Dr ABDOULAYE PAGOMDZANGA NITIEMA, DG DES ETUDES ET DES STATISTIQUES SECTORIELLES DU MINISTERE DE LA SANTE : « Il n’y a pas eu de détournement d’ambulances »
La gestion des infrastructures au ministère de la Santé fait parfois l’objet de polémique. Certains vont même jusqu’à dire que des ambulances ont été détournées. Vrai ou faux ? Dans cette interview qu’il nous a accordée le 3 mars dernier, le directeur général des Etudes et des statistiques sectorielles du ministère de la Santé, Dr Abdoulaye Pagomdzanga Nitiéma, lève un coin du voile sur plusieurs sujets. Lisez !
« Le Pays » : Vous êtes le directeur général des Etudes et des statistiques sectorielles au ministère de la Santé. En quoi consiste exactement votre rôle ?
Abdoulaye Pagomdzanga Nitiéma : Le secteur de planification Santé s’inscrit dans l’axe stratégique n°2 du PNDES, à savoir «développer le capital humain». L’objectif majeur pour le secteur de la santé, est de promouvoir la santé des populations et d’accélérer la transition démographique. Les trois effets attendus au niveau du secteur santé sont:
- l’accès aux services de santé de qualité est garanti à tous ;
- l’état nutritionnel de la population, en particulier des femmes et des enfants, est amélioré ;
- le processus d’accélération de la transition démographique pour déclencher le dividende démographique est réellement mis en mouvement.
Parlant d’infrastructures, combien de centres de santé ont-ils été réalisés ces dernières années ?
En termes de point sur la réalisation d’infrastructures sanitaires au Burkina Faso, il convient tout d’abord de souligner que cela entre dans le cadre du renforcement de l’offre de services de santé.Le renforcement de l’offre passe essentiellement par la construction/normalisation de nouvelles infrastructures sanitaires, le recrutement et la formation de personnels médicaux et paramédicaux, le renforcement du partenariat avec le privé et la pharmacopée traditionnelle, l’évaluation des curricula de formation du personnel pour être en conformité avec les normes de l’Organisation ouest africaine de la santé (OOAS). Mais ici, le focus est mis sur les infrastructures et équipements sanitaires.Ainsi, le rayon moyen d’action théorique, grosso modo la distance moyenne entre deux CSPS, s’est considérablement amélioré entre 2001 et 2018. En effet, il est passé de 9,18km en 2001 à 7,49km en 2009 et à 6,4 km en 2017. Pour le point de réalisation d’infrastructures, entre 2016 et 2017, on peut citer :
Au premier niveau de soins
la mise en service entre 2016 et 2017 de 127 CSPS dont 61 CSPS construits avant 2016 ; – la construction et l’opérationnalisation de 30 CSPS, etc. ;
la normalisation de 17 CSPS incomplets ;
la construction de 19 CSPS complets non fonctionnels ;
– la Construction et la mise en activité de 13 infrastructures incomplètes ;
la construction de 13 infrastructures incomplètes ;
– la Construction en cours de 23 CSPS en fin 2017 ;
23 transformations ont été achevées en 2016 ;
en 2017, sur 40 transformations de CSPS prévues, la réception technique a été effectuée pour 14 CM, et la normalisation des CM de Béguédo, Kokologho et Poa est en cours avec une réception attendue au premier trimestre 2018 ;
certains marchés attribués en 2014 et non exécutés par manque de financement, sont en phase de démarrage. Une vingtaine de sites sont concernés et la réception est attendue dans 8 mois à compter du 15 novembre 2017.
Au deuxième niveau de soins
Le pôle mère-enfant du centre hospitalier régional (CHR) de Dédougou est en construction sur budget de l’Etat ; Les travaux de construction du CHR de Ziniaré sont très avancés. La fin des travaux est prévue au cours du 1er trimestre 2018. Le CHR de Ziniaré devrait être fonctionnel d’ici la fin 2018 au plus tard ;Les travaux de réalisation du CHR de Manga ont commencé et seront terminés d’ici 2019.
Au troisième niveau de soins
C’est essentiellement la transformation des CHR en CHUR. Cette transformation devrait permettre d’améliorer les capacités d’accueil des stagiaires. Il s’agit de transformer certains CHR en CHU. Les CHR suivants ont été retenus dans le programme : Ouahigouya, Koudougou, Fada N’Gourma, Dédougou.Le CHR de Ouahigouya a été transformé en CHR universitaire au cours de l’année 2017.Un milliard cinq cent millions de F CFA sont prévus pour démarrer les travaux de transformation des infrastructures du CHR en CHU.
Mais reconnaissez-vous avec certains que la plupart de nos centres de santé sont sous-équipés ?
S’agissant de l’état des lieux des équipements sanitaires, disons clairement que la situation n’est pas reluisante.
Mais nous savons tous que des soins de qualité doivent être offerts dans toute structure de santé burkinabè, car c’est l’une des priorités de notre action au ministère de la Santé.Or l’amélioration de la qualité des soins dépend du niveau du plateau technique et de celui des ressources humaines.Par ailleurs, il n’est un secret pour personne que les besoins sont immenses, alors que les ressources financières se font rares. L’audit réalisé en 2016 donne une lecture de la situation et nous invite à développer des stratégies pour combler les déficits de nos structures de soins en équipements biomédicaux et même en ressources humaines. Je vous renvoie pour plus de détails à ce rapport intitulé « rapport d’audit des équipements et des ressources humaines dans les CHU/CHR, HD/CMA fonctionnels ».Nous allons travailler à avoir les ressources afin de mettre en œuvre les actions prioritaires y relatives telles que planifiées dans notre politique de santé et le plan national de développement sanitaire. La transformation du ministère engagée par le premier responsable, traduit tout l’engagement du département à faire en sorte que les résultats attendus par le secteur santé à l’ère du Plan national de développement économique et social (PNDES) soient une réalité à l’heure du bilan.
