MAHAMADOU ZONGO, Ambassadeur du Burkina en Côte d’Ivoire : « Je préfère essuyer des critiques que de semer les germes de la division»
Cela fait exactement plus d’un an et demi que l’Ambassadeur Mahamadou Zongo est en poste à Abidjan. Pour la première fois, le successeur de Justin Koutaba sur les bords de la lagune Ebrié, le Sociologue- diplomate et ancien Conseiller spécial du Premier ministre Paul KabaThiéba, a décidé de dire sa part de vérité à travers un entretien qui a porté sur plusieurs sujets qui fâchent : la désorganisation de la communauté burkinabè, le vote des Burkinabè de l’étranger à la présidentielle 2020, le difficile accouchement du Club des hommes d’affaires, l’épineuse question des cartes consulaires, ses absences remarquées aux cérémonies organisées par les associations, les conflits de chefferies, etc. C’était le mercredi 14 février 2018.
Vous avez présenté vos lettres de créance au Président de la République, SEM Alassane Ouattara, il y a un peu plus d’un an. Comment vous sentez-vous dans vos habits de diplomate ?
Mahamadou Zongo : En effet, j’ai présenté mes lettres de créance au Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence M. Alassane Ouattara, le 21 juillet 2016 et, bien avant, j’ai assuré des fonctions au niveau du Burkina Faso. J’ai été chef du département de Sociologie, j’ai été le directeur de l’UFR des Sciences humaines de l’Université Ouaga 1 et, en mars 2016, j’ai été nommé Conseiller spécial du Premier ministre. C’est donc une suite logique au niveau de l’Administration. Ce qui fait que je n’ai pas eu de difficultés particulières ici. L’accueil qui m’a été réservé par les Conseillers qui assuraient la direction de la Représentation diplomatique m’a permis de rentrer très vite dans mes habits de diplomate. Je voudrais profiter de votre micro pour remercier du fond du cœur le ministre Conseiller Kléna Ouattara qui a assuré l’intérim à l’époque ; il était le Chargé d’affaires. C’est avec lui que j’ai esquissé mes premiers pas dans le milieu diplomatique, son accompagnement et son expérience m’ont permis de l’aborder sans marcher sur les œufs. Je voudrais aussi remercier l’ensemble des Conseillers de la Représentation, les Consuls, ceux d’Abidjan qui est rentré, de Bouaké et le Consul Honoraire de Soubré. Ils m’ont tous permis de prendre mes fonctions de façon sereine.
En quoi consiste précisément votre mission en Côte d’Ivoire ? Votre nomination dans l’élan de la réactivation du Traité d’amitié et de coopération entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire est-elle intrinsèquement liée à ce traité d’intégration ?
Ma nomination n’est pas liée intrinsèquement à la réactivation du Traité d’amitié et de coopération Ivoiro-Burkinabè. Je pourrais me permettre de vous rappeler que l’Ambassade du Burkina Faso en Côte d’Ivoire existe depuis 1960 et a toujours eu un ambassadeur de façon continue. C’est dans la suite logique des choses que j’ai été nommé en remplacement de mon prédécesseur, l’ambassadeur Justin Koutaba. La mission que Son Excellence Roch Marc Christian Kaboré m’a confiée en me nommant en Côte d’Ivoire porte sur quatre points. Il s’agit, dans un premier temps, de travailler à renforcer les relations d’amitié et de bon voisinage avec la Côte d’Ivoire. Un pays avec lequel nous avons des relations entremêlées ; il me plaît de rappeler qu’entre 1932 et 1947, la frontière Nord de la Côte d’Ivoire allait jusqu’à Tenkodogo. Il faut donc travailler à renforcer cette relation de fraternité qui va au-delà de l’amitié. Deuxièmement, c’est travailler à organiser la communauté pour qu’elle puisse, de façon efficace, participer aussi bien au renforcement de la cohésion en Côte d’Ivoire qu’au développement du Burkina Faso. Le troisième point, c’est de travailler à ce que les Burkinabè entretiennent de bonnes relations avec ceux qui nous ont accueillis. C’est-à-dire nos tuteurs qui, depuis longtemps, ont fait preuve d’hospitalité. C’est donc de travailler à ce que les relations entre les deux populations se réalisent dans la perfection. Et, enfin, le quatrième point, c’est de travailler à ce que les Burkinabè de Côte d’Ivoire intensifient leurs rapports avec le Burkina Faso.
Que vous a dit le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, en vous nommant en République de Côte d’Ivoire ?
