RECONNAISSANCE DE LA VICTOIRE DE MAADA BIO PAR SON ADVERSAIRE : Un happy end qui grandit la Sierra Leone
Il y aura eu plus de peur que de mal ! C’est le moins que l’on puisse dire du processus électoral en Sierra Leone, qui a pris fin la semaine dernière avec la victoire du candidat de l’opposition, Julius Maada Bio. En effet, le vaincu, Samura Kamara, par ailleurs candidat du pouvoir, qui entendait contester les résultats, s’est ravisé. Mieux, il est allé à la rencontre de son adversaire qu’il a félicité pour sa victoire. Morceaux choisis : « Je suis ici pour féliciter notre nouveau président, avec des membres de la direction de mon parti (…). Je vous souhaite bonne chance au moment où vous prenez les rênes de ce petit pays, mais assez compliqué. Mon parti, l’APC, entend apporter le soutien nécessaire à votre gouvernement », a déclaré Samura Kamara, dans une ambiance pour le moins détendue, sur les bords de la piscine de l’élégante villa de son adversaire, Maada Bio.
On avait craint le pire
Quand on connaît les heurts et autres scènes de violences qui ont suivi la proclamation des résultats du second tour, on ne peut qu’applaudir à tout rompre, tant on avait craint le pire. Il s’agit là d’un happy end qui grandit la Sierre Leone. Car, si après la guerre civile qui a fait plus de 120 000 morts, et le virus de la fièvre Ebola qui a aussi endeuillé cette nation, le pays de Ernest Baï Koroma devait encore faire face à une crise post-électorale, c’en serait de trop. C’est le lieu d’ailleurs de rendre un vibrant hommage à tous ceux-là, en l’occurrence le clergé et les autorités coutumières, qui, de près ou de loin, ont joué un rôle pour que la Sierra Leone ne sombre pas. Quant au candidat malheureux, Samura Kamara, le peuple sierra-léonais le lui revaudra ; lui qui a su se surpasser au nom de l’intérêt supérieur de son pays, pour mettre fin au débat. Il mérite d’autant plus de lauriers qu’ailleurs, en Afrique, bien des candidats malheureux ne s’avouent pas vaincus et prennent la mauvaise habitude d’appeler leurs ouailles à descendre dans la rue, avec toutes les conséquences qui vont avec. C’est le cas, par exemple de l’opposant kényan, Raïla Odinga, qui a passé le temps à ruer dans les brancards pour finalement, de guerre lasse, se rendre compte qu’il faisait fausse route. Conséquence, le Kenya se retrouve aujourd’hui avec une économie sérieusement éprouvée. A cela s’ajoutent les tensions communautaires qui, du fait des querelles politiques, se sont exacerbées, affectant ainsi l’unité et la cohésion nationales. En tout cas, pour revenir au cas de la Sierra Leone, le président Maada Bio devra, une fois passés les moments d’euphorie qui ont suivi sa victoire, se mettre au travail. C’est à lui de se montrer maintenant bon prince, en faisant en sorte qu’aucun Sierra Léonais ne se sente marginalisé pour une raison ou une autre. C’est à ce prix qu’il pourra construire un pays uni et prospère.
Maada Bio et Samura Kamara doivent se serrer les coudes
Certes, il a déjà annoncé la couleur en déclarant qu’il ferait tout pour que, désormais, aucun Sierra Léonais ne souffre pour son appartenance à quelque parti que ce soit. Mais il lui faudra mettre les bouchées doubles pour traduire cet engagement, ô combien salutaire, en actes concrets. Le nouveau président, Maado Bio, a d’autant plus intérêt à se montrer rassembleur que sont parti est contraint à cohabiter avec l’APC de Samura Kamara, qui, selon les résultats des législatives organisées parallèlement avec le premier tour de la présidentielle, a raflé la mise en obtenant plus de la moitié des sièges au parlement : 68 contre 48 pour le SLPP. Maada Bio n’a donc pas le choix. Il ne peut pas gouverner la Sierra Leone sans l’APC de Samura Kamara dont certains des militants ont vu leurs domiciles « vandalisés, pillés et incendiés ». Reste maintenant à savoir jusqu’où ira cette cohabitation qui, le plus souvent en Afrique, débouche sur des tirades, des injures et des provocations. C’est pourquoi, bien plus que de simples accolades, Maada Bio et Samura Kamara doivent se serrer les coudes afin de tirer leur pays vers le haut, à l’image des Libériens qui semblent avoir vaincu le signe indien. Ainsi, ils prouveront à la face du monde qu’au-delà de leurs ego surdimensionnés, ils sont des hommes d’Etat qui, non seulement aiment leur peuple, mais aussi se soucient de l’avenir de leur pays.
« Le Pays »