avez-vous accueilli l’exclusion de votre parti par le Chef de file de l’opposition politique ?

Ce sont des élucubrations du chef de file de l’opposition. J’ai déjà répondu à cette question. Les textes sont clairs. Et puis, l’opposition, ce n’est pas un métier. Peut-être qu’il a utilisé l’ancienne loi sinon, aujourd’hui, il n’a aucun pouvoir d’exclure un parti de l’opposition.

« Si je dois parler aujourd’hui, certains n’auront plus le courage de sortir de leur maison »

Les 12 partis qui ont adhéré tout récemment au Front républicain, ne sont-ils pas de l’opposition? Il ne faut pas prendre ses rêves pour des réalités. Ceux qu’on applaudit aujourd’hui, qu’ont-ils été avant ? Ce sont eux qui ont géré le pays pendant 30 ans. Ce sont les mêmes qui ont pillé et qui ont même souvent été complices de certains meurtres. Je n’ai pas peur de le dire car j’ai été ministre d’Etat et j’ai les dossiers de tout le monde. Quand on est un homme d’Etat, on ne parle pas, on doit être discret. Si je dois parler aujourd’hui, certains n’auront plus le courage de sortir de leur maison.

Faites-nous une confidence alors ?

Mais non. C’est le secret d’Etat et moi je suis un homme d’Etat. Même au moment où le parti de Blaise Compaoré me compliquait la vie, je ne suis pas sorti dévoiler les dossiers que je détiens.

Est-ce parce que vous avez aussi des dossiers noirs ?

Je vous avoue que je n’ai pas de dossiers noirs. Si quelqu’un avait un dossier contre moi aujourd’hui, il aurait pu le brandir. Je mets quiconque au défi au Burkina Faso de sortir un dossier contre moi car je n’ai pas volé, je n’ai pas tué, je n’ai rien fait de mal.

Est-ce que votre parti a les moyens de ses ambitions ?

Montrez-moi un parti au Burkina qui a les moyens de ses ambitions.

Le CDP, par exemple.

Oui. Mais ça s’effrite. La démocratie n’est pas figée. Au fur et à mesure qu’on avance, les choses changent, notamment la liberté d’expression. Et le peuple est comme ça. On totalise aujourd’hui plus de 40 partis politiques de l’opposition. Je dirai que les choses ont évolué. Vous ne pouvez pas développer un pays sahélien sans l’implication des Ecologistes et je vous avoue que ce sont les Ecologistes qui vont un jour remporter la présidentielle au Burkina Faso.

Votre parti a-t-il connu des défections ?

Oui, à Bobo-Dioulasso. Le coordonnateur régional a quitté le parti parce que nous avons rejoint le Front républicain. Il s’est allié au Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Ce n’est pas ambitieux parce que, quand on démissionne d’un parti, on doit normalement créer son parti au lieu de rejoindre un autre parti. Je ne prends pas cela en mal. Celui qui veut peut rester, comme il peut partir. Cela ne me dérange pas car c’est la démocratie.

Quelle est la province où votre parti est le mieux implanté ?

Je n’ai pas de fief. Mon fief c’est le Burkina Faso parce qu’il n’y a pas une localité au Burkina où je ne suis pas connu. Je suis dans la politique depuis 1990. Je fais partie des candidats qui ont parcouru les provinces du Burkina au volant de ma voiture, pendant les campagnes de l’élection présidentielle de 2005. Mon souhait, c’est de conquérir les voix de tous les Burkinabè.

Quelles sont les perspectives de votre parti à court, moyen et long terme?

Il y a beaucoup de compatriotes vivant à l’extérieur ; donc mon souhait c’est de voir ces compatriotes voter. Notre ambition aujourd’hui, c’est de nous faire connaître davantage, c’est de continuer à nous localiser. Pour cela, nous comptons tenir des rencontres avec la population dans tout le reste du Burkina. Le 17 juin prochain, nous serons en Océanie et à Madagascar.

La lutte pour l’alternance est-elle un combat juste ?

La démocratie c’est l’alternance. Il faut renouveler les élites, il faut insuffler du sang neuf et du dynamisme. Dans notre combat pour l’alternance, nous devons faire très attention pour ne pas mettre en péril la stabilité, la paix et la cohésion de notre pays. Blaise Compaoré sait qu’il partira un jour. Que le CDP le veuille ou pas, il sera un jour dans l’opposition. C’est une question de temps. Maintenant, il y a des gens qui, par boulimie du pouvoir, sont prêts à tout. Je ne partage pas cela car ce Burkina, nous l’empruntons aux générations futures. Nous ne devons pas le brûler. Prenons l’exemple de Mouammar Kadhafi. Certains ont estimé qu’il était un dictateur. Au finish, il a été tué   comme un rat. Est-ce que la Libye a la paix de nos jours ? Il y a également le cas de la Centrafrique avec François Bozizé. Il est vrai que ces 2 individus ne sont pas des exemples de démocrates, mais moi je commence à être nostalgique des partis uniques. Au temps des partis uniques, il n’y avait pas de problèmes. On ne tuait pas des gens comme cela se fait de nos jours. Regardez ces milliers de personnes qu’on tue un peu partout dans le monde, par exemple au Soudan du Sud, en Côte d’Ivoire, où il y a eu plus de 3 000 morts ; ce sont les mêmes qui sont en cravate, dans de grosses bagnoles et autour de la table pour parler de réconciliation, qui sont à la base de ces problèmes. Et les morts dans tout ça ? Vont-ils les réveiller ? A cet effet, je propose, au Burkina Faso, qu’on ait l’humilité et la modestie de dire que Blaise Compaoré a fait ce qu’il avait à faire. Il n’est pas Dieu, c’est un être humain. Maintenant, si nous voulons une alternance, mettons-le au centre de cette alternance. On ne peut pas solder Blaise Compaoré pour tout compte. Il faut dialoguer avec celui-ci, il faut une concertation avec lui. Il faut lui offrir une opportunité pour avoir un avenir au Burkina et dans le monde. Quand vous le dites aux gens, ils rétorquent : « on vous a acheté ». En dépit de tout cela, je suis sûr qu’ils me donneront raison un jour. En dehors du dialogue et de la concertation, on ne peut rien expérimenter au Burkina Faso.