Au-delà de cette mission, le Président du Faso a été très ferme sur le rôle qu’un ambassadeur doit jouer. Il a beaucoup mis l’accent sur le comportement républicain de l’ambassadeur et, au-delà de l’ambassadeur, tous ceux qui travaillent à l’ambassade. Nous devrons travailler dans le respect des normes qui permettent aux Burkinabè de se retrouver dans ce que nous faisons sans aucune distinction.
Succéder à une personnalité si marquée et très politique comme votre prédécesseur Justin Koutaba est-il un atout ou alors un obstacle dans l’exercice de votre fonction ?
L’Ambassadeur Justin Koutaba a été nommé à l’instar de tous les ambassadeurs. Il avait une lettre de mission et c’est cette lettre qui a guidé son action. Avant lui, d’autres ambassadeurs sont arrivés en Côte d’Ivoire et ont agi selon la lettre de mission qui leur était confiée. Ce n’est donc pas une question de succession d’une personne. Un ambassadeur a pour tâche de représenter son pays et la tâche de l’ambassadeur dépend de la nature des relations que son pays, entretient avec le pays d’accueil. Je n’ai pas de difficultés particulières en Côte d’Ivoire depuis que je suis là. Je n’ai pas senti quoi que ce soit qui puisse me permettre de dire que dans les rapports entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, il y a quelque chose qui mérite d’être signalé. Il faut donc aller au-delà des personnes.
Il se dit que vous et votre prédécesseur, Koutaba, ne vous êtes jamais appelés au téléphone, ni rencontrés depuis que vous avez pris fonction ?
Je trouve qu’on met beaucoup d’accent sur les questions individuelles mais, ce n’est pas très important. Ce qui importe, c’est que quand un Ambassadeur arrive, il hérite de ce que ses prédécesseurs ont fait. Et dans ce qu’ils ont fait, il y a toujours quelque chose de solide qu’il faut renforcer. Il y a aussi des aspects qu’il faut corriger. C’est ça qu’il faut prendre en considération et non les questions personnelles. Je n’ai pas de problèmes particuliers avec l’ambassadeur Koutaba. Je me rappelle qu’il a été directeur de l’UFR des Sciences humaines quand moi j’étais chef du département. Il n’y a pas de problème entre lui et moi et dans le cadre du travail que nous menons ici, il n’y a pas d’interférences entre les questions personnelles et les questions institutionnelles. Je ne trouve pas une pertinence particulière à cette question.
« Il ressort que beaucoup de nos compatriotes évoluent dans le domaine de l’agriculture avec un degré de désorganisation assez marquée »
C’est un si haut cadre de la politique sinon de la diplomatie burkinabè et on se dit que vous ne pouvez pas faire abstraction de son avis, son opinion ou son regard. Vous pourriez l’intégrer en tant que sociologue plutôt que de l’ignorer ?
Je suis là en tant que diplomate et non en tant que sociologue. Ce que je voudrais dire, c’est qu’il y a beaucoup de hauts cadres burkinabè en Côte d’Ivoire. Il y a beaucoup d’expertises et les portes de l’Ambassade restent toujours ouvertes à tous ceux qui ont un avis ou une opinion. Mais je voudrais quand même rappeler que le travail de la Représentation diplomatique est organisé selon un certain nombre de services qui, au-delà des personnes, impriment la marque déposée du pays. L’individualité des ambassadeurs contribue à donner un éclat à la Représentation, mais le travail technique est fait par les diplomates de carrière qui sont là et dont l’avis permet d’assurer la continuité. Ce n’est donc pas une question de personnes. Et comme je l’ai dit, les portes de la Représentation sont ouvertes.
Vous avez effectué des tournées auprès de vos compatriotes dans la Côte d’Ivoire profonde. Quel constat vous êtes-vous fait sur leur vie et leur niveau d’organisation ?
Après la présentation de mes lettres de créance en juillet, j’ai commencé mes premières tournées en octobre 2016, précisément à l’Ouest dans les régions de la Nawa, de San Pedro. J’ai été dans les campagnes. L’objectif, c’était de toucher du doigt ce qu’est le quotidien du Burkinabè, car très souvent, on a l’impression que ceux qui sont à l’intérieur ne sont pas pris en compte. Et de ces tournées, il ressort que beaucoup de nos compatriotes évoluent dans le domaine de l’agriculture avec un degré de désorganisation assez marquée. Partout où on passe, on note des divisions au sein de la communauté. Des divisions aussi bien sur le plan de la chefferie que des associations. Ce qui ne permet pas à la communauté d’avoir une capacité d’actions bien structurée. Ce qui est encore frappant, c’est qu’à l’Ouest, il y a des zones où presque 80% de la population n’ont pas d’actes de naissance. Je ne parle même pas de la scolarisation. L’autre constat, c’est qu’au regard de ce que les Burkinabè pratiquaient beaucoup plus, c’est-à-dire l’agriculture, beaucoup de compatriotes se retrouvent aujourd’hui désemparés parce que la forêt est finie. La fin de la forêt constitue un problème pour eux parce qu’ils n’ont pas d’autres activités que l’agriculture. Voilà, en gros, le constat que je peux faire de mes tournées.
