REVOLTE EN PAYS BWA : Le décryptage de Céleste Coulibaly
Le paysage littéraire du Burkina vient de s’agrandir avec la dédicace hier, 29 juin 2017, du 1er ouvrage du lieutenant-colonel Céleste Joseph Moussa Coulibaly, ex-aide de camp de l’ancien président Blaise Compaoré, intitulé « La Guerre du Bani-Volta (1915-1916) ». Placée sous le parrainage du chef d’état-major de l’armée de terre, le colonel-major Léon Traoré, la cérémonie de dédicace s’est déroulée dans le salon du Mess des Officiers de Ouagadougou, en présence de nombreuses personnalités dont le parrain, le préfacier Baba Hama, ex-ministre de la Culture, journaliste et écrivain, des parents de certains écrivains dont ceux de Nazi Boni, Samboué Jean Bernard, des officiers militaires et d’hommes politiques.
La révolte des peuples de Bani-Volta constitue l’une des plus grandes révoltes en Afrique de l’Ouest, mais elle reste peu connue. Cette lacune est désormais en voie d’être comblée à travers l’ouvrage littéraire que vient de mettre à la disposition des lecteurs burkinabè et d’ailleurs, le lieutenant-colonel Céleste Joseph Moussa Coulibaly. Cet ouvrage de 226 pages est subdivisé en trois parties. La première qui plante le décor parle de la colonisation française en Afrique de l’Ouest, en Haute-Volta et dans le sud-est du Soudan français. En somme, l’auteur explique pourquoi il y a eu la pénétration coloniale en Afrique. Et comme il est enseigné dans certains livres d’histoire, c’est à cause du désir de l’homme blanc d’apporter la civilisation à l’homme noir.
La deuxième partie est axée sur la révolte des peuples du Bani-Volta et les opérations de l’armée coloniale entre novembre 1915 et juillet 1916. L’identité des populations du Bani-Volta, leurs coutumes avant l’arrivée de l’homme blanc, les facteurs déclencheurs de la révolte, les causes profondes, etc., figurent également dans cette partie de l’ouvrage. Dans la troisième partie, l’auteur s’est posé la question de savoir si les violences qui ont eu lieu entre novembre 1915 et juillet 1916, constituent une guerre ou une révolte. Et sa réponse est sans équivoque, il s’agit bel et bien d’une guerre car, a-t-il expliqué, il y a eu des batailles avec des techniques éprouvées de guerre ancienne et moderne. Dans sa conclusion, l’auteur s’est demandé pourquoi certains villages ne se sont pas révoltés mais ont plutôt pris fait et cause pour le colonisateur, malgré la destruction de 112 autres. Il s’est également interrogé sur la nature de l’étude qu’il fallait mener pour vérifier l’exactitude du chiffre de 30 000 morts que certaines études ont avancé mais qui, jusque-là, n’a pu être corroboré par des archives.
Un zoom sur un pan de l’Histoire du pays des Hommes intègres
Pour Céleste Coulibaly, en écrivant cet ouvrage, son ambition était de faire un zoom sur un pan de l’Histoire du pays des Hommes intègres, assez méconnue des Burkinabè. Il s’agissait également, a-t-il dit, de chercher à comprendre pourquoi 15 ans après l’installation du colon, une guerre aussi importante a pu se produire et faire de nombreux morts, 30 000 environ du côté des combattants locaux et 158 morts du côté des colons, et la destruction de 112 villages. Pour lui, les raisons sont, entre autres, la mauvaise administration mise en place par les Français, le recrutement par la force, l’imposition du paiement de l’impôt, etc. A son avis, cet ouvrage est historique mais aussi scientifique, car il s’est basé sur plus de 700 archives lors de ses études en Master 2 en France pour l’écrire. De son point de vue, son livre a été écrit de manière à ce qu’il soit exploitable aussi bien par un élève du primaire que par des professeurs d’université. Au regard de la forte mobilisation des autorités et de ses frères d’armes à la cérémonie de dédicace, Céleste Coulibaly a promis de persévérer afin d’avoir des réponses aux questions qu’il s’est posées dans la conclusion de son ouvrage. Pour sa part, le préfacier, Baba Hama, a estimé que l’ouvrage de Céleste Coulibaly est non seulement un livre de haute