Comment se fait la répartition des infrastructures sanitaires ?
La mise en œuvre de la politique de santé en matière d’infrastructures obéit à une logique traduite en carte sanitaire régulièrement mise à jour qui prévoit le type d’infrastructure, le site de réalisation à réaliser selon des critères préalablement définis.
La carte sanitaire permet une meilleure canalisation des interventions et des ressources en santé dans une optique d’équité, d’accès et d’utilisation des services de santé. Les informations fournies par la carte sanitaire permettent non seulement une meilleure planification des interventions, mais de façon générale, une meilleure administration du système de santé. Il faut savoir que pour son élaboration, le ministère de la Santé fait recours à une démarche participative et inclusive afin de prendre en compte les besoins de tous les acteurs intervenant dans la santé.
Est-ce que certaines zones ont été privilégiées comme pensent certains au détriment d’autres ?
Non, pas du tout. Mais du fait de l’inégale répartition apparente des infrastructures entre régions et entre districts qui s’explique bien cependant, des affirmations du genre peuvent être entendues.
Le problème réside dans les critères et le souci de faire en sorte que les formations sanitaires restent viables. En effet, le Sahel et l’Est sont les plus concernés. Et en analysant, vous voyez qu’à l’Est, il y a beaucoup de forêts ; donc, beaucoup de zones à faible densité tandis qu’au Sahel, existent de grandes superficies non permanemment peuplées du fait du nomadisme. Donc, les critères ne sont pas remplis facilement. Nous réfléchissons à de meilleures stratégies, vu que notre Constitution prévoit que la santé est un droit pour tout Burkinabè.
Il y a des plaintes liées à une répartition que l’on juge déséquilibrée des ambulances dans les régions. Qu’en est-il exactement ?
A mon humble avis, je ne le pense pas. En réalité, il peut y avoir des faits qui peuvent faire penser à cela, mais il y a toujours des explications. En effet, planifier c’est prévoir l’avenir, c’est anticiper. Mais la planification est un processus dynamique. C’est ainsi que vous pouvez planifier des infrastructures et autres équipements pour tel ou tel site. Mais pendant l’exécution, le contexte est tel que pour des raisons de nécessité absolue, vous soyez obligés de privilégier un site ou une zone non initialement prévu pour l’année en question. L’homme, comme l’œuvre humaine, s’améliore en tirant leçon des expériences antérieures. Tenez par exemple, pendant l’inondation du 1er septembre 2009, on a dû utiliser des ressources et équipements disponibles destinés à autre chose pour parer au plus urgent, en attendant d’avoir du renfort. Il en est de même quand se produit un accident d’importance sur un grand axe où on se rend compte que l’ambulance qui devait servir n’est pas opérationnelle ; alors des instructions peuvent être données dans le sens de pourvoir en urgence ladite zone en ambulance ; ou encore quand vous avez de grosses manifestations, il peut être instruit d’accroître la capacité d’intervention des structures de la zone abritant ladite manifestation (fête de l’indépendance, foire d’envergure, etc.)
Donc, il n’y a pas eu de détournement comme certains le pensent ?
Non, il n’y a pas eu de détournement d’ambulances, au regard de ce que je viens de dire.
Quelles sont vos perspectives en matière d’infrastructures en 2018 ?
Il faut savoir que le ministère de la Santé, comme d’autres ministères, a déjà identifié ses priorités d’action pour la période 2018-2020, tenant compte des référentiels au plan national (comme le PNDES et le programme présidentiel), mais aussi de ceux internes au ministère (PNS, PNDS, document de transformation du ministère à l’ère du PNDES). Et je puis vous rassurer que les questions des infrastructures, des équipements et même des ressources humaines ne sont pas en reste, bien au contraire.
En ce qui concerne les infrastructures, il sera poursuivi la construction de nouveaux CSPS, la normalisation des CSPS incomplets, la transformation des CSPS des chefs-lieux de communes rurales en Centres médicaux ; la poursuite de la construction de CHR/CHUR dans les chefs-lieux de région, la poursuite des constructions du CHUSS de Bobo, du CHU de Bassinko. De même, certains chantiers en cours seront conduits à terme (centre de neurochirurgie, centres de cancérologie, centres de gériatrie, centres d’hémodialyse, etc., pour ne citer que ceux-là.
Autre chose à ajouter ?
Pour terminer, permettez-moi, au nom de ma hiérarchie, de vous remercier pour le travail d’information, de sensibilisation au quotidien que vous faites aux côtés du ministère de la Santé, bien sûr comme bien d’autres organes et autres médias ! Cela traduit sans aucun doute l’appropriation du principe selon lequel les déterminants sociaux de la santé ont fait comprendre que les problèmes de santé ne doivent plus être l’affaire des seuls acteurs ou professionnels de santé, mais plutôt l’affaire de tous les secteurs, de tous et de toutes ! Donc, merci à toutes celles et tous ceux qui œuvrent en synergie avec le ministère de la Santé pour une amélioration de l’état de santé des populations.
Valérie TIANHOUN