« Au Burkina, on sait comment on devient chef, mais en Côte d’Ivoire, on ne le sait pas »
Vous venez d’évoquer les questions de conflits de chefferie et de leadership qui minent la communauté burkinabè en Côte d’Ivoire. Ce qui est somme toute une réalité. Quelle thérapie proposez-vous du moment où le mal est diagnostiqué ?
Vous avez raison de poser la question parce que ce qui frappe ici, ce n’est pas la pluralité des associations, mais c’est leur antagonisme. Ça c’est d’un. De deux, c’est la manière dont on devient chef ici. Au Burkina, on sait comment on devient chef, mais en Côte d’Ivoire, on ne le sait pas. Ces deux aspects liés nous mettent dans une situation difficile. En tant qu’ambassadeur, on est tenu de recevoir tout le monde, mais en même temps, on est très mal fondé de dire à qui que ce soit que selon les règles de préséance, il est avant ou après. Ce qui fait que souvent, on écoute, et on conseille en attendant de trouver une solution appropriée. Je voudrais rappeler que lorsque je suis arrivé avec les différents Conseillers de l’ambassade et les différents Consuls, nous avons adopté une méthode de travail qui consiste à se rencontrer une fois par trimestre pour évoquer les problèmes de la diaspora et voir comment y apporter des solutions. En dehors de ça, il y a au sein de l’Ambassade une rencontre hebdomadaire qui a été instituée. Ce cadre vise à enlever le caractère individuel de la gestion de la communauté. La solution que nous envisageons actuellement après des rencontres avec les consuls à Bouaké et à Soubré, c’est de mettre en place un cadre de concertation. Ce cadre de concertation consulaire va permettre aux différents Consuls d’ébaucher avec les membres de la communauté le traitement de certaines questions, dont le problème de leadership. C’est un problème qui est un peu compliqué et délicat. Quand on dit Naaba au Burkina Faso, on sait qu’un Naaba a un terroir et que ceux qui sont dans ce terroir sont sous sa responsabilité. On sait aussi qu’un Naaba du Bulkiemdé ne peut pas commander un ressortissant du Kourwéogo ou de Kaya. En Côte d’Ivoire, on a des Naaba dans des espaces où il n’y a pas que des Mossé. Il y a d’autres ethnies, des Samos, des Dioulas, des Gourounsi. Ce qui fait qu’il faut même revoir l’appellation pour voir comment qualifier les responsables de communauté. Il faudrait qu’on aboutisse, dans les discussions que les Consuls vont mener, à des règles consensuelles. Quand on va aboutir à ce consensus, les responsables choisis pourraient être considérés comme les responsables de la communauté. Tant que nous n’allons pas aboutir clairement à une situation où on sait la procédure pour être responsables de la communauté, on ne s’en sortira jamais. Il y a tellement d’associations et, au-delà du nombre, on ne sait même pas quels sont les objectifs visés. Pour vous donner un exemple assez illustratif, lorsqu’au mois d’août 2017, il y a eu l’attentat contre le restaurant Istanbul à Ouagadougou, nous avons ouvert un livre de condoléances. Il y a une délégation qui était venue signer le livre et en partant, elle nous a dit qu’il y a une délégation qui est en train d’arriver mais, de ne pas la laisser entrer. A la limite, on se demande quel type d’amour ils ont pour le Burkina Faso. Ce n’est pas un problème que nous allons régler en un mois ou en un an. C’est un processus.
« Je voudrais profiter ici pour dire qu’aucune association burkinabè n’est au-dessus d’une autre en Côte d’Ivoire »
A Abidjan précisément, des voix s’élèvent contre vos absences à des cérémonies auxquelles vous êtes invité, sans de surcroît vous y faire représenter. Que répondez-vous ?
