HomeA la uneSOMMET DE MALTE SUR L’IMMIGRATION : Il faut trouver une solution juste

SOMMET DE MALTE SUR L’IMMIGRATION : Il faut trouver une solution juste


 

Les travaux du sommet européo-africain sur l’émigration à Malte ont pris fin hier avec le lancement du fonds fiduciaire de 1,8 milliard d’euros, pour financer des projets de développement et de gestion de la migration en Afrique. Si le consensus s’est fait sur l’urgence et la nécessité d’agir, les divergences sont vite apparues sur les moyens à mettre en œuvre pour tarir le flot des départs.  Fait inédit, les Africains si prompts à bondir sur « l’argent frais », tant la ressource peut être rare sur le continent du fait de la multiplicité des priorités, ne font pas preuve de grand enthousiasme. Le président sénégalais Macky Sall et le président nigérien Mahamadou Issoufou n’ont pas fait dans la dentelle pour dénoncer l’iniquité et le caractère inapproprié  des solutions préconisées par les Européens. Agissant dans un instinct de survie face à la montée des groupes politiques de l’extrême droite, les décideurs politiques européens  optent pour la stigmatisation, la politique des barricades et le repli sur soi. Pour les leaders politiques africains, « ce n’est pas la voie de l’avenir ». Il faut saluer ce sursaut de courage des chefs d’Etat africains, qui rompt avec l’image d’une Afrique béni-oui-oui face à l’Europe. Il faut aussi et surtout saluer la justesse de vue des Africains. Pour aboutir à une solution juste et durable sur la question de l’immigration africaine, estiment-ils, il faut l’appréhender dans sa globalité et  la remettre dans son contexte historique.

L’Europe ne peut facilement se dédouaner

L’immigration, en effet, n’est pas le propre des seuls Africains et il y a une justice à rendre à l’histoire. Les groupes humains depuis l’aube de l’humanité, se sont essaimés à travers la planète pour diverses raisons, réussissant le pari de la conquête de l’œkoumène. Dans l’histoire récente de l’humanité, les plus grands mouvements migratoires ont été le fait des Européens et se sont soldés par la colonisation de l’Afrique et de l’Amérique pour ne citer que ces deux continents. Les clichés sur ces pauvres hères noirs embarqués sur de frêles esquifs dans la Méditerranée, participent donc de la déformation de l’histoire et de la stigmatisation. Ensuite, la présence africaine en Europe, à l’origine, n’est pas volontaire. La Traite des Noirs puis les deux Guerres mondiales ont été les premiers facteurs de l’immigration africaine en Europe. Cette première vague migratoire a été bien bénéfique à l’Europe car elle a créé de la valeur ajoutée à l’économie de traite européenne et a contribué activement et de façon définitive, au combat de liberté du continent européen. L’immigration moderne, quant à elle, a des fondements économiques et politiques. Et là, l’Europe ne peut non plus facilement se dédouaner. En mettant l’économie africaine à l’asphyxie par le pillage des ressources naturelles, la détérioration des termes de l’échange, l’Europe a créé les conditions de la paupérisation du continent. Les multiples soutiens aux dictatures au nom des intérêts économiques, ont développé la pratique des détournements, de la corruption et de l’affairisme, au détriment de l’emploi des jeunes et du progrès. L’Afrique exsangue est devenue répulsive pour les jeunes générations africaines qui, appâtées par les images de l’eldorado européen, pensent qu’il vaut mieux aller voir ailleurs. Quand bien même conscients des dangers qui les guettent, les jeunes migrants se sont fait une philosophie : « Avancer, c’est mourir; reculer, c’est mourir. Alors, mieux vaut avancer et mourir. »

 

L’Afrique a aussi sa part de responsabilité

 

La responsabilité de l’Europe ne fait aucun doute et elle ne peut moralement pas se contenter d’acheter la fixité des Africains et se barricader derrière de hautes murailles tout en fournissant l’arsenal répressif aux Africains pour exécuter la basse besogne. Mais l’Afrique a aussi sa part de responsabilité. L’absence d’une gouvernance économique et politique vertueuse est à l’origine de l’injustice sociale et de la grande précarité qui poussent les jeunes Africains sur les chemins de l’émigration. Les responsabilités étant partagées, il faut trouver une solution juste au fléau, où chacun des protagonistes accepte de s’assumer. Et une solution juste passe d’abord par le respect des textes en la matière. « Migrer, quitter son pays, quel qu’en soit le motif, est toujours un choix douloureux, mais un choix » dont le droit est inscrit dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme à l’article 13. Migrer est un choix personnel, aucune mesure étatique dans un monde où existe la liberté de circulation des marchandises, des services et des capitaux, ne pourra empêcher les personnes de circuler. S’il est légitime que les Etats contrôlent les entrées et les sorties à leurs frontières, il n’est pas légitime que les Etats considèrent les personnes qui se présentent à leurs frontières comme des criminels. Ensuite, il faut aller au-delà de la modique somme du 1,8 milliard du fonds fiduciaire pour envisager une aide sincère pour la reconstruction du continent. Une telle aide ne peut être efficace que si l’on rend à l’Afrique sa  liberté économique pour en faire un partenaire véritable  à même de valoriser à son profit son immense potentiel de ressources naturelles et humaines. Et c’est toute la justesse du discours de Macky Sall qui estime que « la voie de l’avenir pour nous, c’est celle de la collaboration et du partenariat». Et il faut enfin un engagement des Européens à mettre fin à leur soutien aux dictatures, qui crée les injustices sociales à l’origine des conflits qui mettent les populations sur les chemins de l’errance. Aucune solution qui ne prenne en compte ces aspirations, ne pourra dissuader des hommes qui ont faim d’aller dans les pays où ils pensent qu’on ne connaît ni la faim ni l’arbitraire.

 

« Le Pays »


Comments
  • Il n’y a pas de problème lorsque les ressources africaines immigre vers l’Europe. J’ai participé en 1995 au comité de gestion d’un projet financé sur fonds français. Ce financement était un crédit contracté par le Burkina. Alors deux assistants techniques (un ingénieur agronome et un informaticien) coutaient plus de la masse salariale de 96 nationaux y compris le directeur du projet. L’argent est reparti en France et nous payons cette dette actuellement pendant que c’est la France qui a géré son chômage avec l’argent. Si seulement Dieu réglait vite les comptes.

    13 novembre 2015

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