portée historique qui aborde un sujet assez singulier, celui de la résistance du peuple voltaïque face au colonisateur, mais aussi un livre dans lequel son auteur rapporte un pan de l’histoire de notre pays qui était méconnue jusque-là. D’où son double intérêt. Sur le plan de l’écriture, il est aussi de belle facture, car il s’agit d’un travail d’études, le couronnement des études en Master 2 de l’auteur. Ce qui signifie, a-t-il estimé, qu’il a un fondement scientifique parce qu’il a été apprécié par des professeurs d’université qui ont jugé à la fois le fond et la forme. Et de ce point de vue, cet ouvrage ne pouvait qu’avoir une teneur à la fois scientifique et historique. Toute chose qui lui donne une qualité qui lui permettra d’être enseigné dans pratiquement toutes les écoles, a-t-il confié. Selon Baba Hama, il serait bon que la jeunesse puisse s’approprier cette histoire-là, en vue de comprendre que la colonisation a certes existé, mais que les peuples n’ont pas été toujours passifs. C’est en tirant leçon de ces enseignements de l’histoire que l’on pourra davantage, a-t-il dit, forger notre nation, affronter les défis futurs qui peuvent être d’ordre politique, climatique, etc. Quant au parrain, le colonel-major Léon Traoré, chef d’état-major de l’armée de terre, il a félicité l’auteur de l’ouvrage qui, a-t-il dit, a osé mettre à jour cette histoire qui est restée longtemps cachée.
« Nos parents savaient aussi se battre »
A son avis, sur le plan militaire, cet ouvrage permet de savoir que même si nos armées ont hérité des armées coloniales, il sied désormais de comprendre que nos parents savaient aussi se battre. Le parrain a encouragé son filleul à persévérer, à continuer ses recherches sur les interrogations qu’il a lui-même posées, afin de permettre aux Burkinabè de mieux connaître leur histoire et de tirer les enseignements positifs pour l’avenir du pays. Au cours de la cérémonie de dédicace, quelques extraits du livre ont été lus, permettant ainsi au public de poser des questions à l’auteur qui n’a pas hésité à y apporter des éléments de réponse.
Dabadi ZOUMBARA
Qui est Céleste Joseph Moussa Coulibaly ?
Le lieutenant-colonel Céleste Joseph Moussa Coulibaly est un officier de l’Armée de terre du Burkina Faso (infanterie parachutiste). Il est né le 14 mars 1971 à Ouagadougou.
Il entre en 1994 à l’Académie militaire de Pô au Burkina Faso (6e Promotion “Intégration”) et en sort Chef de Section interarmes en 1996.
Il obtient un diplôme d’Officier instructeur parachutiste (OIP) à Maamora-Salé au Royaume du Maroc en 1999.
Puis un diplôme de Chef de Section d’infanterie motorisée après son Cours d’application à l’EFOFAT de Pya au Togo en 2002.
Il obtient son diplôme de Commandant d’unité (CFCU) à l’Ecole appliquée d’infanterie (EAI) à Montpellier en France en 2005.
Il est diplômé d’état-major à Ecole Interafricaine d’Etat-Major de Koulikoro au Mali en 2008.
Breveté de l’Ecole de Guerre de Paris avec la 23e promotion “Verdun” en 2016, il est titulaire d’un Master Professionnel d’Expert de la Défense en Management, Commandement et Stratégie de l’Ecole de Guerre de Paris.
Il est aussi titulaire d’un Master 2 en Sciences Humaines et Sociales (Sciences Historiques et Philologiques, option Religions, Cultures et Politiques, à finalité recherches) de l’EPHE-Sorbonne de Paris (2016).
Il est licencié ès-Sciences de l’Education (Université de Lomé, 1992), Diplômé d’études universitaires générales (DEUG 2) en Psychologie (Université de Ouagadougou, 1991) et bachelier A4 (Lettres- Philosophie) en 1989.
Il a occupé diverses fonctions militaires :
commandant d’Unité ; de Groupement d’Unités ; Aide de camp de l’ancien Président du Faso Blaise Compaoré (de 2008 à 2014) ; chef de corps du Régiment de Sécurité Présidentielle (février à août 2015).
Il est depuis août 2016, Chef de Division Formation Adjoint de l’Etat-Major Général des Armées.
Il est marié et père de 3 enfants. Il est Chevalier de l’Ordre National du Burkina Faso et décoré de la Médaille d’Honneur Militaire.