Merci de me poser cette question parce qu’elle est récurrente. Je précise d’emblée que ce n’est pas par manque de temps que je ne participe pas aux activités menées par la communauté. Indexer le temps serait de vouloir cacher le soleil avec la main. Je vous ai expliqué comment la Représentation diplomatique est organisée en Côte d’Ivoire. Le rôle de l’ambassadeur est d’entretenir les rapports avec le pays d’accueil et les Représentations diplomatiques qui sont dans le pays. Ensuite, il y a les Consulats qui sont chargés de gérer les rapports avec la communauté. Ce qui fait qu’au regard de notre nombre en Côte d’Ivoire, on a le Consulat général d’Abidjan, le Consulat général de Bouaké et le Consulat honoraire de Soubré qui deviendra bientôt un Consulat général. On attend seulement que le Consul général de Soubré soit nommé. C’est donc aux Consuls que les associations doivent adresser leurs demandes de parrainage et en fonction de l’appréciation que les Consuls font, ils peuvent participer ou se faire représenter. C’est comme ça que ça se passe dans une situation normale où il n’y a pas de dissension ni de division au sein de la communauté. Les diplomates ont un programme de travail et il y a tellement de sollicitations parfois contradictoires. Ce qui fait que si vous commencez à aller sans être sûr de pouvoir continuer, vous allez dresser la communauté contre vous. Je préfère donc essuyer les critiques de mon absence que de semer les germes de la division et de la confrontation à l’intérieur de la communauté. J’ai vu sur les réseaux sociaux beaucoup de gens se préoccuper de la réussite de ma mission en Côte d’Ivoire et je les remercie. Mais j’aurais souhaité que ceux qui émettent ces préoccupations puissent interpeller aussi les responsables des associations qui, de par leurs antagonismes, ne favorisent pas l’organisation de la communauté. J’entends des présidents d’associations prétendre être des présidents de tous les Burkinabè de la Côte d’Ivoire. Et une fois qu’ils ont parlé, ils interdisent aux autres de parler. On a reçu des associations ici dont les chefs se sont présentés comme les chefs suprêmes de tous les Burkinabè. Je voudrais profiter ici pour dire qu’aucune association burkinabè n’est au-dessus d’une autre en Côte d’Ivoire. Les associations se valent. Ça c’est d’un ; et de deux, aucun président d’association ne peut se prévaloir du titre de président de tous les Burkinabè. Ça c’est une tentative d’hégémonie qu’il faut dénoncer. Que tous ceux qui sont confrontés à cette situation viennent nous l’expliquer. Pour revenir à votre question, nous restons ouverts dans l’accompagnement quand il y a des activités aussi bien à l’Ambassade qu’au Consulat. Mais nous voulons éviter d’ajouter du désordre au désordre. Du reste, ceux qui comparent la présence de certains ambassadeurs lors des manifestations de leurs ressortissants et l’absence de l’ambassadeur du Burkina, je voudrais qu’ils essaient de voir chez les autres s’il y a autant de divisions comme chez eux.
A Gagnoa, en avril 2017, vous auriez soutenu l’installation d’une dame en remplacement du délégué Consulaire, suspendu par le Consul honoraire de Soubré. Ce qui avait créé quelques tensions. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
Je me rappelle du titre de l’article de Informateur.info : «Le premier faux pas de l’Ambassadeur Zongo». Je voudrais vous rassurer que ce n’était pas un faux pas. C’est un acte assumé. Je confirme que j’ai soutenu le Consul honoraire de Soubré, notre doyen, Jean de Dieu Zoundi, dans la suspension du délégué consulaire de Gagnoa, M. Michel Tiendrébéogo. Je vous explique un peu comment ça s’est passé. C’était lors de ma première tournée en octobre 2016 lorsque le Consul a été saisi par d’autres délégués de sa circonscription d’un document qui circulait signé du délégué Consulaire de Gagnoa Michel Tiendrébéogo pour solliciter sur invitation du Consul Honoraire, la contribution de la communauté de Gagnoa pour l’accueil de l’ambassadeur qui devrait passer là-bas le 20 octobre. Et la nuit que j’allais passer à Gagnoa était budgétisée à 1 705 000 F CFA. Je vous laisse le document. Le Consul ayant eu vent de ça m’en a parlé et on a décidé de ne pas dormir à Gagnoa mais à Guibéroua. Le lendemain quand on est arrivé à Gagnoa, il y avait à peine 30 personnes dans la salle. On a tenu la rencontre et on a continué. A la sortie de Gagnoa, il y avait une foule qui nous attendait, mais nous ne nous sommes pas arrêtés parce qu’on ne savait pas qui ils étaient. C’est le soir que j’ai été informé que la rencontre a été boycottée par la population de Gagnoa parce qu’ils avaient des choses à reprocher au délégué. Je rappelle que le délégué est élu et non nommé par le Consul. Je ne m’immisce pas dans ce processus. Mais le Consul m’a demandé de recevoir la délégation qui souhaitait m’entretenir sur leur situation. C’est en les recevant qu’ils m’ont demandé s’il était vrai que je voulais nommer Michel Tiendrébéogo