Ne pensez-vous pas que les exemples libyen et ivoirien sont des conséquences de l’extrême longévité au pouvoir ?

L’alternance est une nécessité. A chaque moment, il faut un renouvellement des élites. Dans les pays, surtout les pays africains où les gens sont restés longtemps au pouvoir, ça finit toujours mal. Nous avons eu la chance de voir l’expérience des autres pays. Ce qui est fait est fait. Quelqu’un a fait un quart de siècle, il faut chercher l’option juste pour que cette personne reconnaisse effectivement qu’elle a passé un quart de siècle au pouvoir. J’ai demandé à rencontrer le président qui ne m’a pas reçu. L’idée, c’était d’aller lui dire les choses de façon claire. Je l’avais proposée même à certains amis de l’opposition. Je comptais, si l’occasion me le permettait, lui dire ceci : «  Monsieur le président, on vous remercie et félicite pour les bons et loyaux services que vous avez rendus à la nation. Vous n’êtes pas Dieu et vous avez fait ce que vous pouvez. On vient vers vous pour avoir les conseils nécessaires puisque dans une année et demie, votre mandat s’achève. Nous sommes inquiets. On a vu ce qui s’est passé dans d’autres pays et on ne veut pas que cela arrive à notre pays le Burkina Faso. Nos soucis, monsieur le président, c’est que le Burkina soit dans une stabilité après vous. ». Et on verra ce qu’il nous répondra. Ce sera l’occasion aussi pour lui, de nous dire s’il va rester où pas. Je suis peut-être utopiste, c’est l’écologiste qui parle. Dans les débats, on entend des gens qui disent : « Blaise Compaoré, tu dois quitter ». Je vous confie que moi-même Ram Ouédraogo, si j’étais président à Kosyam, à la place de Blaise Compaoré, et que les gens me préviennent qu’après mon mandat, je serai traduit en justice, je serai conduit en prison, je vous dis que je ne quitterais pas. C’est humain, même ceux qui prétendent être de vrais opposants, si cela leur arrivait, ils ne quitteraient pas. Le père de la nation ivoirienne, on ne pouvait pas imaginer qu’il était mortel. Même quand il était vivant et qu’on lui posait des questions sur l’avenir, il disait toujours qu’un chef est un chef. Tant qu’il vit, on ne doit pas parler de sa succession. C’était la même chose pour ces dinosaures Eyadema, Mobutu, Kadhafi, etc., qui sont restés des années durant au pouvoir. Après leur départ, leurs pays ont connu des problèmes. Il y a le Cameroun, et on ne sait pas ce qui va arriver. Nous, on doit privilégier la voie du dialogue. On doit aller voir le président et discuter, et c’est là que les gens ne veulent pas m’écouter.

Au Burkina Faso, vous êtes incontestablement le père des Ecologistes, mais est-ce que vous avez un modèle  en Europe?

Nous faisons partie du réseau Ecologiste mondial, c’est-à-dire que les écologistes ont formé leur fédération et tous les continents y sont représentés. On a notre fédération africaine dont le siège est au Burkina. Au niveau international, je ne voudrais pas faire de jaloux puisqu’on se connaît tous. Nous entretenons un courant d’amitié et de fraternité avec les autres Ecologistes. Ce qui m’a motivé dans ce combat, c’est la société civile, les Organisations non gouvernementales (ONG), les fondations, etc. Nous qui sommes nés sous la bananeraie en Côte d’Ivoire, nous pouvons dire que nous sommes des Ecologistes. Nos parents étaient des paysans et on a aimé l’écologie dès notre bas âge. Au début, nous n’étions pas des partis politiques. A un moment donné en France, les écologistes ont compris qu’ils devaient déployer leur propre drapeau, puisqu’ils parlaient et personne ne les écoutait car c’étaient les politiques qui décidaient. Si vous êtes dans un conseil municipal, à l’Assemblée nationale, vous pouvez influer. Par moment, nous avons été dans le gouvernement. Nous sommes tous des amis, je ne peux pas dire que j’ai un modèle précis d’écologiste. Ce qui est certain, c’est que j’adore l’écologie. J’adore également le combat des Ecologistes, les principes et les valeurs qu’ils défendent. Je vous affirme que l’écologie n’est pas mauvaise mais bien pour l’intérêt général.

Propos recueillis par la rédaction et retranscrits par Mamouda TANKOANO et Rita BANCE/OUEDRAOGO

 


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