RETRAITE POLITIQUE ANNONCEE DU PRESIDENT ANGOLAIS : peut-on croire à Dos Santos ?
Dans cette Afrique en proie aux tripatouillages constitutionnels, on ne peut s’empêcher de congratuler, à juste titre, le président angolais, José Eduardo dos Santos qui, à la surprise générale, a annoncé qu’il quitterait la scène politique en 2018 et ce, après 40 ans de règne sans partage. Le fait est assez rare sous nos tropiques pour être souligné. Car, combien de présidents en Afrique, malgré leur âge, ont préféré rester «collés» à leur fauteuil comme une huître à son rocher? Du Congo Brazzaville à la Guinée Equatoriale en passant par le Zimbabwe, ils sont nombreux, les vieux briscards qui n’entendent pas prendre leur retraite politique. José Eduardo dos Santos a donc été bien inspiré d’avoir pensé qu’il était temps d’abandonner le pouvoir. « Il n’est jamais trop tard pour bien faire », dit l’adage. Ainsi, Dos Santos indique non seulement la voie à suivre à bien de ses pairs du continent, mais aussi, il montre qu’il n’est pas resté insensible aux mutations sociopolitiques enclenchées sur le continent en général et dans son pays en particulier. De fait, depuis quelques années, la société angolaise est traversée par un courant de pensée pro- démocratie dont les adeptes n’hésitent pas à demander le départ de Dos Santos et à dénoncer les dérives de sa gouvernance. Le pouvoir angolais a beau embastiller ces militants assoiffés de démocratie et d’alternance, il lui est difficile de freiner ce vent de liberté. Et tôt ou tard, Dos Santos risquait d’être emporté par une insurrection. Il a donc vu juste en décidant de prendre les devants. De toute évidence, le départ de Dos Santos du pouvoir, s’il était effectif, aurait le mérite de permettre une ouverture politique en réponse aux exigences de l’alternance dans son pays. Dans l’absolu, c’est une bonne chose. Mais de là à penser que l’Angola va connaître une alternance politique en toute beauté, il serait prématuré de franchir le pas. Mais après tout, comme le voyage le plus long commence toujours par un pas, alors, on peut croire que le départ de Dos Santos permettra une petite avancée démocratique. Cela dit, on se demande si Dos Santos est sincère dans son annonce de quitter la scène politique.
Il n’est pas exclu que Dos Santos organise une campagne à la Eyadema du Togo
Peut-on le prendre au sérieux ? Rien n’est moins sûr. D’autant que l’on se souvient qu’en 2002, il avait annoncé sa non-participation à la prochaine élection, laissant de nombreux prétendants à sa succession au sein du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), son parti, sortir du bois. La suite, on la connaît. Non seulement il s’était représenté à l’élection, mais aussi il avait exclu du parti tous ceux qui avaient lorgné son fauteuil. 14 ans après, Dos Santos fait la même annonce de quitter le pouvoir. Est-ce encore une fois, une ruse, une façon de sonder les Angolais ou une volonté réelle de passer la main ? La question mérite d’être posée surtout que le mandat de Dos Santos finit en 2017, date à laquelle une élection présidentielle doit être organisée en Angola. Cela voudrait-il dire que le sexagénaire compte se représenter en 2017 pour ensuite quitter le pouvoir en 2018 ? Est-ce une stratégie qui cache une volonté de dévolution dynastique du pouvoir ? Si tel est le cas, autant dire que l’Angola n’est pas encore sorti de l’auberge. Et puis, il n’est pas exclu que Dos Santos organise une campagne à la Eyadema du Togo. La recette, on s’en souvient, avait consisté à organiser des manifestations à travers le pays pour supplier le Timonier de rester encore quelque temps à la tête du Togo. José Eduardo Dos Santos respectera-t-il sa parole de faire valoir ses droits à la retraite ? En tout cas, on prend date.
Michel NANA