Consul honoraire. Parce que c’est ce qu’il serait venu dire lorsqu’il était revenu de Ouagadougou. J’ai dit à la délégation que je n’avais aucun pouvoir de nommer un Consul. Ce sont les prérogatives du Président du Faso. Ils semblaient soulagés et sont repartis. J’ai donc demandé au Consul de gérer la question. Il a convoqué le délégué pour comprendre pourquoi c’est la seule zone où il n’y avait pas eu de mobilisation. Les explications du délégué étaient décousues et, automatiquement, après il y a eu des lettres de la communauté, le chef de la communauté, le responsable des jeunes et le responsable des femmes, qui dénonçaient son comportement et proposaient sa destitution. Le Consul les a convoqués pour une réunion de conciliation étant donné qu’un délégué consulaire qui a sa base contre lui, pose problème. Le Consul lui a alors demandé de réaménager ses rapports avec la communauté. Il a refusé. Le Consul a alors proposé de le suspendre. Je lui ai dit qu’il était dans ses droits. Il a alors été suspendu et remplacé par une dame dans l’attente d’organiser des élections pour élire un nouveau délégué. C’est ainsi que M. Michel Tiendrébéogo a saisi la presse et s’est même rendu à Ouagadougou. Il a même accusé le Consul honoraire de lui avoir demandé un million de F CFA et que c’est suite à son refus qu’il a été suspendu. Ce qui est évidemment faux. J’ai encore la correspondance qui m’a été adressée par l’ancienne ministre déléguée me demandant de lui rendre compte de cette situation. Sa suspension ayant donné lieu à une tension, on ne pouvait pas organiser des élections dans une telle situation. Je voudrais préciser que Michel Tiendrébéogo n’est pas le seul. Il y a un autre dont je ne vais pas citer le nom qui a reçu un avertissement. Pour moi, c’est la tolérance zéro avec ceux qui servent d’intermédiaires entre l’Administration et la communauté. On ne peut pas permettre que des comportements inappropriés prospèrent. Si quelqu’un a des récriminations contre des délégués, qu’il nous informe. Nous vérifierons et prendrons les mesures appropriées. Un délégué est l’interface entre l’Administration et la communauté ; ce n’est pas un roitelet.
« Nous allons introduire dans les jours à venir le dossier pour le permis de construire »
Le salut aux couleurs les premiers lundis de mois est l’occasion d’une relative affluence au Consulat général du Burkina Faso à Abidjan, malgré les embouteillages et les contraintes de travail. Pourquoi, pour des raisons pratiques et de commodité, vous ne le faites pas uniquement à l’intention du personnel de la Chancellerie ?
C’est une question surprenante parce que le salut aux couleurs est un acte fort. C’est le seul moment où on invite la communauté à venir honorer le pays. On n’a jamais contraint quelqu’un à venir. On ne s’est jamais plaint non plus que quelqu’un ne soit pas venu. L’amour de la patrie peut surmonter les embouteillages une fois par mois. Ceux qui viennent, on les remercie et ceux qui ne viennent pas, on ne les blâme pas.
Parlons de la Maison du Burkina. Qu’est ce qui coince encore et encore l’avancement et l’achèvement des travaux ?
Ce n’est pas que j’ai un certain nombre d’informations, j’ai les informations. Le problème de la Maison du Burkina est simple. Pour faire la genèse, l’idée de la construction de la Maison du Burkina a commencé dans les années 90. Le plan a aussi été dressé dans les années 90. Quand en 2014, on a lancé le chantier, on n’a pas tenu compte du fait que la configuration de la zone a changé. Entre la conception du plan et le début de la construction, il y a eu des bâtiments qui ont poussé, notamment le siège de la CRAE-UMOA. L’entrée principale de la Maison du Burkina donnait sur une rue qui s’est avérée, selon les documents que nous avons reçus, être une rue privée appartenant à la CRAE-UMOA. Quand le chantier a commencé, ils ont manifesté leurs inquiétudes. Et dans ces manifestations, les investigations faites par les autorités ont fait ressortir le constat que nous avons commencé la construction avec les autorisations, mais nous n’avons pas un permis de construire. Le chantier a été arrêté pour défaut de permis de construire. Ce n’est pas seulement la Maison du Burkina qu’on arrête pour défaut de permis de construire. Les gens ont alors spéculé. Certains estiment que ça ne devrait pas être plus haut que la BCEAO. Certains disent que le plan était à 5 étages et nous avons décidé de passer à 10 ou 15. D’autres encore ont évoqué des problèmes d’argent. C’est fondamentalement faux. On a rencontré la BCEAO, la CRAE-UMOA, les responsables de l’urbanisme et je peux vous rassurer qu’il n’y a aucune objection à la construction de la Maison du Burkina. Pour tenir compte du caractère privé de la rue qui nous sépare de la CRAE-UMOA, nous avons fait des réaménagements au niveau de l’entrée. Nous allons introduire dans les jours à venir le dossier pour le permis de construire. Je peux dire à ce jour que tous les malentendus ont été levés.
