VISITE PONTIFICALE EN RCA : La main tendue du pape sera-t-elle saisie ?
Le pape qui a, « à vrai dire, davantage peur des moustiques » que de l’insécurité, a donc, en toute logique, foulé le sol de « Bangui la roquette », dernière étape de sa tournée africaine. C’était hier, 29 novembre, en fin de matinée. Une étape particulièrement risquée, qu’il a tenu à maintenir, en dépit des mises en garde des services secrets français. Certes, le Tout-Bangui était sur les dents, à en juger par l’impressionnant dispositif sécuritaire déployé pour la circonstance. Mais, comme on le sait, en pareilles situations, le risque zéro n’existe pas. C’est donc tout le mérite du pape François : avoir osé s’aventurer dans un pays aussi dangereux que la Centrafrique, où la mort côtoie étroitement la vie du fait de la bêtise humaine ; un acte de courage, s’il en est. Mais laissons à François le soin d’apprécier ; lui qui devrait plutôt voir en son initiative, un appel au devoir avant tout : celui de voler au secours d’un peuple meurtri et en détresse. Venu en messager de la paix, François tentera de semer la graine du pardon et de la réconciliation, dans un pays toujours en proie à des violences inter-religieuses où miliciens anti-Balaka (chrétiens) et Séléka (en majorité musulmans) continuent de s’entretuer et de faire régner la terreur. Dans sa tentative de réconcilier les frères ennemis centrafricains, François a choisi de poser des actes forts. Qu’on en juge : il a prévu de se rendre à la prison centrale du sulfureux quartier PK5 où il ira plaider la réconciliation. L’acte revêt tout un symbole, en ce sens qu’il célèbre et magnifie l’œcuménisme. Aux musulmans qui se sont détournés des voies d’Allah, à l’image des miliciens de la Séléka, ainsi qu’aux brebis égarées que forment la meute des Anti-Balaka qu’il va tenter de ramener dans l’enclos, le message du pape devrait viser le même objectif : les convaincre de l’absolue nécessité de renouer avec la paix et le vivre-ensemble. Il n’y a pas d’autre salut pour ce pays qui n’en finit pas d’errer comme une âme en peine. Reste à savoir si la main tendue du pape sera saisie. Quels effets son discours produira-t-il sur les frères ennemis centrafricains ? Et si effets il y a, combien de temps cela durera-t-il ? Sans doute le message impactera-t-il les esprits des Centrafricains dans l’immédiat. Mais quid des effets sur le long terme ? C’est un pari que nul ne se risquerait à faire, tant les djinns de l’instabilité et de la violence dans les eaux du fleuve Oubangui, ont montré toute leur cruauté et leur coriacité.
Le passage du Pape fera date
Qu’à cela ne tienne, par sa visite, le Pape François montre que l’espoir est encore permis en Centrafrique et qu’il n’y pas lieu de baisser les bras. « Pape des pauvres », le souverain pontife fait figure de pape très attaché au continent, en faisant litière des appels l’ayant conseillé de ne pas se rendre au Kenya et en RCA. Qu’il ressente une proximité affective avec l’Afrique, peut se comprendre puisqu’il est aussi et avant tout, un Pape du Sud. Et sous cet angle, on peut dire que François, pour avoir longtemps côtoyé la pauvreté en Amérique latine notamment, mesure le poids de ses mots quand il appelle à une meilleure gouvernance de la part des dirigeants kényans, lors de son passage au pays de Uhuru Kenyatta. En RCA, d’aucuns diront que la priorité n’est pas à un tel thème. Mais cet appel gagnerait également à être médité par les dirigeants centrafricains. Car, si la Centrafrique se présente aujourd’hui comme un concentré de bien des problèmes qui ont pour noms corruption, manque de justice sociale, misère, etc., tous ces chancres mous qui altèrent l’image de ce pays, tirent leur origine de la mal gouvernance. Le passage du Pape fera date. Il marquera sans doute un début. Mais encore faut-il qu’il y ait une fin ; une fin heureuse dont seul le peuple centrafricain a la clé. En somme, demain sera ce que ce peuple voudra qu’il soit.
« Le Pays »