PENURIE DE MANUELS ET DE VIVRES DANS LES CANTINES SCOLAIRES: Le collectif des syndicats de l’enseignement relève de graves dysfonctionnements
Le collectif des syndicats de l’enseignement a mis en place une commission d’enquête pour investiguer sur la pénurie récurrente de manuels et de vivres dans les cantines scolaires. Les résultats de cette enquête ont été présentés aux Hommes de médias, le 28 janvier dernier à Ouagadougou.
Comprendre les dysfonctionnements, les difficultés liées à la commande et à la distribution des intrants d’une part, et, d’autre part, recenser les raisons objectives du grand recul dans la commande, la production et la distribution des manuels aux élèves ainsi que les problèmes liés à la viabilité des cantines. Telles ont été les raisons qui ont motivé le collectif des syndicats de l’enseignement à entreprendre, du 7 au 16 novembre 2016, des sorties terrain au sein de plusieurs structures intervenant dans la chaîne de production et de livraison des manuels scolaires et des vivres destinés aux élèves. Les résultats de cette enquête ont été présentés aux Hommes de médias, le 29 janvier dernier. En effet, selon le porte-parole de la commission d’enquête, Séma Blegné, par ailleurs Secrétaire général du Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SNEA-B), il ressort qu’en 2010, le ratio livre/élève a atteint 1,17 pour la lecture et 1,18 pour le calcul. Mais, s’est–il indigné, pour la rentrée scolaire 2016-2017, il y a un très grand retard sur les commandes et les quantités en magasin sont loin de satisfaire la demande sur le terrain. Pire, certaines commandes de l’année 2015, selon le porte-parole, ne sont pas encore livrées. Une situation que les autorités justifient depuis plusieurs années, a-t-il dit, par le fait que la plupart des commandes dans le domaine, sont assurées par des entreprises étrangères, les entreprises locales n’étant pas capables de satisfaire la demande. Pourtant, suite à des visites effectuées dans certaines grandes imprimeries de la place, le comité a pu constater que certaines ont une très grande capacité de production. Ensemble, elles peuvent donc bel et bien satisfaire la demande du ministère en charge de l’éducation nationale et surtout éviter les situations de blocage que subit actuellement le circuit de distribution.
« C’est encore parti pour une autre année scolaire sans manuels scolaires »
« A titre d’exemple, le dossier d’appel d’offres pour l’année 2015 de réimpression des manuels ne connaît jusqu’à présent pas de satisfaction. Ce dossier a fait l’objet d’un litige suite à une plainte d’une entreprise tunisienne. Et depuis, la chaîne d’attribution a été grippée jusqu’au 28 octobre 2016, date de la parution des marchés dans le quotidien des marchés publics », a fait savoir Séma Blegné. D’ailleurs, a-t-il revelé, à ce jour, les formalités relatives au marché de 2016 ne sont toujours pas faites. « Partant de ce constat et en tenant compte du temps de conception de la maquette et de la production, c’est encore parti pour une autre année scolaire sans manuels scolaires », ont déploré les membres du collectif. Plusieurs établissements, ont-ils témoigné, ne disposent toujours pas de manuels
scolaires depuis la rentrée scolaire. Les chanceux n’ont reçu que quelques exemplaires, comme ce directeur d’école qui a reçu 5 livres pour tenir sa classe de 85 élèves. Les manuels scolaires, selon les syndicalistes de l’enseignement, jouent un très grand rôle dans l’éducation des enfants. Ce sont donc des outils qui doivent être disponibles en quantité et en qualité. Au Burkina pourtant, selon le collectif des syndicats de l’enseignement, non seulement le nombre fait défaut, mais aussi le contenu des manuels distribués laisse également à désirer. A la page 58 du manuel « Lire au Burkina : 1re année » qu’il nous a été donné de voir, nous avons pu lire cette phrase qui sert de titre de leçon : « Hamadé a un habit kaki ». Pourtant, l’illustration qui en est faite est tout autre car en lieu et place d’un habit de couleur kaki, c’est plutôt un habit de couleur rouge qui a été dessiné. « Les dessins et les couleurs que nous avons dans les manuels ne reflètent pas la réalité », a déclaré Séma Blegné. Outre cet aspect, l’enquête du comité a porté sur les cantines scolaires. « Sur ce point, de graves dysfonctionnements ont été relevés », selon le comité d’enquête. D’abord parce qu’il y a un manque de coordination entre les directions impliquées dans la commande des vivres. Toute chose qui conduit à la lenteur dans le processus de livraison des vivres qui sont pourtant périssables. Il y a aussi que certaines situations où il y a un manque de vivres, sont engendrées par des commerçants bénéficiaires de marchés mais qui sont incapables de les exécuter. Le comité d’enquête a également pointé du doigt la lenteur judiciaire qui fait que certains magasins contenant des vivres sont toujours sous scellés. « Nos organisations s’insurgent contre le gaspillage des vivres », ont martelé les membres du comité d’enquête. Mais de manière générale, pour les syndicats, les longues procédures, le manque de rigueur et de suivi, les mauvaises pratiques dans les procédures de passation des marchés, la fuite de responsabilité de l’Etat, sont les tares qui minent le secteur. Ils entendent donc consigner les résultats de cette enquête assortis de recommandations dans un document qu’ils remettront ensuite à leur ministère de tutelle pour assainir les procédures.
Adama SIGUE