Quels sont les critères de choix des personnalités qui reçoivent les décorations ?
Ceux qui reçoivent les décorations ici en Côte d’Ivoire peuvent être proposés, soit par l’Ambassade, soit par le Consulat, ou sont décorés directement sur proposition des autorités au pays. Vous savez très bien qu’on a des compatriotes qui font le lien entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Pour ce qui concerne les critères, lorsque nous recevons les notifications, les critères sont les services rendus à la Nation ou à la communauté. Il y a le service politique qui apprécie et qui discute avec le Consulat, et, au regard du nombre de places qu’on nous demande, il propose.
Pourquoi, parmi les personnalités élevées dans l’Ordre du Mérite du Faso, parmi les compatriotes en Côte d’Ivoire, ne figure jamais un acteur ou professionnel des médias, contrairement à ce qu’on voit au Burkina Faso ?
Vous avez raison, mais nous n’avons généralement que deux noms à proposer. Dans ces conditions, vous voyez bien que toutes les professions peuvent réclamer. Ce n’est pas qu’on a décidé d’écarter les Hommes de médias ; c’est parce que le nombre de décorations ne permet pas de prendre tout le monde en compte. On a des agents locaux qui ont servi et sont partis à la retraite sans recevoir de décorations. On aurait aimé qu’ils soient décorés. Quand vous prenez Soubré et Bouaké, il va être difficile de satisfaire tout le monde.
« Le vote du Burkinabè de l’extérieur est un acquis constitutionnel »
Il y a la structure des hommes d’affaires qui est en gestation depuis 2012 et dont l’accouchement semble difficile. Qu’en est-il des difficultés liées à son avènement et est-ce que vous avez soutenu ce club ?
C’est une question qui est très importante parce qu’elle est à l’image de ce qui se passe dans la communauté et mérite que l’on aille à la source pour comprendre et situer les enjeux. La question du Club des hommes d’affaires m’a été signifiée par la Chambre du commerce en décembre 2016 avec la mise en place d’un bureau provisoire chargé de conduire le processus. Et la Chambre du commerce m’a invité en janvier 2017 à Marcory pour une présentation du bureau provisoire. Comme vous l’avez dit, c’est une idée qui date de depuis 2012, qui est rentrée en hibernation et qui a été ressuscitée. Nous avons applaudi en les encourageant. Mais comme je l’ai dit, notre défaut d’organisation fait qu’on ne peut pas capitaliser nos compétences et nos acquis. Ce qui fait qu’on agit de façon dispersée. A la limite, on ne peut même pas montrer ce que nous apportons à l’économie ivoirienne encore moins au Burkina Faso. Régulièrement, compte rendu m’en a été fait par le représentant de la Chambre du commerce, M. Seydou Tou, jusqu’en décembre où il y a eu un problème à San Pedro. J’ai discuté avec lui au regard de ce qui se profilait et essayé de comprendre davantage. J’ai invité le président du bureau provisoire pour m’entretenir avec lui. C’est là que je me suis rendu compte qu’il y a des divergences au sein du Club des hommes d’affaires. Au delà des problèmes de personnes, il y a deux conceptions différentes de ce club. Ces deux conceptions se sont côtoyées jusque pratiquement à l’accouchement. La première conception, celle qui est portée par la Chambre du commerce, c’est qu’il faut créer un Club large des Hommes d’affaires, des opérateurs économiques sans distinction. C’est-à-dire, un Club de solidarité. La deuxième conception prône une certaine catégorie d’Hommes d’affaires, c’est-à-dire des opérateurs économiques ayant tous les documents requis. Les acteurs de cette conception ne dépasseraient pas les 200 et 300 en Côte d’Ivoire. Alors que la conception voulue par la Chambre du commerce, c’est de prendre en compte près de 2 000 acteurs. L’objectif, c’est de les amener à discuter pour clarifier les choses. Il faut qu’ils s’entendent sur qui peut adhérer et qui ne le peut pas. Ils devraient aussi s’entendre sur le rôle que le Club doit jouer. Cette clarification permettra aux uns et aux autres de se positionner pour éviter qu’on se retrouve dans un consensus mou où les gens vont se mettre ensemble sans partager les mêmes idéaux. Nous ne souhaitons pas que ce Club naisse avec des malentendus ; qu’il y ait une déflagration dans ce Club.
