REDUCTION DES SALAIRES DE L’EXECUTIF NIGERIAN : Buhari, l’antithèse de Zuma
Le nouveau président nigérian, Muhammadu Buhari, percevra désormais la moitié du salaire versé à son prédécesseur Goodluck Jonathan qui recevait annuellement 70 000 dollars. Cette réduction de salaire de moitié s’applique également à son vice-président, Yemi Osinbajo, dont le salaire annuel actuel est de 12 126 290 nairas soit 60377 dollars. Certes, le général Buhari n’a pas réduit son salaire de moitié par simple générosité. En effet, son pays, premier producteur de pétrole en Afrique, traverse une période de vaches maigres. La situation est d’autant plus préoccupante que certains fonctionnaires n’ont pas perçu leurs salaires depuis fin 2014. N’empêche, cette décision du premier des Nigérians mérite d’être saluée à sa juste valeur. Sous d’autres cieux, peu importe la gravité de la situation financière du pays, le train de vie du prince régnant ne peut, sous aucun prétexte, être réduit. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Le cas le plus parlant est celui du président sud-africain. Pendant que la jeunesse de la Nation arc-en- ciel croupit dans la misère à cause du chômage, Jacob Zuma, toute honte bue, a eu le toupet d’augmenter son salaire alors qu’il n’était pas le moins bien loti parmi ses pairs du continent, en termes de salaire ou d’avantages. C’est dire qu’on n’aurait pas tort d’affirmer que Buhari est l’antithèse de Zuma. C’est vrai que réduire de 50% le salaire d’un président sous nos tropiques, peut paraître comme un non-événement car, généralement, l’on ne sait pas combien gagne réellement un chef d’Etat, étant donné que celui-ci dispose d’une caisse noire dont le montant est méconnu du grand public. Mais l’acte en lui-même constitue un sacrifice. En tout cas, en réduisant de lui-même son salaire sans y être contraint, le général Buhari donne le bel exemple. Il fait preuve d’une certaine vertu morale et d’éthique, il montre qu’il est sensible au sort de ses compatriotes, qu’il n’est pas permis d’être heureux tout seul comme l’enseigne l’Abbé Pierre. Et son geste devrait inciter les députés et les gouverneurs des Etats à en faire autant, surtout que la récente hausse des émoluments de ces derniers avait suscité un tollé général.
Buhari a intérêt à faire de la lutte contre la corruption son cheval de bataille
Face à une turbulence économique comme celle que traverse le Nigeria, tout président éclairé et responsable, se doit de prendre des mesures urgentes pour renflouer les caisses de l’Etat afin de soulager le peuple, notamment les travailleurs, comme l’avait du reste fait le président sénégalais Macky Sall à son arrivée à la tête de l’Etat. Et c’est bien ce qu’a fait le président Buhari. Cela dit, au-delà de cet acte et des mesures prises, Buhari doit aller plus loin en luttant efficacement contre l’inflation des prix des produits de première nécessité. Il devra aussi et surtout, engager une croisade contre les ripoux de la République, les voleurs à col blanc qui jouent avec les deniers publics. En tant que première économie d’Afrique, le Nigeria ne devrait pas se retrouver dans une telle situation économique. Certes, la chute des cours mondiaux du pétrole qui constitue sa principale source de revenus, a inéluctablement eu un impact négatif sur son économie, mais tout laisse penser que c’est plutôt la corruption qui déstabilise le plus son tissu économique. C’est donc dire que Buhari a tout intérêt à faire de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. A l’évidence, si le Nigeria n’arrive pas à payer ses fonctionnaires, il court le risque de connaître une implosion sociale, dans un contexte où la secte islamiste Boko Haram gagne du terrain. En effet, en deux mois seulement, cette pieuvre aura laissé sur le carreau plus de cinq cent macchabées. Et tant que le général Buhari ne se reveillera pas, le massacre ne s’arrêtera pas. Le limogeage hier, 13 juillet 2015, des chefs de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air après l’explosion qui a fait un mort et trois blessés dans les encablures de Maïduguri, s’inscrit-elle dans cette logique de mieux lutter contre Boko Haram? Si c’est le cas, c’est tant mieux. Car, les Nigérians attendaient un acte fort de leur président dont la passivité face à cette secte islamiste, commençait à inquiéter très sérieusement.
Dabadi ZOUMBARA