A deux ans des échéances électorales, pouvez-vous donner l’assurance que cette fois-ci le droit de vote du Burkinabè de l’étranger sera consommé ? Vu que le gouvernement a été remanié et que le ministre Alpha Barry dont la tête a été mise à prix dans le cadre de l’effectivité de ce vote ne s’occupe plus des Burkinabè de l’extérieur ?
Le dernier remaniement a consacré la naissance d’un ministère plein chargé des Burkinabè de l’étranger. Je m’attendais plutôt à ce que cela soit perçu positivement. Avant, c’était un ministère délégué. Ce n’est donc pas un retropédalage. C’est un signe qui montre tout l’intérêt que la diaspora a aux yeux du Président du Faso. A toutes les occasions, quand il prend la parole, il réaffirme la place importante que la diaspora a jouée dans la construction du Burkina Faso. De ce point de vue, je voudrais vous inviter à réécouter le message de fin d’année du président du Faso. Il a dit que la politique étrangère du Burkina Faso n’est pas modifiée. La question du vote est essentielle, mais ce ne sont pas des questions structurantes. Le vote du Burkinabè de l’extérieur est un acquis constitutionnel. C’est une fois tous les cinq ans. Mais entre les cinq ans, il faut s’occuper des Burkinabè de la diaspora. Et le travail qu’il nous a demandé, c’est de faire en sorte que les Burkinabè de l’extérieur puissent solidifier leur position économique, professionnelle, pour pouvoir se prendre en charge. C’est cette capacité à se prendre en charge qui va leur permettre de contribuer au développement du Burkina Faso. Mais si on focalise uniquement le débat sur le vote, c’est comme si après le vote on les oublie. Il y a une cohérence dans ce que le Président du Faso fait. J’entends souvent dire que le Burkina Faso a oublié ses enfants qui sont à l’extérieur. Ça peut se discuter et ça se discute d’ailleurs.
« Les Burkinabè d’Abidjan ont tendance à croire que le Consulat ne joue pas un rôle important et viennent vers l’Ambassade »
Est-ce que vous avez des canaux à l’approche de 2020 pour leur dire cela ?
Nous n’attendons pas 2020, parce que pour nous 2020 fait partie de l’ensemble des actes que nous posons. Nous n’avons pas un calendrier électoral ici à l’Ambassade. Pour nous, 2020 fera partie des étapes de la vie de la diaspora. Il faut travailler à ce qu’après les élections on ne dise pas qu’on attend 2025. C’est dans ce cadre que j’ai parlé de la création du cadre de concertation consulaire. Les objectifs que la représentation vise, vont se discuter avec la communauté. Les Burkinabè d’Abidjan ont tendance à croire que le Consulat ne joue pas un rôle important et viennent vers l’Ambassade. Et ceux qui sont à l’intérieur, que diront-ils? C’est normal qu’il y ait des incompréhensions mais notre devoir, c’est d’expliquer et de sensibiliser pour lever ces incompréhensions.
Au lancement de la carte consulaire format carte de crédit, l’objectif fixé était d’atteindre l’enrôlement de 3,5 millions de Burkinabè en 2020. Quelles sont aujourd’hui, les statistiques à mi-parcours ?
Je voudrais préciser que ce n’étaient pas 3 500 000, mais 3 050 000 Burkinabè à enrôler de façon intensive entre 2013 et 2015. Selon les informations dont on dispose à la date du 31 décembre 2017, on était à 952 454. Voilà le chiffre exact du nombre de Burkinabè enrôlés.
Au coût de l’établissement de cette carte se greffe une contribution de 1 500 F CFA pour l’érection de la Maison du Burkina, une disposition qui semble aujourd’hui impopulaire, de sorte que certains demandent sa suspension. Cette requête a-t-elle des chances d’être satisfaite ?
C’est un décret interministériel qui a fixé le coût de la carte consulaire. Ce décret a été contresigné par le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Economie et des finances et le ministère de l’Administration territoriale. Ce n’est pas nous qui fixons le coût. Mais pour la petite histoire, cette contribution a été initiée dans le cadre de la construction de la Maison du Burkina. Au regard des récriminations qui ont été faites, lors de la rencontre de la communauté avec le Président du Faso lors du TAC en 2016 à Yamoussoukro, une sollicitation a été faite pour davantage comprendre l’état de cette contribution. Et au mois de décembre 2016, nous avons reçu une mission de l’ASCE-LC qui devrait auditer les «1 500». Nous attendons jusqu’à ce jour le rapport de cette structure. J’espère que ce rapport va permettre de clarifier la situation et permettre à chacun de comprendre. Je ne peux donc pas dire si les «1 500» vont être supprimés ou pas dans la mesure où c’est un décret interministériel qui fixe le coût de la carte consulaire.
Il y a aussi le délai de délivrance de la carte censée se faire en 72 heures. Il se trouve que l’attente dure une semaine, voire plus pour les requérants. Qu’est-ce qui explique cela et quand est-ce que ce délai sera respecté ?
Il faut situer ici les 72 heures dans leur contexte et dans le processus d’établissement de la carte consulaire. Il faut faire la part des choses entre ceux qui sont enrôlés directement dans les locaux des Consulats et ceux qui sont enrôlés par des équipes mobiles. Une fois que l’enrôlement est fait, SNEDAI attend que la validation soit faite par le Consul et ce n’est qu’après la validation que le processus est déclenché. Lorsque le problème de retard a été posé, j’ai pris attache avec SNEDAI qui a effectivement reconnu qu’entre l’enrôlement, le traitement et l’attente de la validation, il peut y avoir des délais auxquels il faut ajouter des capacités de connexions. Ils sont là, vous pouvez leur demander, SNEDAI est dans un processus d’acquisition de matériel performant pour résoudre ce problème. Au delà du problème du délai, il y a eu aussi le problème de la qualité de la carte. Quand ce problème a été posé, nous avons pris attache avec la structure qui a reconnu qu’il y a eu un lot de papier qui était défectueux. Ils ont même pris l’engament, en demandant à tous ceux qui avaient des cartes défectueuses, de les leur ramener pour qu’ils procèdent au changement sans coût supplémentaire. Il y a aussi eu d’autres problèmes, notamment le fait que certains aient payé sans pour autant recevoir leur carte. C’est une association, notamment le CAMJBCI, qui est venue un jour ici nous voir avec 150 ou 160 récépissés de personnes qui ont payé mais qui n’avaient pas reçu leur carte. J’ai pris les documents et j’ai convoqué l’opérateur qui, après vérification, s’est rendu compte que le nombre était bien plus, autour de 500 cas. Aussitôt, l’opérateur a procédé à la délivrance des cartes. Nous avons voulu situer les responsabilités pour savoir si c’étaient les agents consulaires ou l’opérateur. Il s’est avéré que c’étaient les agents de l’opérateur qui étaient à la base de ce problème. Je profite pour saluer la démarche du CAMJBCI parce que ce que nous souhaitons, c’est que quand il y a des problèmes, on nous apporte les preuves.
La carte consulaire va-t-elle ou peut-elle servir au recensement des Burkinabè en Côte d’Ivoire ?
Ce n’est pas la finalité de la carte. La carte consulaire est un document exigé par la Côte d’Ivoire pour les non-nationaux qui résident en Côte d’ Ivoire et qui sont de l’espace CEDEAO. Le recensement de la population ne fait pas partie de ce qu’on attend de l’opérateur de la carte consulaire. Il s’agit ici d’être en conformité avec les règles de la CEDEAO. Cette réglementation est appelée à évoluer avec l’entrée en vigueur de la carte d’identité CEDEAO.
Le caractère non biométrique de la carte consulaire revient constamment lors de certaines opérations et pose des désagréments à ses détenteurs. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
Je vais vous répondre et l’équipe de SNEDAI ici présente vous fera la démonstration. Je réaffirme que la carte est biométrique. La biométrie, ce n’est pas la puce. C’est être capable d’intégrer des informations sur la personne dans la carte. Si vous allez par exemple dans les supermarchés, il y a des codes-barres. La biométrie c’est quand il y a des informations codées qui peuvent être lues par des logiciels. La carte consulaire est donc biométrique et sécurisée. Je mets au défi quiconque d’apporter la preuve d’une personne ayant deux cartes produites par l’opérateur avec des informations différentes. Ou encore une pièce utilisée pour produire des cartes différentes. Ce n’est pas possible. S’il y a des personnes qui possèdent ce genre de preuves, je leur suggère de passer par vous (les journalistes, ndlr) pour qu’on procède aux vérifications. J’ai invité l’opérateur pour qu’il vous fasse la démonstration que la carte est bel et bien biométrique.
Entretien réalisé par Emile et Alexandre ILBOUDO